Commençons par les choses qui ne vont pas, et vraiment pas. Je suis conscient que pour beaucoup de groupes, la musique prime sur l’image, mais cette image ne doit pourtant pas être traitée à la légère. Et avec une pochette pareille en envoi physique qui plus est, madame et messieurs, vous ne mettez pas tous les atouts de votre côté. Ouvrant l’enveloppe pour découvrir un graphisme Paint pareil, on est rapidement tenté de sceller la dite enveloppe avant de la ranger dans un tiroir fermé avec une clé rouillée. Je dois reconnaître que c’est l’une des plus ratées que j’ai pu « admirer » depuis fort longtemps et qui finira sa course dans les tops des œuvres les plus drôles de ces dix dernières années. Et je trouve fort dommage de faire une si mauvaise première impression lorsque musicalement, on a les arguments de ses ambitions. Ne voyez aucune méchanceté gratuite dans cette introduction, juste de la déception, et un moyen d’attirer votre attention sur un point méchamment faible. Mais heureusement, à l’image du critique littéraire qui ne s’arrête pas à la couverture, le chroniqueur musical ne laisse pas un désastre le détourner de sa mission, et écoute un album avant d’émettre un jugement. Et ce jugement, après ces neufs titres bien tassés est plutôt du genre positif, pas dithyrambique évidemment, mais positif, enthousiaste, face à une musique qui ne ménage pas son énergie. Dans les faits, SILVERSTAGE est un groupe formé en 2013 du côté de Paris, qui a commencé à jouer régulièrement aux alentours de 2016, suite à divers problèmes de line-up. Visiblement, le groupe tape dans la demi-nostalgie. Ils souhaitent en effet rester un pied ancré dans les eighties et l’autre fermement planté en terre contemporaine, pour offrir un crossover d’époques. Mais sans vouloir résumer les choses de façon trop synthétique ou lapidaire, la musique des parisiens n’est rien d’autre qu’un Heavy Rock nerveux, précis dans l’exécution, délicatement passéiste mais volontaire, sans forcément surfer sur la vague old-school actuelle.
Je ne pense pas me tromper en affirmant que le quatuor (Jayd The Bear : guitare/chœurs, Marianne G-Wolf : chant, Lillian Perrin : batterie et Jeff Monaco : basse/chœurs) veut avant tout se faire plaisir et nous faire plaisir avec un Heavy Rock pas si évident qu’il n’en a l’air. Ce premier album a donc bénéficié d’un soin particulier apporté par Marc Varez qui l’a enregistré et mixé au studio La Grange 69, et peaufiné par le mastering de HK Kraus au Vacarama studio (DAGOBA, LOUDBLAST, BLACK BOMB A, LES TAMBOURS DU BRONX). En résulte une œuvre d’apparence simple, aux motifs reconnaissables, louvoyant entre les époques, suggérant le Hard US des années 80 comme la scène alternative des années 90, le tout dopé d’une énergie intemporelle et d’une implication totale des musiciens. Au premier plan, la voix, celle de Marianne G-Wolf qui a souvent des intonations à la Suzy Quatro, et qui fait ce qu’elle peut pour se mettre à la hauteur d’un instrumental nerveux. Certes, le timbre de la belle est un peu systématique dans ses inflexions, mais avouons à sa décharge que les thèmes musicaux ne sont pas non plus des plus variés. Il convient de voir le changement dans les nuances apportées, le rythme étant souvent le même, et les riffs ne cherchant pas forcément la diversité. Et il faut en effet attendre le septième titre pour que l’atmosphère change, avec la demi-ballade « If Your Love Is Pain », très formelle dans les faits, mais qui paradoxalement apporte un peu d’air frais à ce Hard joué Heavy terriblement classique. On peut incriminer la production, un peu trop brute et qui nivelle les titres sur les fréquences les plus hautes et le volume le plus élevé, mais il faut rester honnête et admettre que les structures sont souvent similaires, et que le manque de digressions se fait rapidement sentir. Il y a quelque chose de séduisant dans cette approche frontale, que « All I Need » met admirablement bien en valeur en faisant la tradition avant/maintenant, mais cette naïveté touchante devient vite un handicap lorsque les titres se succèdent sans vraiment chercher l’idée qui leur permettra de se démarquer.
« Silverstage », et ses deux petites minutes met heureusement l’emphase sur la puissance et laisse un chant masculin nous souffler un air moins confiné, flirtant avec un Thrash à la FAITH NO MORE de « Surprise You’re Dead », tandis que le final « Back From Cali » alourdit un peu le propos pour jouer le Blues façon Stoner, tout en restant fidèle à des principes de Hard Rock. Je dois l’avouer, la production m’a souvent empêché d’apprécier pleinement des morceaux qui doivent prendre leur ampleur sur scène, une production qui certes laisse de la place à tout le monde, mais qui hésite encore entre amateurisme éclairé et professionnalisme light. Les soli ne sont pas non plus fondamentaux, encore un peu trop timides, tandis que le classicisme des riffs pâtit justement de ce traitement sonore un peu trop massif, ce qui aboutit à une homogénéité qui tend vers l’uniformisation. De plus, le groupe a le malheur de laisser traîner son inspiration un peu trop généreusement, et les deux ou trois premiers morceaux auraient gagné à être concentrés en trois minutes et quelques secondes pour sonner moins redondant. Nonobstant ces reproches objectifs et ne faisant pas état d’une quelconque condescendance, lorsque la machine avance, elle avance bon train et se montre entraînante, à l’image de la première moitié de « Want You Dead », l’un des plus efficaces du lot. Mais pour appréhender ce premier album de la bonne manière, il convient de s’en remettre à son titre. Du cœur et des « boules », une musique jouée avec les tripes, encore un peu trop convenue et répétitive, mais qui en gagnant en maturation pourra proposer une piste intéressante. D’ailleurs, lorsque les plans se contentent d’être efficaces et concis, le résultat est plutôt convaincant, à l’image du burner explosif « Come Back » au délicat parfum punky et punchy. Quelques déliés bluesy, des cassures, des ruptures de rythme, pour un hymne qui en dit long sur les capacités et qui nous renvoie à la jeunesse dorée des RUNAWAYS.
Encore des progrès à faire, mais SILVERSTAGE mérite le soutien que vous pourrez lui accorder. Mais par pitié, la prochaine fois, faites plus attention à votre pochette qui risque de vous faire perdre quelques fans potentiels. Ça peut sembler mesquin et anecdotique, mais dans une époque où l’information est plus rapide que la lumière, il convient de ne commettre aucun faux-pas sous peine de rester dans l’ombre.
Titres de l’album :
1. All I Need
2. Want You Dead
3. Rise
4. Come Back
5. For The Light
6. Can't Live Without
7. If Your Love Is Pain
8. Silverstage
9. Back From Cali
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