Tant pis si je passe encore pour un radoteur de clavier, mais oui, j’en ai marre des suédois. Sérieusement, dans les années 80, tomber sur un groupe scandinave tenait déjà du miracle, mais tomber sur un bon groupe suédois était encore plus improbable. Depuis le nouveau siècle, visiblement enthousiasmé par le non-bug de l’an 2000, ce petit peuple isolé dans son nord et sous sa neige est devenu LA référence incontournable de la qualité made in « n’importe quel style de musique », mais plus particulièrement le Hard-Rock. Ce qui fait qu’aujourd’hui, lorsque vous chroniquez un excellent album, il y a de fortes chances qu’il soit…suédois. Ce qui est un peu lassant à force, enfin, qui pourrait l’être si ces sagouins se contentaient de se reposer sur leurs lauriers, ce qui n’est évidemment pas le cas. Celui du jour ne date pas d’hier, mais justement du début du nouveau siècle, puisque les H.E.A.T en sont déjà à leur sixième LP, avec un sacré bagage derrière eux. On le sait aussi, ces originaires d’Upplands Väsby sont depuis très longtemps devenu des mètres étalons du Hard Rock énergique et mélodique, comme seuls les swedes savent le tricoter, néanmoins, nous étions en doit de nous attendre à une petite baisse d’énergie de leur part, puisque selon eux, Into the Great Unknown était leur œuvre la plus complète et la plus symptomatique de leur démarche. Mais on connaît les discours promotionnels, et on connaît aussi la propension de ces cinq-là à se dépasser, alors les variables étaient relativement peu nombreuses. Sans changer de style, mais en continuant de perfectionner le leur, les cinq musiciens se sont donc contenté d’avancer à leur rythme affolant pour nous offrir sur un plateau onze nouveaux morceaux de pur Hard-Rock ciselé mais sauvage, un peu comme si les années 80 n’avaient jamais connu de fin, mais quand même.
Intituler un album II est toujours un risque. LED ZEPPELIN s’y est frotté avec succès, mais l’entreprise n’est pas donnée à tout le monde. D’autant plus lorsque le volume I n’est rien d’autre qu’un début de carrière entamée il y a fort longtemps et reste encore un signal fort pour les fans. Les exemples de grosse gamelle sont encore dans toutes les mémoires, du Operation Mindcrime II de QUEESNRYCHE à Welcome 2 My Nightmare du COOP, et les pincettes sont donc de rigueur au moment de juger de H.E.A.T II. Mais l’avantage incroyable de ces roublards de suédois est qu’ils n’ont pas besoin de s’appuyer sur un album culte pour attirer l’attention du chaland, puisque chacun de leurs travaux est culte ce qui laisse une marge de manœuvre appréciable. En osant ce choix, le groupe s’est découvert, d’autant plus qu’il a assumé pour la première fois de sa carrière la production de l’album, prise en charge par Jona Tee (claviers) et Dave Dalone (guitare). En résulte un son qui correspond à toutes les attentes, notamment celle des trois autres, Jimmy Jay (basse), Don Crash (batterie) et Erik Grönwall (chant). Ce dernier est particulièrement gâté, puisque sa sublime voix est particulièrement bien mise en avant, ce qui permettra à ses fans de le désigner une fois de plus comme l’héritier logique de Jorn Lande et surtout David Coverdale. Mais loin d’être un simple gimmick pour faire plaisir, cette seconde comparaison devient de plus en plus valide avec le temps, H.E.A.T incarnant avec un panache sidérant la doublure fantastique d’un WHITESNAKE de la fin des années 80. Les ressemblances entre ce sixième LP et un panaché de 1987 et Slip of the Tongue sont troublantes, et le parallèle loin d’être anodin.
Sauf qu’au lieu de loucher comme des marsouins sur le marché américain, les suédois préfèrent le mettre à leurs pieds en se la jouant as usual, utilisant des recettes maison pour combiner la puissance des guitares et la douceur des mélodies héritées de l’AOR. C’est donc une fois encore à ce génialissime crossover auquel nous avons droit, un peu comme si David et Adrian reprenaient à leur compte les astuces de FOREIGNER et JOURNEY, sans lâcher le pied de l’accélérateur. Nous avons donc droit à un festival de riffs saignants, de ceux qu’on trouvait sur les plus hautes marches du Billboard en 1988, assouplis de claviers west-coast et de chœurs sucrés typiquement scandinave. La quintessence de l’art suédois pour faire du neuf avec du vieux ou l’inverse, sauf que les H.E.A.T ont porté cet art à son paroxysme avec ce nouvel épitre. Onze morceaux, autant de tubes potentiels, qui revisitent les 80’s sans oublier qu’on est en 2020, et que depuis la saucée Hard/Glam de l’époque, les W.E.T, NIGHT FLIGHT ORCHESTRA et ECLIPSE sont passés par là pour tout rafler. On sent l’énergie palpable dès le burner d’entrée « Rock Your Body », qui diabolise le Heavy sous couvert d’une intro pomp, mais fameuse. Tout est en place, classique mais sur du velours, de ces couplets aux percussions habiles jusqu’à ce chant qui suinte le stupre en passant par ces chœurs fédérateurs qui exhalent la Californie délocalisée près de Stockholm. Mais avoir un hit en intro ne fait pas de vous des costauds, et c’est certainement pour ça que la bande insiste d’un tonitruant « Dangerous Ground », mixant WINGER, W.E.T, WARRANT et beaucoup d’autres groupes en W, même si « Come Clean » se rapproche plus de la bande-son FM ricaine des années 85/86.
Toujours aussi habiles pour injecter du sang mélodique à leurs veines de hard-rockeurs, les H.E.A.T sont les nouveaux Dieux du Metal souple qui passe de la séduction (« Come Clean »), à la confirmation (« Victory »). Ils assument d’ailleurs pleinement leur statut via « We Are Gods », dominant de leur morgue toute une génération traumatisée par WHITESNAKE, lui-même marqué à jamais par LED ZEP. C’est à ce point parfait qu’on est prêt à déposer une réclamation en imperfection, mais rien à faire, la méthode fonctionne toujours à plein régime, et on finit par réécouter, réécouter encore, chantonnant avec les musiciens ces nouveaux tubes venus du froid.
H.E.A.T II est donc encore un album rond exhumé des années 80 mais produit comme un disque de 2020, et avec un chanteur de la trempe de Grönwall pour défendre des compos de la qualité de « Adrenaline », tout est joué d’avance, et tous les reproches rangés entre les vieux patchs dans les placards. Rien ne dépasse certes, tout est calibré, mais on adore ces guitares au son proche du JUDAS de British Steel (« One By One »), domestiquées par un clavier ludique, mais pas parodique. Du Heavy qui peut être du Hard Rock, du Hard Rock qui se love dans les bras de la tendresse (« Nothing To Say » EUROPE n’est pas loin), une tendresse qui se souvient des héros harmoniques de notre jeunesse (« Heaven Must Have Won An Angel » FOREIGNER en diable), pour une réussite flagrante qui relègue Into the Great Unknown au rang des souvenirs. Avec une telle perfection, les H.E.A.T ont de quoi se faire du mouron pour leur avenir, mais laissons-les savourer leur présent, puisqu’ils rendent le nôtre plus enthousiasmant.
Titres de l’album :
01. Rock Your Body
02. Dangerous Ground
03. Come Clean
04. Victory
05. We Are Gods
06. Adrenaline
07. One By One
08. Nothing To Say
09. Heaven Must Have Won An Angel
10. Under The Gun
11. Rise
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