Je ne vois pas ce qu’il a de mal à s’asseoir sur un transat pour se délecter de la fin du monde. Mais attention de le faire avec classe. Sur un Hesperide anthracite, terrasse en tek, et daiquiri à la main, l’air détaché de toute chose matérielle. Pas comme ces vieux moussus que l’on voit sur un vieux banc décati et que Richard Gotainer a chanté avec grâce, dépeignant avec acuité la vie tranquille dans une petite ville de province. Certes, avec les années, ce cher Julien Cassarino a laissé quelques mèches soyeuses sur le peigne, mais l’homme est encore vert, et a le verbe haut. Alors, que PSYKUP revienne en 2021 pour saluer le retour de bâton n’a rien d’étonnant, l’autruche ayant toujours pris soin de ramener aux provocateurs leurs insultes à grands coups de bec. Cette pochette en dit long sur l‘attitude des toulousains au regard d’une actualité dramatisant le moindre évènement, et transformant la moindre blessure en stigmate divin. Une actualité qui sacralise l’anecdotique, et qui confie les clés du royaume à une horde de sycophantes à peine dignes d’un revers de main des véritables acteurs de la scène. Il n’est pas non plus utile de transformer en professeur ce raout qui pourtant donne envie de lâcher le ragoût pour un cocktail rafraîchissant à la lumière de l’apocalypse annoncée. Faisons-nous plaisir, encore une fois, et si c’est la dernière, qu’elle soit au son de ce délicieux Hello Karma !
PSYKUP ne fait rien comme les autres, ni comme tout le monde. Avec une carrière née pile au milieu des nineties dévastées, le groupe fête aujourd’hui non son dixième, mais son cinquième album. Il faut dire qu’avec des musiciens paradant dans des projets annexes et faisant les beaux en invités de luxe sur les œuvres des autres, le projet PSYKUP ne peut se réunir que dans des circonstances exceptionnelles. Et après avoir dégusté comme du homard le dernier RUFUS BELLEFLEUR, l’alter-ego séducteur et iconoclaste, j’ai savouré comme du caviar ce nouveau plat de la mort concocté par les rois de l’Autruche Core, style indescriptible qui cache justement une réalité beaucoup plus simple. A l’image de tous les agitateurs de la scène Metal française, les 6:33, les CARNIVAL IN COAL, les IGORRR, PSYKUP accomplit un travail formidable de floutage des tympans avec une approche de biais, mais terriblement fertile. Une fois le choc de Ctrl+alt+sup encaissé (il aura fallu quatre ans quand même, c’est rentable), Hello Karma ! nous prend à contrepied et en fout un sacré coup dans la fourmilière de la production actuelle. Alors que les anciens capitalisent sur leur plan épargne retraite en relevant les compteurs à coups de compilations ou d’albums enregistrés à la hâte, débordant de complaisance, alors que la jeune garde regarde l’ancienne au-dessus de son épaule en se contentent d’en reproduire les schémas tactiques, les PSYKUP regardent droit devant eux, et après…le déluge. De feu bien sûr.
Enregistré aux studios La Vache et Tillas de Toulouse, sans Claude Nougaro, mais avec Fred Duquesne (MASS, WATCHA, NO ONE) au mixage, masterisé par Thibault Chaumont (TREPALIUM, KLONE), Hello Karma ! est encore une fois une réussite sonore, dégageant une puissance au moins équivalente aux deux bombes lâchées par les américains sur le Japon pour en finir avec la guerre. Celle menée par les toulousains est toujours en cours, et elle oppose les créatifs aux passifs, les pessimistes aux indécrottables optimistes, les routiniers de la facilité aux farceurs de la prise de risques. Le groupe le dit lui-même avec beaucoup d’ironie, il n’a « rien à vendre », dès le départ, histoire de laisser les cartes bleues dans les poches. « Nothing to Sell » à contrario, a beaucoup de choses à vendre, entre les guitares affamées de Julien et Victor, le chant toujours aussi roublard de Julien et Matthieu, et la rythmique écrasante de Julian et Brice. Tout en gardant cette emprise sur la génération Fusion, le groupe démultiplie les watts pour donner la sensation à l’auditeur qu’il est cerné par l’ennemi, ce qui contribue à transformer cette entame en avertissement global : nous ne sommes pas ici pour rigoler, mais bien regarder le monde s’écraser sur lui-même dans un gigantesque fracas de Néo-Core rigolard mais jouissif. Et alors que les clowns de STEEL PANTHER nous proposaient une dernière fête avant la fin du monde, les PSYKUP ne promettent que dalle, et se contentent de nous livrer leurs impressions sur la situation actuelle : si absurde qu’il vaut mieux en rire qu’en pleurer.
Et sur le carnet de notes, les annotations s’accumulent. Devin TOWNSEND est toujours aussi génial, l’onanisme n’est pas un péché, la génération 90’s est la seule capable de sauver les derniers instants d’une vie somme toute assez drôle, le Thrash c’est bath, Philippe Manœuvre est un gros flan, et Arno Strobl assure. Julien Truchan aussi d’ailleurs, puisqu’il est venu pousser une braillade sur « Nice to The Bone » que Mike PATTON aurait adoré coller sur l’un de ses projets, FANTOMAS de préférence, mais l’essentiel du répertoire nouveau des PSYKUP est l’inverse du beaujolais. Il est fort en bouche, mais laisse ensuite une impression délicieuse sur le palais, et n’alourdit pas l’estomac comme de la piquette. Certes, j’en conviens, nous connaissions déjà deux morceaux avant de nous jeter dans la lave de ce champignon nucléaire qu’est Hello Karma ! Le groupe avait eu la bonté de nous confier les secrets de « Sun is the Limit », toujours aussi surprenant, même pour la dixième fois avec son Cartoon-Core à rendre dingue Tex Avery, mais le reste des inédits est à la hauteur de ces deux exemples avant-coureur, avec encore une fois, son lot de stupre, de Funk Metal, de blasts abominables et de hurlements dantesques.
Je n’ai aucune préférence à mettre en relief au moment de dresser le bilan de cet album. Que vous soyez excité par la bravade « Catch Me if You Can » et son break sensuel qui prouve s’il en était besoin à quel point ces trous-du-cul sont des musiciens d’exception, ou que vous soyez plus sensibles au velouté de « For the Ones » qui permet au magique Julian de prouver son doigté…à la basse bien sûr, toutes les options sont les bonnes. En prenant en compte leur glorieux passé qu’on ne risque pas de retrouver dans un Easy Cash quelconque, tout en continuant d’explorer des voies dont la concurrence ne peut que rêver, PSYKUP évite une fois encore le piège cruel de la blague de potache qui fonctionne une ou deux fois avant de retourner dans les pages de l’Almanach Vermot de la musique extrême.
Je pourrais écrire des centaines de lignes à propos de ce nouvel album, dire à quel point il vous donne envie de tirer un coup avec une des candidates des Anges de la Télé-Réalité (« Get Laid »), pour finalement prendre acte de sa bêtise et vous satisfaire vous-même façon branlette Deathcore (« Masturbation Failed »). Ecrire une lettre à la gentille Greta pour lui dire qu’on roule dans une vieille R12 à pot Ninja parce qu’on encule le climat. Et puis, de faire un barouf d’enfer, une dernière fois, en s’envolant vers le paradis. Mais Vanessa n’écoute pas PSYKUP, elle préfère Benjamin Biolay.
Quelle conne.
Titres de l’album:
01. Nothing to Sell
02. Masturbation Failed
03. Get Laid
04. Chaos Why Not
05. Sun is the Limit
06. Nice to the Bone
07. Letter to Greta
08. Lucifer is Sleeping
09. Catch Me if You Can
10. Family Burlesque
11. And Now We Stand
12. For the Ones
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