Celui-là, je peux vous dire que je l’attendais d’oreilles fermes. Depuis six ans exactement, ce qui fait que la notion de temps est vraiment relative, cette absence ayant dans mon cœur un écho d’une bonne décennie. Mais alors, pourquoi cet enthousiasme et cette joie qui me sont peu coutumières ? Tout simplement parce qu’un de mes groupes fétiches à enfin remis le couvert.
Les PEROPERO et leur nom improbable sont deux autrichiens délocalisés à Berlin en Allemagne, et leur musique est l’une des plus fertiles de ces dix dernières années. Je le reconnais et l’admets, Lizards sorti en 2017 a longtemps squatté ma playlist personnelle, et j’avais vu dans cet album le prolongement des travaux de NOMEANSNO, mais aussi de ZEUS et d’une certaine frange de l’écurie Ipecac. A base d’à-coups rythmiques et de riffs d’enfer, le tandem m’avait séduit de sa décomplexion totale et de son refus de s’enfermer dans une catégorie précise, portant la Fusion et le Crossover à ébullition pour nous faire tourner la tête en mode « mon manège à moi, c’est vous ».
Progressive Metal from outer space.
Entre Ed Wood, Zappa et IGORRR, PEROPERO prône le dadaïsme musical en peaufinage ultime, et bricole de petites chansons très bien troussées, sorte de mini-opéras italiens chantés d’une voix de stentor trafiquée. Massive Tales of Doom, malgré son nom n’a pas grand-chose à voir avec le Doom, mais garde pour maîtresse cet espèce de Mathcore Progressif qui les rend si différents et attachants. Mais cette fois-ci, et puisqu’il faut bien faire honneur au troisième album, les deux allemands d’adoption ont injecté pas mal de mélodie dans leur chaos organisé.
Erreur ? Non, au contraire. Alors que leurs deux premiers albums avaient de faux airs d’exercice rythmique élastique sur fond de lignes de chant scandées, Massive Tales of Doom ose un peu plus de classicisme sans que l’originalité de l’ensemble n’en pâtisse. Exemple frappant et probant, « Vermin », entame thrashy et franche, qui affranchit immédiatement l’esprit, et pas en lettre verte non prioritaire. Immédiatement, l’axe basse/batterie se veut alambiqué, de traviole, et les riffs en rajoutent une couche, pour que l’ensemble tangue et roule sur la houle laissée par le chalutier MR BUNGLE.
Mais au-delà des comparaisons - certes inévitables - PEROPERO met en avant sa propre identité, et nous sert encore chaudes des idées performantes et bluffantes. Massive Tales of Doom compte plus de déviations que le mois de septembre le plus chargé de la DDE, et s’embarque dans un voyage au long cours, un peu psychédélique, terriblement baroque, mais décidément très lucide au moment de faire les comptes. Entre faux Djent travesti en Hardcore souple et Progressif moderne qui refuse les figures de style trop évidentes, PEROPERO louvoie avec beaucoup de pertinence, et réussit le pari de faire aussi bien qu’il y a six ans, et même mieux : plus homogène.
On se délecte toujours autant de ces parties en solo qui semblent se faire l’écho de civilisations extraterrestres, de cette irrégularité rythmique qui nous oblige à faire glisser nos fesses sur les chaises non-musicales, et plus simplement, de cette liberté de ton qui ne doit rien à personne, et qui parvient à sonner aussi étrange qu’accrocheuse. Avec l’adjonction de synthés ludiques et frappés du sceau 80’s, le duo repousse ses propres limites, et ne joue pas la montre pour rien. Les morceaux les plus longs sont tous truffés de petites trouvailles malines, comme le démontre avec beaucoup de majesté « Luminosities », entre Heavy Metal vraiment lourd et NOLA déformée.
Les gus piochent donc dans toutes les décennies les ingrédients indispensables à leur soupe relevée, et nous somment d’oublier pour quelques dizaines de minutes notre monde bien balisé. Ce qui en soi n’est pas très difficile, puisque une piste comme « The Rig » fait la nique à tous les groupes de Mathcore Progressif de la création, entre un MESHUGGAH du dimanche et un Paul CHAIN de très bonne humeur.
Fascinant et hypnotisant de bout en bout, ce troisième tome est assurément l’un des meilleurs albums de ce premier trimestre 2023. La folie est toujours palpable, et « Moira » de combiner la force du Néo-Thrash et la précision du Mathcore traité Djent, sans que les orteils ne se laissent emporter par la marée.
Plus logique mais pas moins lubrique, PEROPERO progresse à son rythme en quantité, mais évolue très rapidement en qualité. En restant sur l’épilogue diabolique « Kensor », on pense même à un FAITH NO MORE de l’espace, perdu près de Vega, et devisant par télépathie avec les populations locales.
Cette rhétorique musicale est donc toujours aussi complexe et relevée, et pourtant, en écoutant ce disque, on a clairement l’impression de faire partie d’un club populaire pas si fermé qu’il n’en a l’air.
Ouaf ?
Titres de l’album:
01. Vermin
02. Luminosities
03. Event Horizon
04. The Rip
05. Moira Intro
06. Moira
07. Kensor
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