Lorsqu'on pense à la musique islandaise, quelques noms sautent à la mémoire. Celui de Bjork évidemment, l'un des plus connus via sa carrière solo et les SUGARCUBES, mais aussi ceux d'OF MONSTERS AND MEN, d'Emilíana Torrini, et éventuellement ceux de Jóhann Jóhannsson ou d'Ólafur Arnalds. Mais si l'on pense un peu plus loin et qu'on cible sa concentration sur la catégorie qui nous intéresse, c'est évidemment celui de Sólstafir qui s'impose, l'un des plus connus du pays sinon le plus, loin devant SINMARA, THE VINTAGE CARAVAN ou KONTINUUM. A cette liste bien sûr résumée à l'extrême, puisque l'Islande recense en son peuple un nombre conséquent de musiciens, nous pouvons aujourd'hui ajouter une nouvelle entrée, de celles à l'approche de l'art suffisamment biscornue pour paraître intrigante, et ne s'insérer dans aucun créneau particulier. Et c'est une fois encore de Reykjavík que viennent ces étranges adorateurs du culte de l'expérimentation et de l'avant-garde, et qui nous offrent avec leur premier longue-durée une variation sur le thème du croisement extrême. La musique d'HELFRO est en effet de celles difficiles à cerner au prime abord, qui semble se nourrir à parts égales de Black, de Death, d'extrême dans un sens plus global, mais qui prend un malin plaisir à en détourner les codes pour en livrer une vision très personnelle. Et une fois encore, peu ou pas de renseignements à se mettre sous les yeux, puisqu'en dehors d'un Bandcamp assez peu achalandé, les islandais jouent les mouches du coche et se dissimulent derrière un anonymat de surface. Nous apprendrons tout au plus que ce projet a été initié par des membres du combo national OPHIDIAN I, ensemble pratiquant un Death technique assez poussé, qui trouve ici justement une extension assez intéressante en soi. Car si bien sûr la technique est mise en avant sur ce premier chapitre des aventures d'HELFRO, c'est surtout la recherche de climats et d'ambiances qui attirent l'ouïe, à tel point qu'on se retrouve vite fasciné par ce labyrinthe d'idées prenant la forme de couloirs encombrés de plans assez impressionnants, mais aussi de textures sonores oniriques et virtuellement cauchemardesques.
Produit, mixé et masterisé par Stephen Lockhart au légendaire studio Emissary de Reykjavík, Helfro, l'album, est un concentré de capacités et de violence agencé avec une indéniable intelligence, et une science de la mise en place assez bluffante. Si les comparaisons sont difficiles tant le groupe s'évertue à changer de piste comme Simon Phillips change de signature, on pourrait toutefois discerner quelques influences assez intéressantes derrière ce magma sonore qui imite à merveille le bloc sonique des GOJIRA et le dramatisme occulte des EMPEROR, pour mieux nous perdre dans une théâtralité remarquable qu'un chant scandé et incantatoire vient souligner de ses quelques interventions aussi éparses que frappantes. Mais attention, c'est bien l'efficacité qui prime sur cette première réalisation, même si cette efficacité s'exprime par un désir constant de ne pas respecter une routine de violence que les groupes de BM ont souvent tendance à vénérer au-delà du raisonnable. Car ici, la puissance revêt de nombreux costumes, et peut se parer des blasts les plus tempétueux tout comme se lover au creux d'un velours de dissonance, ce qui permet aux titres d'offrir une variété dans l'excès non négligeable. L'ombre des SUFFOCATION fait aussi partie des spectres qui hantent les corridors de ce premier long éponyme, spécialement dans cette façon de concevoir les guitares et la rythmique comme deux entités distinctes qui serpentent en s'entremêlant parfois. Et si l'accumulation de riffs et d'idées est patent et hallucinant dès l'introduction de « Ávöxtur af Rotnu Tré », il convient de noter que ce morceau fait partie des plus alambiqués du lot, et qu'il contient le plus grand nombre de changements, qu'ils soient initiés par les fausses mélodies amères des guitares, ou par le tempo versatile d'une batterie aussi à l'aise en mid qu'en blasts. Et c'est certainement le chant qu'on remarque le plus, lui qui se travestit de couplet en couplet, restant dans une gravité de fond nécessaire pour mieux nous prendre de revers d'incantations sentencieuses l'instant d'après.
Chaque musicien est bien sûr une référence en son domaine, mais le flou artistique qui nimbe ce projet dans un brouillard créatif est véritablement le point d 'ancrage principal, tant on se demande de piste en piste si on a affaire à un groupe de Death poussant les choses le plus près possible du ravin BM, ou à un groupe de BM s'aventurant en terrain Death technique pour s'extirper de sa condition nihiliste. La question n'est pas forcément d'importance, mais elle se pose à intervalles réguliers, spécialement lorsque les deux genres se confrontent dans un même segment, à l'instar de l’implacable « Eldhjarta », qui unit dans un même sadisme le BM nordique des années 2000 et le Death technique US des nineties, sans que l'un des deux genres semble usurpé ou sous représenté. De plus, en ayant choisi de rester raisonnables en termes de durée, les islandais fascinent de bout en bout, et se permettent à peu près tout, jouant sur l'aspect morbide d'un riff vraiment sale et putride (« Þrátt Fyrir Brennandi Vilja « ), pour offrir un symbolisme en métaphore sur une vie qui ne vaut pas toujours la peine d'être vécue si l'on fuit les ténèbres à la moindre crainte. Cette alternance entre ultraviolence de circonstance et mysticisme mélodique amer est véritablement subjuguante, et on se retrouve vite complètement immergé dans un monde différent, ou les événements se précipitent ou distordent le temps, comme l'illustre ce paradoxe d'un riff plaqué sur une rythmique enlevée dans le morceau déjà cité. C'est indéniablement Black eut égard à ce chant qui se racle la gorge pour mieux en sortir des sons difformes et des injonctions fielleuses, mais c'est aussi irréfutablement Death au regard de cette technicité exacerbée et de ces changements de tempo multiples et épidermiques. Après, l'ordre dans lequel vous classerez ces styles n'a que peu d'importance, puisque le résultat est le même. HELFRO est relativement unique, et aussi torride que glacial, la trademark des groupes venus d'Islande en somme...
DODECAHEDRON, SATYRICON, SUFFOCATION, MORBID ANGEL, mais aussi SHINING, VIRUS, tels sont les jalons nominaux que l'on pourrait poser, et « Hin Forboðna Alsæla » de nous conforter dans cette situation, avec ce chassé-croisé permanent de plans qu'on pense joués à l'envers puis remis dans le bon sens, ce tissu de riffs mixtes qui tissent une toile gluante, et ces acrobaties rythmiques qui s'autorisent toutes les audaces. Un peu avant-gardiste sans la prétention du sujet, totalement expérimental sans se perdre dans un délire qu'eux-seuls pourraient comprendre, bizarre, envoûtant, ce puzzle aux pièces qui changent sans arrêt est difficile à reconstituer en quelques écoutes, mais découvre au final un panorama aux teintes sombres brillantes et aux couleurs criardes passées. Beaucoup plus technique que la plupart des efforts entièrement voués à la complexité, mais aussi frappant de franchise, Helfro reste inclassable, et s'adressera pourtant à tous les fans d'un extrême qui refuse la facilité. Et si parfois les idées se répercutent de morceau en morceau, au point d'en désigner certains comme des résumés parfaits (« Katrín »), la somme de créativité de ce premier album reste d'un niveau rarement atteint, tout comme son intensité qui menace de faire exploser le concept à la moindre étincelle. Une demi-heure de brutalité maîtrisée, trente minutes d'onirisme bestial, pour une démonstration de force hallucinante de contrôle, et un album, qui paru dans l'indifférence d'une fin d'année déjà chargée, risque de devenir méchamment culte à l'avenir.
Titres de l'album :
1.Ávöxtur af Rotnu Tré
2.Eldhjarta
3.Þrátt Fyrir Brennandi Vilja
4.Þegn Hinna Stundlegu Harma
5.Hin Forboðna Alsæla
6.Katrín
7.Í Musteri Aganss
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