Pour un cadeau, c’en est un. Une salve de sorties par mon label préféré, c’est Noël après l’heure, et l’occasion de me refaire après un oubli fâcheux. I, Voidhanger a toujours été le sceau apposé sur les sorties les plus originales et bancales du marché, et cette nouvelle livraison ne fera évidemment pas exception à la règle. Et en choisissant de commencer ce retour en arrière par les danois d’ÆRKENBRAND, je savais que la prose allait être difficile à accoucher, et la réflexion profonde et réfléchie. Parce que ce concept du froid est sans aucun doute l’un des plus culottés de l’underground, au point que tous les journalistes ont abandonné l’idée de lui accoler une quelconque étiquette.
I, Voidhanger a lui-même laissé son classement dans l’arrière-boutique, et se contente de proposer aux fans de KING CRIMSON, BLACK MIDI, ORANSSI PAZUZU, ou THIS HEAT cette œuvre à nulle autre pareille. Le parallèle est intéressant, bien qu’incomplet, puisque ÆRKENBRAND bouffe à tous les râteliers, des seventies au vingt-et-unième siècle.
Qui se cache donc derrière ce nom cryptique ? D’autres noms, plus ou moins connus, dont celui d’Antonius Lovmand, percussionniste et membre d’ARKÆON et TONGUES, deux autres valeurs sures de l’écurie Voidhanger. Andreas Thomsen (basse), Zeki Jindyl (saxo/synthés), et surtout Sebastian Mørch (guitares) complètent la formation, et c’est ce dernier qui en est le pivot. A la manière d’un Piggy qui par son approche de la guitare a fait évoluer son groupe dans des directions incroyables, Sebastian Mørch réfute le principe même de riff pour se concentrer sur des boucles, des notes, des cocottes, des soli, des lignes directrices, en gros, tout ce qu’on n’attend pas d’un album de Metal extrême.
Mais si ÆRKENBRAND est indéniablement extrême, il n’en est pas pour autant toujours Metal. Mais lorsqu’il choisit de l’être, il ne fait pas semblant.
En regardant de plus près le tracklisting et son ami/ennemi le chronomètre, le fan potentiel a la chair de poule en constatant les minutes qui s’égrènent généreusement dans ce sablier créatif. Neuf minutes, quatorze minutes, le groupe est généreux, mais jamais trop. Chaque seconde a sa place dans ce Jenga musical, même si chaque pièce retirée ne fait même pas trembler l’édifice de bois.
Sous l’influence des codes 70’s estampillés MAGMA, IL BALLETTO DI BRONZO, KING CRIMSON, et sous perfusion du Black expérimental du nord de l’Europe, ÆRKENBRAND explore les recoins de sa propre imagination, et nous livre une partition étrange, libre, qui respire, se meut, qui utilise la rythmique à son plein potentiel pour mieux la museler quelques mesures plus tard. En acceptant le legs d’une modernité tangible, le quatuor va toujours plus loin, mais en gardant ce fil rouge qui relie toutes ses œuvres. Et Hedenfarne Æventyr s’inscrit dans une continuité biscornue, frappant des percussions tribales, faisant geindre une guitare qui accepte d’être muselée pour le bien de tous, déformant le chant pour en faire un instrument à part entière, et défiant les querelles de genre pour imposer un cessez-le-feu en guise de fin de paragraphe.
Magique. Oui, cet album l’est assurément. Le triptyque « Stasis I » est une épreuve à lui seul, osant les sonorités synthétiques sur couches de chant primitif et primal, pour mieux laisser cette basse économique laper les trois mêmes notes alors que la guitare se laisse entraîner dans les backrooms. Proche d’une transe africaine adaptée pour l’Europe par des TALKING HEADS amusés, « Stasis II: Blodmåne » rappelle aussi les errances de Natasha Khan, la Fusion ultime de Nusrat Fateh Ali Khan, la folie douce et irrésistible de Carlinhos Brown, avant que l’énorme et dodécaphonique « Kødets Opstandelse » ne ramène au-devant de la scène la folie intrinsèque de Christian Vander, du mouvement Kraut allemand, du mariage Jazz/Rock des MAHAVISHNU ORCHESTRA, le tout agité de soubresauts Ornette Coleman, et de quelques bonds en surplace du mouvement happening français et ses représentants les plus barrés.
Il faut entrer dans ce disque comme on écoute une légende revenir à la vie. Il est certes difficile parfois de s’accrocher à cette narration non linéaire, qui mixe tous les styles pour faire une farce relevée et consistante. « Svampens Rotte (Spiritus) » recense les ingrédients, mais la réalisation finale ne prend place que lorsque les premières notes de « Alting Sammen » s’évaporent dans l’air et dans l’heure.
Parangon d’une méthode qui consiste à éviter toute facilité et détourner les convenances, cette longue suite d’un quart d’heure est un point d’orgue magnifique, qui s’autorise même un soupçon de normalité sur ses premières minutes. Mais comme ÆRKENBRAND ne peut concevoir le monde qu’en le regardant en faisant le poirier, cette ambiance intime et cotonneuse finit par être explosée dans une gerbe de rage, entre agit prop Progressive, démonstration dadaïste, et improvisation jazzy.
Je pense sincèrement qu’une union entre MAGMA et VIRUS aurait pu donner naissance à ce gros bébé qui ne hurle que lorsqu’il n’a plus faim. Mais les danois, depuis des années ont toujours faim. Faim d’inédit, faim de liberté, faim d’expérimentations, faim de digressions sans nom.
Hedenfarne Æventyr, aventure païenne en VF, est une surprise poivrée et sucrée de premier choix. Un cadeau qu’on dépose au pied d’un sapin en flammes. Une proposition bien plus riche que les trois-quarts de l’actualité musicale. Une abstraction magnifique, et une concrétisation unique. Les qualités de base que recherche depuis des années ce label qui n’a de cesse de nous flatter dans le sens du poil à gratter.
Titres de l’album:
01. Svampens Rotte (Spiritus)
02. Guitar Interlude
03. Nattens Konge
04. Stasis I: Helte
05. Stasis II: Blodmåne
06. Stasis III: Sorte Himmel
07. Kødets Opstandelse
08. Alting Sammen
Merci pour ce report, qui rend très bien compte de ce moment hors du temps. J’avoue qu’une setlist uniquement composée de titres d’argus ne m’aurait pas déplu (comme au courts of chaos de l’an passé si je ne me trompe pas) mais c’est(...)
18/03/2025, 21:35
On a connu des ruptures plus violentes... J'ai l'impression qu'il faut comprendre qu'il va lancer sa propre formation pour reprendre de vieux titres de Kakatonia (pardon, c'était trop tentant et je ne le pense pas vraiment) voire approfondir leur style. Ce se(...)
18/03/2025, 20:21
C'est le groupe du chanteur de feu Paean. Il faut que j'essaie l'album de 2022.
15/03/2025, 15:41
Franchement Alcest mérite mieux qu'un de ces énièmes groupes de post-rock ou post-metal à la con ou tout est recraché.
15/03/2025, 11:50
Très bon groupe de Death grind,que je viens de découvrir moi qui aime la musique extrême je ne suis pas déçu !Je le conseille à tous
12/03/2025, 10:09
Va vraiment falloir arrêter ces commentaires politiques systématiques, c'est d'un redondant, même si, je conviens que pour le présent groupe ce soit peu évitable. Mais un peu de sérieux, le capitalisme honni se réjouit justement des luttes (...)
12/03/2025, 08:01
Oui il y avait des tensions je pense. Hinds voulait clairement une orientation moins "Metal" depuis quelques temps pour Masto... Et dernièrement il était très critique sur le concert d'adieu de Black Sab' auquel Masto va participer. Il avait po(...)
11/03/2025, 20:35
Du tout bon ça !!!PS : L'intro de la chro c'est pour de vrai mortne2001 ou juste pour la beauté du texte ???
11/03/2025, 19:29
Apparemment Hinds était moins impliqué dans le groupe ces derniers temps mais c'est vraiment dommage cette séparation.
11/03/2025, 07:47
Perso, à part leurs deux premiers albums qui sont vraiment géniaux, le reste est quelconque et prétentieux.
08/03/2025, 16:08
Tout comme Gargan, bien plus ADIPOCERE que HOLY à l'époque.HOLY étant bien trop atmo-avant-garde-mélo-musique-du-monde pour moi.Pout autant, GLOOMY GRIM et TRISTITIA ont été de très grandes révélations au mili(...)
08/03/2025, 10:09
Le catalogue était culte avec ses descriptions d'albums !!! ("la batterie va à 1000 km/h", "l'album de la maturité",...) Ma discothèque s'est constituée au début en grande partie grâce à eux.
07/03/2025, 16:48