Huit ans d’absence c’est beaucoup, surtout quand on n’évolue pas en première division. Huit ans d’absence lorsque vous jouez du Thrash old-school c’est énorme, et vous risquez de vous faire dépasser, voire enterrer par deux ou trois nouveaux venus, aussi doués, sinon plus que vous. C’est pourtant le pari tenté par les anglais d’EVILE, qui depuis 2004 incarnent le renouveau du Thrash des eighties avec panache. Seulement, depuis 2013 et la sortie de Skull, les originaires de Huddersfield dans le West Yorkshire ont laissé la porte ouverte à la rébellion, et doivent aujourd’hui en payer le prix. Certes, cette absence n’est pas que conséquence de la fainéantise et du dilettantisme. Le groupe a dû faire face à un remaniement interne avec le départ du leader Matt Drake, qui a laissé le micro à son petit frère Ol Drake et sa guitare à Adrian Smith. Un remplacement aussi important entraîne donc des conséquences, et le EVILE estampillé 2021 montre donc quelques différences avec celui qui nous avait quitté il y a huit ans, et autant dire que ce laps de temps, sans laisser de stigmates importants, montre quand même des cicatrices de raccommodage évidentes.
La fluidité dans la mélodie a donc laissé place à une course à la vitesse et à la violence, ce que les BPM et la voix grave d’Ol Drake soulignent dès les premières secondes. En huit ans, EVILE s’est transformé en fils illégitime de WARFECT et du MESHUGGAH le plus ancien, a perdu quelque part sa singularité, est rentré un peu dans le rang, mais n’a pas laissé son flair et sa technique au placard. Produit pour la première fois par Chris Clancy aux Backstage Studios en Angleterre, Hell Unleashed est un bloc de béton qui tombe d’un chantier au coin de la rue, et qui a la gentillesse de le faire en plein dans votre mouille. Inutile d’attendre trop de nuances de la part de ce cinquième longue-durée, qui joue clairement la brutalité. Mais on ne parle pas de déchaîner les enfers au son d’un Thrash modéré, et « Paralysed » de montrer immédiatement les crocs et de vous bouffer le mollet avec plus de pression dans la mâchoire qu’un pitbull. Le son prend à la gorge, se montre clair, laisse la batterie et la basse respirer, place les soli en avant, et donne dans la précision chirurgicale. Dès lors, on comprend que la puissance a été privilégiée sur l’originalité, ce qui est souvent le cas chez les références old-school, même si quelques finesses techniques à la MESHUGGAH de Contradictions Collapse ne vous échapperont pas. Mais l’analogie avec le WARFECT le plus efficace est tout de même la plus probante, et parfois, confondre les deux groupes relève d’un processus naturel.
Quelques changements donc dans la continuité, un changement de personnel qui se sent à l’écoute, et quelques surprises dans le tracklisting constituent donc les quelques nouveautés proposées par Hell Unleashed. Outre cette science exacte du riff saccadé que nous retrouvons avec un plaisir non feint, les anglais nous ont réservé quelques moments de détente, à l’image de ce « Gore » auquel a participé Brian Posehn (The WB's Mission Hill, The Sarah Silverman Program et bien sûr The Big Bang Theory), et qui charcle dans les grandes largeurs en évoquant le versant le plus germanique du Thrash des années 80. Au menu, sans taxe ni sus, une belle reprise des bouchers sadiques de MORTICIAN, qui voient leur plat de tripailles « Zombie Apocalypse » transcendé de lourdeur et de méchanceté light. Autre petit cadeau pour les papilles auditives, l’analogie cinématographique « The Thing » qui nous replonge dans le froid glacial du John Carpenter de 1982. Soit, au milieu d’une bonne bordée de morceaux classiques, quelques petits amuse-bouche qui fondent et font plaisir, à défaut de vraiment nous faire exulter. Si les critiques sur le Net sont déjà partagées malgré la sortie récente de l’album, c’est parce que certains journalistes ont jugé cet effort trop clinique et générique pour vraiment se démarquer, alors que d’autres, moins à cheval sur les principes, ont jugé ce cinquième effort à sa juste valeur, à savoir un pur album de violence débridée, dont le seul objectif est de nous bousculer de ses saccades et de ses BPM. Il faut dire que les anglais n’ont pas été avares en accélérations, et que le rythme général de l’album est relativement chaud. Et comme je n’aime vexer personne, je dirais que mon opinion se range entre les deux camps, louant d’un côté l’efficacité d’un disque qui s’écoute sans aucun effort, mais déplorant aussi le manque de prise de risque de la part d’un groupe qui s’est déjà largement affirmé sur la scène.
Loin de moi l’idée de jouer les moralisateurs créatifs, d’autant plus que certains morceaux sont plus que valables. Ainsi, le progressif et évolutif « Incarcerated » instaure une belle ambiance de claustrophobie, alors qu’à l’opposé du spectre, le final « Hell Unleashed » défouraille velu sans aucun remord. Entre les deux, du classicisme, de belles intros (« Disorder », qui varie enfin légèrement dans l’attaque), et un traditionalisme de fond qui nous renvoie au plus efficace de la sidérurgie germaine des années 88/92, tout comme au plus virulent de la vague old-school de ces dix dernières années. Il y a du CRIMSON SLAUGHTER là-dessous, dans cette volonté d’exploser toutes les limites, mais les limites sont justement assez rapidement atteintes, le handicap de la linéarité du chant d’Ol plombant un instrumental salement décapant.
Ol hurle bien, pas de soucis, mais gomme le peu de sophistication qui émane des parties les plus techniques, et souvent, le spectre du timbre de Jens Kidman plane au-dessus des compositions. Mais ce qui convient à MESHUGGAH, groupe très froid et mécanique ne convient pas forcément à un combo de Thrash plus viscéral, et seule la courte durée de l’album nous sauve de l’ennui parfois.
Nonobstant ces quelques griefs, Hell Unleashed n’en reste pas moins un monstre de puissance et de véhémence, et mérite largement de figurer en bonne place des sorties de ce mois d’avril. On en attendait certainement plus d’un groupe de la trempe d’EVILE, spécialement après ce hiatus de huit ans. Mais prenons quand même, et headbanguons jusqu’à ce que notre cou se dévisse. Tel est le but de toute cette opération.
Titres de l’album:
01. Paralysed
02. Gore
03. Incarcerated
04. War Of Attrition
05. Disorder
06. The Thing (1982)
07. Zombie Apocalypse
08. Control From Above
09. Hell Unleashed
Je n'ai jamais accroché plus que ça à la musique de cette formation malgré qu'elle soit clairement de très bonne facture.
PAR CONTRE !!!
Cette reprise de MORTICIAN !!!
Mon dieu qu'elle m'a fait plaisir !
Bon, en même temps je suis über fanatik de ce putain de groupe depuis le lycée donc forcément hein...
Mais vous avouerez tout même qu'ils ont tapé dans un truc auquel on n'aurait pas naturellement pensé de prime abord vis à vis de leur style habituel.
Bravo pour la "prise de risque" donc.
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30
Un bouquin est sorti là-dessus, "The Tape Dealer" de Dima Andreyuk ( fanzine Tough Riffs)...
10/02/2025, 15:31
Toute ma jeunesse.Mais franchement, je ne regrette pas cette période : Le nombre d'heures "perdues" à remplir des K7s et faire les pochettes bordel... ... ...
10/02/2025, 10:16
Um som genuíno e nostálgico.Eu olho para Um poema morto, com grande carisma, com a esperança de que a boa e velha desgraça dos anos 90 ainda respire. Abstract Existence, talvez, seja o &(...)
09/02/2025, 11:22