Hebetudo Mentis

Hands Of Orlac

18/09/2023

Terror From Hell Records

A force de s’envoyer du Death/Doom, du Sludge, du Sludgecore, du Drone et autres extensions bâtardes, on en oublie qu’à la base, le Doom, réduit à sa forme la plus pure tire son inspiration de la NOWBHM et de BLACK SABBATH, sans avoir à insister sur la lourdeur comme un dragueur à l’insistance pénible. Alors, tomber sur un groupe qui se concentre sur les racines fait un bien fou, même s’il vient de Suède et non d’Angleterre.

HANDS OF ORLAC, tiré du roman éponyme de Maurice Renard paru en 1920 nous propose justement un voyage moins poisseux et traumatique que nombre de ses collègues, via un troisième album destiné à asseoir sa réputation de manière définitive. Et une fois le pavé mangé en pleine face, on comprend que le défi est largement à portée de grosse caisse.

Après deux albums très remarqués par la scène, le quatuor à frontwoman (The Templar - basse, Axel Johansson - batterie, The Sorceress - flûte/chant et Manuele Bonanno - guitare) passe donc la vitesse supérieure avec Hebetudo Mentis (l’ennui de l’esprit pour les allergiques au latin), et nous offre un carton plein, truffé d’ambiances occultes, de mélodies cultes, et d’hommages à cette fameuse nouvelle vague anglaise de l’orée des années 80, mais pas que. On trouve aussi dans cette musique magique des éléments de Progressif italien des années 70, des allusions à un Rock plus souple et généraliste, mais surtout, l’envie de bâtir un monde à l’image de ses thématiques, partagées entre les diableries, l’occulte et les forces du mal.

On prend note immédiatement de ces harmonies à la tierce héritées de THIN LIZZY, et replacées dans un contexte plus sombre. Mais on remarque que bien souvent, les racines Doom dépassent d’un sol Heavy Metal, comme si les ancêtres de COVEN taillaient le fer avec ST VITUS ou le BLITZKRIEG des jeunes années. La voix légère de Ginevra contribue à renforcer cette sensation de mélange des genres, en proportions égales, et on finit par se demander si la classification Doom ne résulte pas d’une erreur de jugement, tant l’ensemble sonne joyeux, guilleret et gentiment ténébreux.

Très proche d’un Heavy Metal Progressif nostalgique, Hebetudo Mentis ne ménage ni ses intros, ni ses effets, et finit par enfin s’abandonner à la lourdeur à l’occasion d’un « Il Velo Insanguinato », qui pioche dans les coffres du SAB des premiers temps pour nous peser sur le moral. Ce titre valide d’ailleurs les comparaisons avec la scène italienne des années 70, par sa lenteur, son côté sentencieux, mais aussi son esprit aventureux, tirant profit d’une instrumentation classique pour évoquer des images brumeuses.

Beaucoup plus proche de la Hammer que de Blumhouse, HANDS OF ORLAC se montre très attaché aux valeurs les plus traditionnelles du Heavy Metal de papa. Et en mettant de côté l’interlude joyeux « Hebetudo Mentis », il est tout à fait possible de concevoir ce troisième album comme une promenade dans les allées du passé, entre les tombes de parents éloignés et autre arrière-grand-père décédé depuis des décennies.

Mais le trip est immersif, l’atmosphère gentiment bucolico-horrifique, et la pratique systémique. Ces riffs sombres et agrémentés de quelques syncopes, ce chant évanescent d’une prêtresse à la flûte champêtre, ces soudains changements de ton soulignés par des vers susurrés les dents serrées, contribuent à transformer ce troisième rendez-vous en demande en bonne et due forme, qui permettra aux époux Doom et Heavy de sceller leur union pour la vie.

L’intelligence de mise en place permet de s’épanouir de longues minutes sans faire bailler les convives. J’en tiens pour preuve le sinueux « Malenka », et ses neuf minutes de narration passionnante, strié d’interventions solo pertinentes et de percussions inquiétantes. On pense parfois à du HAUNT plongé dans les affres du premier CANDLEMASS, mais finalement, on ne pense pas à grand-chose, nous laissant emporter par ce torrent d’humeurs et de couleurs, qui nous éloigne et protège des turpitudes habituelles du Doom qui tourne sur lui-même et se mord la queue.

« Frostbite », envoutant et évolutif, est la dernière marche attendue menant à la cave, s’autorisant des lignes mélodiques dans la plus pure tradition du Doom transalpin des années 80 (DEATH SS et Paul CHAIN en tête), et nous menant au cœur même de l’affaire, vers cet épilogue fleuve et conceptuel qu’est l’interminable « Ex Officio Domini (The Executioner of Rome) »

Comme un IRON MAIDEN moins Metal et plus Rock, ce dernier chapitre d’une saga passionnante nous propose une déambulation romaine nocturne, à la recherche de l’esprit des morts. On découvre alors une capitale bien éloignée des images d’Epinal, et plus proche d’un Ne Vous Retournez Pas (qui se passe à Venise, d’accord…), que d’un La Dolce Vita.

HANDS OF ORLAC a formidablement bien joué son coup et varié ses approches, pour nous livrer ce qui est sans doute le meilleur album de sa carrière. Passionnant, envoutant, hypnotisant, Hebetudo Mentis stimule l’esprit et son imagination pour nous plonger dans un film étrange, entre Néo-Noir nostalgique et giallo classique.

Difficile d’ailleurs de croire que cette histoire a été pondue à Malmö et non à Rome ou Florence, tant les similitudes avec la scène italienne sont nombreuses et indéniables.                 

            

         

Titres de l’album:

01. To The Night A Bride

02. Three Eyes

03. Il Velo Insanguinato

04. Hebetudo Mentis

05. Malenka

06. Frostbite

07. Ex Officio Domini (The Executioner of Rome)


Bandcamp officiel


par mortne2001 le 06/12/2023 à 17:41
85 %    373

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