Extreme Death Metal from Münster
Ok les gars, moi je veux bien accepter ça comme seule explication, mais jouer du Death extrême en 2020 revient à dire que tout ce qui a été fait avant ne l’était pas vraiment. Or, depuis son émergence, le style à fricoté avec toutes les limites, se vautrant dans la fange Gore, s’enorgueillissant de sa propre technique pour la pousser à bout, concassant la double grosse caisse en peaufinant l’art du triggering, se gaussant de ses propres travers bestiaux pour nous imposer le Slamming Death et toutes ses extensions bâtardes. Alors, lorsque vous avez tout connu depuis le séminal Scream Bloody Gore (et même Seven Churches en poussant le blasphème plus loin), vous avez quand même un peu de mal à vous laisser attendrir par un gimmick qui n’en est pas vraiment un. Mais admettons que les HERETIC WARFARE sont des gens sympathiques, et surtout, des musiciens très capables et méchamment furieux. A leur tableau de chasse, pas grand-chose d’accroché. Tout juste une tête de cabri en forme de démo en 2014, et depuis, plus rien, les cartouches remisées dans la réserve et la carabine accrochée à sa patère. Six ans de silence après huit ans d’existence, ça n’est jamais bon signe, mais heureusement pour les allemands, leur actualité va leur permettre de se refaire un nom sur la scène.
Et après une écoute très attentive de ce premier long qui ne l’est pas vraiment avec ses trente-trois minutes, autant dire que le quatuor (Lukas - basse, Ingo - guitare, Jan - chant et Jan - batterie) n’est pas plus extrême que ses concurrents les plus ou moins directs. Par contre, on peut affirmer sans crainte que leur musique est féroce et pugnace, et que leurs instincts font partie des plus débridés. Peu d’infos à tirer de la toile à leur sujet, pas de bio, une poignée de site référençant ce dernier album, même pas de nouvelle entrée sur The Metal Archives, Hell on Earth sort donc dans la confidentialité la plus totale, ce qui est fort dommage. Tout au plus trouvons nous quelques accroches promotionnelles sur le Facebook du band, qui nous dit que son œuvre est disponible sur toutes les plateformes de streaming. Alors, il me semblait qu’une chronique était encore le meilleur moyen de faire de la pub à ces brutes qui le méritent, et qui jouent justement brut…de décoffrage. En tombant les deux tympans sur « Warfare On Heretic Scum » et sa longue intro bombardée, on pige assez vite que les mecs ne sont pas là pour bricoler. Riffs sévères et tournoyant, rythmique en place et salement efficace, chant grave et venimeux, tout est carré pour le carnage, mais un carnage propre en frappes chirurgicales qui n’atteignent que leur cible première.
La méthode est simple, un peu de DEICIDE, beaucoup même, du SUFFOCATION, et le tout tellement diabolisé qu’on frise parfois les crises Death des plus sombres représentants Black. L’approche est classique, mais violente, extrême, les soli sont carrés, et si les deux pieds ne trempent pas dans les eaux du Death technique, les orteils s’y réchauffent quand même un bon moment. Parfaitement conscients de leur formalisme, les allemands jouent la carte de la décomplexion totalement assumée, et se complaisent dans une optique nostalgique qui nous replonge dans le marasme de brutalité des années 90. Si les deux premiers morceaux se ressemblent comme deux gouttes de sang, l’hymne fatal « Hell on Earth » vient amener un peu d’air vicié dans la VMC qui tourne à fond, et ce titre déjà proposé en single avant-coureur sur le Bandcamp du groupe prouve qu’il a pas mal de choses personnelles à dire sur fond de balade classique dans les couloirs de la bestialité.
Intro qui baigne dans son jus, saccades précises et calibrées, ambiance mortifère, claustrophobie de surface, accélération énorme qui impose une fois encore les blasts les plus tempétueux, on n’est pas là pour s’amuser, et si le vibrato est clairement mis à contribution, la guitare reste souvent dans des accroches graves et rapides. Imposant parfois un break plus lourd que la moyenne, le groupe passe donc en revue toutes les astuces, mais sa musique dégage une puissance en fournaise qui laisse assez carbonisé, et qui mérite finalement cette appellation « extrême », si galvaudée de nos jours. Terriblement percutant et immédiat, Hell on Earth reste droit dans ses bottes du premier au dernier titre, adopte la plupart du temps une vitesse de croisière hallucinante, vise le sans-faute dans le massacre, mais reste assez linéaire pour ne pas perdre ses fans en route. Sans révolutionner le genre, HERETIC WARFARE revient donc sous les feux de l’actualité par la petite fenêtre cassée, mais nous livre un album impitoyable, qui parvient même à atteindre parfois des sommets d’intensité, à l’occasion du terrifiant « Black Rage » qui porte très bien son nom.
Une sortie Death qui ramone les conduits et qui lance enfin la carrière des allemands. Un peu plus de variété ne fera pas de mal à l’avenir, mais en attendant, Hell on Earth reste l’album parfait pour couvrir une scène de ménage musclée avec vaisselle cassée ou une tuerie de masse dans le silence de la nuit.
Titres de l’album:
01. Warfare On Heretic Scum
02. Hedonistic Perfection
03. Hell On Earth
04. Mass Murder Monument
05. Black Rage
06. Redemption Denied
07. Death Of A Traitor
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