Des suédois qui jouent l'ambivalence, et qui mélangent sans vergogne des sonorités Death, Metalcore, Pop, taillant dans le gras du Crossover de quoi défendre sur scène de véritables hymnes à l'ouverture d'esprit, ça vous étonne ? Non pas vraiment, puisque ce pays nordique est devenu LA référence internationale en termes de production Metal, sans pour autant abandonner ses racines traditionnelles qu'on rencontrait dans les Folk parks des années 60. En gros, une liaison temporelle entre les débuts d'ABBA et l'explosion massive d’EUROPE, le tout adapté à l'air du temps qui souffle un vent de succès sur les côtes scandinaves. Mais aujourd'hui, je ne parlerai pas des NIGHT FLIGHT ORCHESTRA, mais d'un autre combo à la mode de chez eux et de partout depuis leur premier album éponyme publié en 2011, les immanquables AMARANTHE qui reviennent après deux ans d'absence. Et autant vous dire que si vous les détestiez en 2011 et 2016, il y a de grandes chances que vous les haïssiez encore plus aujourd'hui, puisque sans changer leur recette, les musiciens en ont accentué la pluralité et l'élargissement, sonnant presque aujourd'hui comme un prototype de compétition pour concours Eurovision Metal. AMARANTHE, c'est un peu le mal aimé que le peuple adore, ce genre de groupe que les esthètes et puristes adorent conspuer, et que certains écoutent en cachette pour s'éclater. Un groupe qui depuis son émergence n'a jamais caché ses aspirations commerciales, et qui d'album en album peaufine son approche au point de la rendre imperfectible. Si la réputation live du groupe n'est plus à faire depuis longtemps, ses gigs prenant des airs de spectacle son et lumière féerique à la Disney diabolique, sa crédibilité en studio est toujours resté une question épineuse que les spécialistes préfèrent botter en touche sous peine de recevoir une volée de clous verts de la part de leur énorme fanbase.
De fait, chroniquer l'un de leurs albums présente un risque double. Le premier, celui de s'attirer les foudres des plus pointilleux fans de « True Metal », et de l'autre, se faire piétiner par leurs fidèles qui ne supportent pas qu'on puisse émettre des réserves à leur propos. Mais après tout, et au vu de la catégorie dans laquelle évoluent les originaires de Göteborg, cette situation n'a rien d'étonnant, considérant la relation amour/haine qui les relie au public et aux média...Toujours dans l'excès et la grandiloquence, le sextet renouvelé de l'intégration de Nils Molin des DYNAZTY, venu officier en tant que chanteur masculin en son clair depuis l'année dernière (et les affiliations entre les deux groupes sont assez légitimes pour qu'il puisse se le permettre) nous propose donc en cette fin d'année son cinquième opus, que l'on serait à mal de pointer comme celui de la maturité, puisque ce stade est dépassé depuis longtemps. Ainsi, succédant au malmené Maximalism, Helix en repousse encore plus l'absence de limites, cette liberté de ton qui avait coûté cher au groupe il y a deux ans, et qui avait de faux airs de trahison. Dès lors, la question se pose. Doit-on juger un ensemble sur ses capacités, son efficacité, son originalité, son sens de l'innovation, son potentiel commercial, son esthétique, ou en dépit de toutes ces considérations? En prenant en compte certains facteurs énoncés, ce cinquième chapitre de la troupe (Olof Mörck - guitares/claviers, Elize Ryd - chant féminin clair, Morten Løwe Sørensen - batterie, Johan Andreassen - basse, Henrik Englund Wilhelmsson - growls et Nils Molin - chant masculin clair) approche dangereusement d'une perfection absolue, tant ses morceaux sont calibrés pour séduire la plus grande frange possible du public Metal, en tout cas la plus ouverte d'esprit, qui ne rejette pas en bloc les associations d'idées les plus incongrues. Et à l'image de sa pochette, ce dernier-né ne joue pas vraiment la discrétion, et assume pleinement ses tendances au métissage qui trouvaient déjà une porte grande ouverte sur Maximalism.
Ceux qui espéraient donc voir AMARANTHE revenir vers ses origines, et s'abreuver à la source de son Metal violent et mélodique, vont devoir s'ébrouer au soleil de la déception, puisque les suédois enfoncent encore plus le clou de leur volonté dans le cercueil du sectarisme, en rendant leur inspiration encore plus perméable à la Pop et même à la Dub, l'Electro, et autres courants radicalement opposés au Hard Rock. Certes, on trouve toujours trace du gang que l'on a connu il y a quelques années, et quelques réminiscences en volutes de Nexus, mais ces traces de passé sont tellement piétinées par un présent opportuniste qu'on peine à les reconnaître lorsqu'on pense les débusquer. Enrobé dans une gigantesque production, claire et profonde, ce cinquième LP est en quelque sorte un acmé de la confection en prêt à écouter, et nous déroule sur du velours douze nouveaux tubes, dont une grosse partie finiront sur la setlist des suédois pour les mois à venir. Pas plus de trois minutes et quelques secondes par intervention, le tout est si étudié qu'on en tombe en pamoison, hésitant quand même entre admiration et déception, le sextet ne prenant aucun risque sur son parcours pour ne pas effrayer les radios nationales et les nouveaux fans susceptibles de craquer pour ce melting-pot de sonorités. Si les riffs sont toujours bien présents, on note une prédominance des claviers et autres arrangements électroniques, qui parfois prennent le dessus pour entraîner la bande sur les rivages d'une Electro-Pop très up in time, mais pas vraiment méchante aux entournures. Ainsi, la Power-Ballad “Unified”, sublimée par le chant puissant de Nils Molin peut même suggérer une union logique entre les DYNAZTY et EVANESCENCE, et s'inscrit dans une logique imparable de gommage des aspérités, sans pourtant démériter niveau émotion. En aspirant l'inspiration de son parcours pour souffler le chaud et le brûlant, AMARANTHE devient de fait commercialement indiscutable, mais fragile en termes de prise de risques, et s'enfonce encore plus dans son monde, monde qui révulsera de sa perfection plastique les plus puristes.
Ces mêmes puristes qui de toute façon ne constituent pas le public cible du combo, qui dès « The Score » frissonnera de plaisir à l'idée de retrouver ses héros dans une forme olympique. Lick Metalcore, précision d'orfèvre, voix d'Elize et de Nils qui s'entremêlent dans un ballet de séduction, pour un tube calibré Pop-Metal que les grondements d'Henrik Englund Wilhelmsson peinent à perturber. On retrouve quasiment la même formule sur l'efficace et trépidant « Breakthrough Starshot », qui prouve que le groupe devient de plus en plus pertinent dans la composition de refrains dansants et accrocheurs, tandis que « Countdown » pousse le bouchon encore plus loin, taquinant la Pop US de ces quinze dernière années pour la provoquer sur son propre terrain. Avec un timing qui a permis à leurs aînés d'ABBA de remporter leur fameux concours, les membres d'AMARANTHE n'ont pas peur de mettre le coup de rame définitif qui les éloigne d'un quelconque désir de rester en famille, même si une poignée de morceaux attestent encore de l'affiliation Metal. Bien sûr, le moule donne parfois le sentiment d'avoir servi plusieurs fois, spécialement en enchaînant “Inferno” et “Helix”, construits selon les mêmes plans, mais le travail vocal, trademark absolue, est une fois encore ahurissant de précision, entre le scat/rap de “Dream”, sur lequel Elize et Henrik se la jouent beauty and the beast, et la dualité introspection/démonstration de “My Haven”, pour n'utiliser que deux exemples. Loin d'adopter la forme vocale en trio pour faire joli, le groupe prouve que chaque interprète à sa place dans le collectif, spécialement lorsque le tandem rythmique assure une assise assez solide pour que tout le monde puisse s'y reposer. Et si j'entends déjà les réfractaires réfracter, si je pressens les allergiques aspergés, je sais que les fans du groupe y retrouveront leur mise multipliée au centuple, tant Helix semble incontestablement parfait dans son optique, et tout à fait logique dans l'évolution du combo.
On peut adhérer, on peut détester, conspuer, rechigner, aduler, mais il est impossible de ne pas voir en AMARANTHE la transposition d'un blockbuster pour ados, capable de séduire par fulgurances un public plus adulte (“Iconic”, sincèrement, c'est joli, cinématique et méchant), mais satisfait de sa condition et gardant foi en ses convictions/émotions. Emotions qui resteront factices pour beaucoup, mais en substance, Helix est l'image la plus fidèle que les suédois pouvaient renvoyer d'eux-mêmes en 2018, et l'apogée d'une aventure hors-normes. De là à le considérer comme leur meilleur album, il n'y a qu'un pied-de-nez à la décence que j'esquisse allègrement.
Titres de l'album :
1. The Score
2. 365
3. Inferno
4. Countdown
5. Helix
6. Dream
7. GG6
8. Breakthrough Starshot
9. My Haven
10. Iconic
11. Unified
12. Momentum
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