A la fin des années 60 naissait en France un collectif artistique qui allait bousculer à jamais les codes de la musique Rock, bien que ses membres ne se revendiquaient en aucun cas de cette étiquette. A l’origine de ce projet, un batteur aussi fantastique que fantasque, Christian Vander, venus des WURDALAKS, percussionniste extraordinaire influencé par le Jazz, le classique, exilé en Italie après le traumatisme de la mort de John Coltrane, l’une de ses idoles les plus absolues.
De retour en France, le frappeur s’associe avec René Garber, Laurent Thibault, le chanteur Zabu, et Francis Moze. La ligne directrice de ce nouveau projet reste une liberté de création totale, découlant sur de longues improvisations plongeant l’auditoire dans une sorte de transe, menée à la baguette par ce combo résolument unique en son genre, UNIWERIA ZEKT MAGMA COMPOSEDRA ARGUEZDRA, que le petit grand public des MJC finira par adopter sous le nom plus concis de MAGMA. D’autres musiciens se joindront au concept, et le Jazz, l’avant-garde, le classique s’entremêleront dans un étourdissant ballet, se rapprochant de l’affranchissement des règles de Zappa, Beefheart, Coltrane, Stravinski…
MAGMA ne connut que peu de rivaux, et aucun équivalent, puisque seul dans son univers. Mais plus de quarante ans plus tard, l’exemple de Christian Vander et son héritage semblent toujours aussi influents et importants, au point de servir de point de repère à d’autres collectifs, plus virtuels, mais tout aussi désireux de repousser les limites de genre et de conchier la normalité au point de créer un nouveau son, chose pourtant très difficile dans le petit monde très fermé du Metal dit « extrême ».
Le projet SELCOUTH est indéniablement extrême, et ce, à bien des points de vue. Extrême par son absence totale de complexes et son refus d’admettre une quelconque limite, extrême par sa genèse même et sa façon de travailler, extrême par le soin apporté à son premier album qui pourrait/devrait faire date dans l’histoire du Metal moderne, bien que sa musique n’ait que de lointains rapports avec la distorsion, l’agression et la violence.
SELCOUTH dans les faits, est une réunion et collaboration internationale entre des créatifs tous aussi fascinés les uns que les autres par l’ouverture d’esprit et de genre. Assemblant des membres de SMOHALLA, STAGNANT WATERS, PRYAPISME, FIXIONS, AS LIGHT DIES, AEGRI SOMNIA, MONJE DE FUEGO, ainsi que l’intégralité de KHANUS, et couvrant une portion géographique du globe assez conséquente (Finlande, Espagne, France, Russie, Argentine), SELCOUTH n’existe pas en tant qu’entité de facto, mais symbolise l’outrance que MAGMA a pu incarner en France au début des années 70, tout en multipliant les clins d’œil à d’autres groupes tout aussi portés sur la fusion libre et affranchie.
Ainsi, l’argument promotionnel de I, Voidhanger, leur label d’adoption (qui sur ce coup-là, a encore flairé le bon filon, bravo) repose sur une comparaison assez vague avec les balises floues de SHINING, VIRUS, VED BUENS ENDE, ARCTURUS, PECCATUM, SOLEFALD, SLEEPYTIME GORILLA MUSEUM ou SIGH, argument pluriel qui reste assez fidèle à la démarche de cette musique aussi envoutante que fascinante, et aussi entraînante qu’elle n’est planante ou écrasante.
Difficile toutefois de rapprocher ce nouveau projet (qui ne s’est concrétisé pour l’enregistrement que par petites factions indépendantes couchant leurs idées sur bande dans leur coin sans jamais se rencontrer) d’une quelconque direction déjà existante, puisque son essence même est de se laisser porter par l’inspiration, une inspiration collégiale partant un peu dans tous les sens, tout en gardant une cohésion globale assez impressionnante.
Et dans les faits, concrètement, Heart Is The Star Of Chaos pourrait symboliser une sorte de renouveau, et plus prosaïquement, le meilleur album de ces dix ou quinze dernières années, tout du moins le plus fou et délesté de toute attache trop contraignante.
Avec ses textes abscons inspirés des poésies de Jukka Ylisuvanto, sa superbe pochette au trait signé Katrine Lyck, ses photos promo délicieusement vintage, et sa musique absolument et définitivement indéfinissable, Heart Is The Star Of Chaos se veut plus expérience sensorielle sans réel lien avec le concret que pièce musicale logique et fédératrice. On retrouve dans les neuf morceaux le constituant des éléments de Free-Jazz, de Jazz-Metal, d’Avant-garde, de Fusion improbable, mais aussi de classique dans les arrangements vocaux, de musique concrète à la Varèse dans ses passages les plus drus, et de Psychédélisme dans les dissonances et les constructions alambiquées, qui pourtant dans les faits ont un rendu musical assez simple et logique.
Profitant de structures mouvantes et de mélodies étranges et déformées, le collectif se permet toutes les audaces, et il convient de l’aborder comme un tout, même si chaque segment possède son identité propre et ses géniteurs indépendants.
Mais si l’ouverture « Strange Before The Calm » représente la plus grosse surprise en termes de découverte imprévisible, certains morceaux atteignent des sommets de créativité et de folie instrumentale, à l’instar du majestueux et presque Lynchien « Below Hope », qui en moins de cinq minutes parvient à synthétiser la démesure classique de Devin Townsend, l’atonalité placide de VIRUS, et les déambulations rythmiques de VED BUENS ENDE, tout en offrant une pièce que l’on peut presque reprendre en chœur.
Rythmique mouvante qui fait relativement bien semblant de prôner la stabilité, voix qui s’entremêlent dans un ballet onirique baroque, guitare serpentine qui prend à malin plaisir à sinuer entre les thèmes, pour un jeu de dupes en poupées gigognes qui semble rebondir d’inédit en improbable, tout en distillant des harmonies qui s’incrustent dans votre inconscient.
Type même d’album que les mots peinent à décrire avec acuité, Heart Is The Star Of Chaos est pourtant aux antipodes de la stérilité pédante qui plombe régulièrement toutes les tentatives de grandeur musicale. Il reste d’une humilité étonnante malgré son casting cinq étoiles et ses citations précieuses, et même ces chapitres longs et développés comme « Flying Canopies » et ses sept minutes, offrant des questions/réponses entre un chant grandiloquent et une guitare mutine, restent « populaires » dans l’approche. Une énorme basse grouillante et claquante, des parallèles vocaux inextricables, et quelques thèmes redondants salement accrocheurs, pour une dérive de cabaret mental digne d’une Post-Wave ludique réfutant les thèses trop élitistes et contemplatives du Post-Metal. D’un autre côté, les quelques interstices adoptant un format « single » comme « Querencia », se délectent d’une relecture des errances nocturnes d’Andrew Eldritch, qu’un David Byrne sous influence orientale aurait pu déclamer un soir de pluie.
Il en va (presque) de même pour l’étrange final « Rusticus », qui nous rappelle tout autant les espaces multiculturels de FAITH NO MORE que le faux intimisme chromatique de VIRUS, flirtant avec l’Industriel, le Shoegaze urbain, mais aussi la Pop limpide, et les superpositions harmoniques vocales des BEATLES de « Because », tout en admettant que John Zorn et Devin Townsend n’ont pas dit ou fait que des conneries dans leur carrière.
Mais pourquoi s’arrêter à ces quelques exemples ? Tout simplement parce que ce premier et peut-être unique album des SELCOUTH repose sur un principe de surprise et d’abandon. Chacun y trouvera son compte et/ou sera séduit par des idées différentes, et je préfère vous laisser seuls maîtres de votre destin en vous laissant choisir par vous-même sans vous influencer.
En l’état, et sans tenir compte de son histoire et de son background, Heart Is The Star Of Chaos est l’un des disques les plus fascinants que j’ai eu à chroniquer depuis mes débuts. Il n’est certes pas aussi fermé et violent que Mekanïk Destruktïw Kommandöh, il est plus varié et ouvert que The Black Flux de VIRUS, et sans aucun doute plus exubérant et grotesque (dans le sens littéral du terme) que n’importe quelle production récente ou pas, mais il est surtout pertinent dans son refus des conventions, et ne se contente pas de quelques jets créatifs sans liens, censés assouvir les caprices de musiciens egocentriques en mal d’inconnu et de reconnaissance. Alors, je lui accorde une note correspondant à l’intérêt qu’il a éveillé chez moi. Vous trouverez ça sans doute excessif, une fois vos oreilles posées dessus, mais je trouve ma sentence à la hauteur de ses excès justement. Car la musique n’est jamais assez libre et exubérante finalement.
Titres de l'album:
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