KREATOR. Ce seul nom se suffit à lui-même pour provoquer l'excitation et la montée d'une clameur ancestrale de la foule, toujours plus étoffée pas loin de 40 ans après ses débuts balbutiants et brouillons. Quel chemin parcouru pour la légende allemande, elle qui peut s'enorgueillir d'avoir eu 10 vies et quelques rejetons plus ou moins bien accueillis pour les fans du monde entier ! Mais toujours, Mille Petrozza a su maintenir le cap, fidèle à sa vision, abordant chacune des chicanes de son parcours avec acharnement, constance et ambition. Qu'il s'agisse d'un premier tiers-temps eighties purement dédié à un Thrash sans concession, extrêmement violent, véloce et porté chevillé au corps dans un marasme de brutalité, ou d'emprunter des chemins plus sinueux et audacieux avec une maestria certaine, le son « made in KREATOR » s'est mué dans les années 90 en un passionnant brassage de structures hétéroclites, n'hésitant jamais à s'aventurer bien au-delà des frontières qu'il a lui-même participé à définir et ériger comme rempart au tout-venant métallique mondial, Petrozza étant conscient de l'avancée presque inéluctable des sons et arrangements moins brut de décoffrage alors en vogue, offrant en pâture sa conception d'un monde musical extrême friand d'évolution constante, moins porté par la vitesse d'exécution que par une ambition froide et sordide, malgré une fan-base viscéralement accrochée à la férocité primaire et au sadisme musical du groupe. Qu'il s'agisse d'un « Renewal » aussi brillant que nuancé, d'un « Cause For Conflict » d'une méchanceté gratuite proche du hardcore le plus teigneux, ou d'un « Endorama » nettement plus mélodique dans une approche quasi gothique du plus bel effet, KREATOR prenait grand soin de brouiller intelligemment les pistes, laissant à son auditoire l'effet de surprise de la découverte et entraînant dans son sillage toute une cohorte de nouveaux adeptes, friands d'ambiance et de nuance. Sentant le vent tourner à l'aube du nouveau millénaire et le retour en grâce – ou pas loin – du déchaînement de violence métallique semblant s'opérer au sein de la scène européenne, le père Petrozza opère alors un virage à 180°, lequel fut, pour partie, apprécié par son noyau dur de fidèles, mais qui démontrait surtout que, pour la première fois de sa carrière, KREATOR marquait le pas. Lui qui avait toujours été synonyme de leader dans sa catégorie, faisant fi des tendances ou se les appropriant avec classe et dignité, se montrait sous un jour qu'on ne lui connaissait pas, celui de suiveur putassier. La qualité ne fut pas foncièrement mise en défaut – avec une réussite artistique à géométrie variable selon les publications – mais les Allemands se sont depuis engouffrés dans une brèche dont ils peinent à se sortir depuis une bonne vingtaine d'années. La pratique d'un Thrash bien souvent Heavy, nettement plus mélodique que durant leur glorieuse décennie d'une ignominieuse brutalité, laquelle était un parti pris pur et simple, n'offre à KREATOR que peu d'amplitude dans ses compositions, de sorte que la musique semble se répéter d'un album à l'autre. Alors bien entendu, les riffs sont là, les soli tous plus réussis les uns que les autres, les refrains conçus pour la scène le sont tout autant, mais la routine semble s'être installée depuis un bon moment chez Petrozza et ses copains. A l'image du TESTAMENT outre-Atlantique, le groupe d'Essen s'enferme depuis plusieurs albums dans des compositions étriquées, vraisemblablement pensée avant tout pour la scène, d'où se dégage une très nette sensation de déjà-entendu. Il serait cependant bien injuste de laisser penser que ce « Hate Über Alles » est un échec total sur la plan de la composition, bien au contraire, mais à trop chercher à s'imposer comme leader du Heavy/Thrash européen – qu'il est déjà depuis un bail, sans aucun doute, KREATOR en oublie quelque peu ses propres racines et ses évolutions perpétuelles. Où est donc passé le Thrash vicieux et pervers du premier tiers-temps de sa carrière ? Par quelle chausse-trape les arrangements désobéissants et les ambiances putrides réhaussées d'accalmies mélodieuses qu'a brillamment délivré le groupe dans les nineties se sont-ils dérobés ? On imagine sans peine que l'arrivée de Frédéric Leclercq à la basse s'est faite sur le tard et que bon nombre de titres étaient déjà fortement élaborés au moment de son intégration. Gageons que son apport sera bien plus conséquent sur le prochain album des Allemands, le Français étant des plus brillants lorsqu'il s'agit de pimenter à sa manière les titres qu'on lui soumet, à fortiori lorsque la formation en question figure parmi l'une de ses favorites. Toutefois, malgré ces appréciations réservées sans être foncièrement désagréables, KREATOR parvient toujours à se montrer suffisamment habile pour faire passer la sentence irrévocable en douce pilule sans amertume. Ainsi, il sera bien difficile de prendre le groupe en défaut sur des arrangements particulièrement soignés, des parties de guitare absolument somptueuses ou de (minuscules) surprises essaimées ci et là, telles ces petites sections chantées en voix claire, des introductions particulièrement brillantes – à ce titre, celle de l'album vaut son pesant d'or, de même que celle, un peu en-deçà, de « Pride Comes Before the Fall » - ou ces riffs qui ont fait le renouveau du style de KREATOR depuis maintenant une paire d'années. Tout semble bien propre, rien ne dépasse pas, l'ensemble, doté d'un artwork particulièrement réussi, reste extrêmement bien produit, mais la fiévreuse flamme qui animait le groupe il n'y a pas si longtemps encore semble bel et bien perdre en intensité, si bien que sa lueur artistique est en passe de disparaître, l’œuvre se digérant un peu trop aisément pour s'inscrire durablement dans le temps. Un album de plus pour KREATOR, pas réellement mauvais en soi mais loin d'être exceptionnel pour autant. Lorsqu'on est assis sur une chaise et qu'on a mal au cul, le mieux est encore de se lever et d'asseoir à côté. Chacun choisira donc sa chaise en son âme et conscience.
Liste des titres
1 – Sergio Corbucci is Dead
2 – Hate Über Alles
3 – Killer Of Jesus
4 – Crush The Tyrants
5 – Strongest Of The Strong
6 – Become Immortal
7 – Conquer And Destroy
8 – Midnight Sun
9 – Demonic Future
10 – Pride Comes Before The Fall
11 – Dying Planet
Sans moi. Spa d'ma faute : suis resté bloqué sur les premiers Kreator jusqu'à Terrible Certainty.
Su-per-be critique !
Serait-ce parce que je partage totalement ton point de vue AlexXxis ???
@Humungus
Merci pour ce petit compliment. J'espère néanmoins qu'on peut apprécier ma chronique quand bien même on n'en partage pas le point de vue Je trouve que Kreator ronronne depuis un petit moment, à la manière de Testament. Je me sens souvent assez seul lorsque j'avance cet argument. Heureux de me sentir accompagné.
Groupe désormais inutile après Coma of Souls.
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