Petite séance de rattrapage 2019 chers lecteurs, avec un groupe qui mérite largement quelques signes dans ces colonnes. Après tout, 2019 n’a certainement pas encore fini de nous dévoiler ses richesses et surprises, l’année écoulée ayant été l’une des plus denses de cette décade morte en paix. Découverte certes, mais pas pour tout le monde, puisque le groupe du jour existe depuis 2010 et semble très familier au public sud-américain qui le soutient depuis sa première démo publiée en 2012. Blood & Iron fut donc le premier témoignage musical des argentins de HESS, groupe qui porte la marque au fer rouge et le nom de sa vocaliste qui l’a assemblé il y a une bonne dizaine d’années. A ne pas confondre donc avec le HESS de Harry, ex-HAREM SCAREM, ce que la musique gravée sur les sillons de Harpokrates confirme dès ses premiers instants, évitant ainsi la méprise. Dans les faits, HESS est un projet conçu par la mezzo-soprano argentine Melani Hess (ex-ABRASANTIA), rejointe quelques années plus tard par Ariel Schefer (guitare). Après quelques années de mise en place et quelques ajustements de line-up, le groupe a enfin pu décoller et proposer son premier longue-durée, Hagalaz, lâché triomphalement en 2014. S’ensuivit une nouvelle période d’instabilité pour la formation, aujourd’hui consolidée par les arrivées successives d’Eric Knudsen (basse), Diego Schmidhalter (guitare) et Martin Blengino (batterie), pour enfin offrir un successeur à ce premier jet, sous la forme de neuf nouveaux morceaux ayant nécessité cinq années de peaufinage. Mais le résultat en valait largement la peine, et on sait Melani très à cheval sur les détails et la perfection, il n’est donc pas étonnant qu’elle ait attendu tant de temps pour ressortir de son bois.
Double destin donc pour ce nouvel album, d’abord sorti en totale autoproduction en juillet de l’année dernière. Face au succès rencontré, le label grec Sonic Age Records décida de relayer l’information en version physique, et distribua l’album dès le mois d’octobre, permettant à Harpokrates de connaître une seconde naissance. Sans plus rentrer dans les détails pour le moment, avouons tout de même une chose. Aussi personnelle soit la musique de HESS elle paie son tribut à des influences plus qu’évidentes, ce que « King Aiwass » confirme en quelques secondes. Tierces symptomatiques, percussions définitives, ton lyrique, rythmique syncopée, tous les ingrédients sont en place pour qu’un seul nom émerge du chapeau : celui d’IRON MAIDEN. En effet, ce premier morceau semble sous perfusion, à tel point qu’on a le sentiment d’écouter un leftover de la période Piece of Mind chanté par la sœur de Geoff Tate, accessoirement aussi cousine de Bruce Dickinson. Le mimétisme est à ce point flagrant qu’on en vient à pouvoir anticiper les breaks et autres soli, ce qui est rarement bon signe, mais étrangement, la recette copiée fonctionne, et on se laisse prendre à ce Heavy fort en harmonies et puissant, qui nous évoque le meilleur des années 80 les plus combatives. Mais l’influence de MAIDEN n’est pas la seule, et il semblerait que les argentins n’aient cure d’une quelconque forme de modernisme, puisqu’on retrouve dans leurs morceaux des traces évidentes de DIO, de RAINBOW, de BLACK SABBATH, de MANILLA ROAD, mais aussi de QUEENSRYCHE, en version moins sophistiquée, soit l’avant-garde royale des années 70/80. Une nostalgie qui va donc chercher loin dans le temps son inspiration, mais qui a le mérite d’avoir une foi totale et indéniable. Et c’est justement cette implication - en sus d’un flair de composition certain - qui fait la force de ce second album.
Produit proprement, avec humilité mais bon sens, Harpokrates fait la part belle aux ambiances héroïques et au dramatisme Heavy le plus prononcé. La voix de Melani, toujours aussi belle et puissante domine les débats, mais heureusement pour elle, elle est aussi soutenue par une paire de guitaristes qui n’ont pas le médiator dans leur poche, et par une section rythmique sinon inventive, du moins efficace. C’est le constat qu’on tire rapidement de « God of Silence » qui accélère le tempo et allège l’atmosphère sans jouer le compromis, alors que « Thoth » convie aux agapes sombres les spectres du SAB et de DIO. Beaucoup d’envolées donc, une majesté vocale à l’empreinte forte, pour une musique traditionnelle, mais jouée avec goût et panache. On se prend à rêver à un retour du Heavy tel qu’on l’a connu dans nos jeunes années, impression accentuée par des chœurs désincarnés et spectraux du plus bel effet. Si musicalement, les argentins ne révolutionneront rien, ils pérennisent un héritage traditionnel avec une belle conviction. Evidemment, loin de moi l’idée de jouer le dithyrambe, puisque le travail de HESS n’est pas non plus irréprochable, plus dans la forme que dans le fond. Le quintet n’est pas toujours inspiré, et la voix de sa chanteuse ne parvient pas toujours à tirer l’instrumental vers le haut. Mais plus que des morceaux entiers, ce sont des passages précis qui sont à incriminer, comme ceux les plus formels et ACCEPTiens de « The Outsider », pas le plus convaincant du lot avec son riff saccadé bateau et pataud. D’autant plus que les argentins sont friands des morceaux longs aux développements multiples, ce qui a pour effet malheureux de laisser les titres dériver au long d’un cours pas vraiment vif. De plus, de temps à autres, la patte MAIDEN est vraiment trop présente, au point qu’on a le sentiment d’avoir affaire à un groupe de covers, comme le prouve « Heroes », qui sonne plus acier qu’un déroulé d’index de Steve Harris.
C’est donc vers les morceaux les plus nuancés que l’auditeur va se tourner pour avoir sa dose d’inédit, à l’image du très beau « Battle of Maldon », plus acoustique et aux harmonies plus prononcées. Ce qui permet à Melani de plus moduler sa voix et d’en montrer une autre facette, rapprochant son groupe d’un NIGHTWISH bucolique. Ajoutons à ce point positif une aisance à doper l’énergie par une rythmique plus véloce (« Chaos at Uruk », du très bon Power Metal, comme du RAINBOW repris par RIOT, « Hagalaz » plus ou moins bâti sur le même moule et conclusion parfaite), et le ressenti est finalement positif. Restera au groupe de vraiment se dégager de ses influences par trop marquantes pour proposer une musique moins connotée. Car même en 2020, nul n’a besoin d’une version féminisée d’IRON MAIDEN. Enfin pas tant qu’ils n’ont pas pris leur retraite en tout cas.
Titres de l’album :
01. King Aiwass
02. God of Silence
03. Thoth
04. The Outsider
05. Heroes
06. Battle of Maldon
07. Chaos at Uruk
08. Atlantean Dreams
09. Hagalaz
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