Quand les newsfeed ne déroulent que des articles sur la guerre en Ukraine, sur des disparitions inquiétantes de jeunes femmes, des catastrophes climatiques toutes plus effrayantes les unes que les autres, ou encore des révélations complétement WTF sur des candidats de télé-réalité reconvertis dans le porno, quand la TV ne propose que des programmes faisandés et des séries moisies déjà vues des centaines de fois, lorsqu’on ne peut plus supermarcher un caddie à moins de 250 euros, il n’y a pas trente-six solutions pour retrouver le sourire. Tout envoyer valser, et rocker jusqu’au bout de la nuit, mais en bonne compagnie.
Et pour ce faire, si les suédois sont en grève, vous pouvez toujours compter sur les australiens.
THE POOR, c’est une école de non-pensée, une philosophie hédoniste, un carburant pour l’âme qui brûle plus rapidement que le kérosène. Formé au début des nineties, ce groupe sans autre foi ou loi qu’un Hard-Rock simple et direct nous a pondu à l’époque un premier album totalement euphorique et jubilatoire. Les spécialistes de la cause n’ont évidemment jamais oublié ce tonitruant Who Cares, qui posait justement la bonne question : mais qu’est-ce qu’on en a à foutre ?
Justement, pas grand-chose. Alors, on se repasse le single de poivrot « More Wine Waiter Please », pour se remettre dans le bain de raisin et de pourriture noble, on regarde en arrière pour constater le long silence de musiciens adorés, et on se pourlèche les babines en apprenant que les aussies ont remis le couvert, treize ans après leur dernière orgie.
Nous étions donc un peu perdus depuis le lâcher de Round 1 et Round 2, entre 2009 et 2010. Personne pour nous rassurer sur la survie d’un groupe si chéri, et un avenir old-school ruiné par des feignasses qui confondent œil qui louche sur la copie du voisin, et vrai hold-up nostalgique. THE POOR n’a jamais eu besoin de tricher, puisqu’il a été élevé au bonafide AC/DC, ROSE TATOO, j’en passe et des plus nerveux. Et sur ce nouvel album, la recette a été poussée à son paroxysme de perfection : des riffs, beaucoup, un chant raclé qui fit dire un jour à Brian Johnson qu’en cas de grippe, un successeur lui était déjà désigné d’office, et une rythmique binaire mais syncopée au bon moment pour soutenir des chœurs de soiffards encore lucides. Du moins pour l’instant.
Il fallait que la chose soit explosive, que les retrouvailles se vautrent dans le stupre et la picole. Et High Price Deed délivre exactement le message dont nous avions besoin : c’est la merde, mais après tout, autant le prendre du bon côté. Celui du zinc qu’on use de nos coudes, celui des tournées qui sont déjà payées, et des concerts enflammés. Et avec un nouveau répertoire pareil, dites-vous que le live va surchauffer. Même en été.
Mais quelle morgue bordel…claquer un binaire austral à la « Payback’s A Bitch » sans tour de chauffe est quand même la preuve d’une confiance totale en ses propres moyens. Guitares à la frères Young, tempo rapide pour ne pas trop s’éterniser sur la route, et bitume qu’on crame jusqu’au bout de la nuit. THE POOR est désormais riche de décennies d’expérience, mais n’a rien perdu de sa fraîcheur et de sa naïveté de création. Seuls les tubes comptent, et ce quatrième album ne contient que ça.
Moins épileptique qu’AIRBOURNE et ses crachés de bière, THE POOR est plutôt du genre fête de l’amitié avec un juke-box bien rempli, et en trois titres, séduit son public et même quelques autres. Production impeccable, modulations de tempo, amplis à douze et chant gouailleur, on se prend à danser en pensant à Jesper Binzer, Malcolm Young et Jimmy Barnes, et les retrouvailles sont émaillées d’éclats de rire, de headbanging sauvage et autres verres qui s’entrechoquent.
Je ne le cacherai pas, j’ai pensé tout au long de ces douze morceaux que THE POOR avait retrouvé l’impulsion qui avait donné naissance à son premier album si loué par les adorateurs de la déesse décibels. « Hurricane » m’a méchamment secoué sur mes bases, et sonne comme le tube de concert que tout le monde attendait, avec sa basse qui claque et son riff chaloupé comme l’arrière-train d’une groupie d’époque un peu fanée. C’est simple, direct, sans fioritures, et digne du meilleur party-band de l’histoire, ce que le groupe revendique jusque dans ses textes.
On trouve vraiment de tout dans ce magasin remis à neuf. Du lourd, du tendu, du mélodique, du ventru, mais surtout, une vraie motivation, une sincérité de saison et l’envie d’en donner pour leur argent à ces fans qui ont attendu trop longtemps.
Je vous aiguillerais bien vers le meilleur, mais ça reviendrait à vous recommander d’écouter l’album en entier, puisque tous les titres ont été triés, testés, et gravés pour la postérité. Mais disons que « Goin’ Down » est le hit qu’AC/DC n’a plus réussi à écrire depuis « Thunderstruck », que « Lies » gratouille de son boogie ternaire endiablé, que « Love Shot » vous lance des œillades depuis le fond du bar un samedi soir, et que le reste n’est que sourires massifs et distorsion en acier trempé.
Sacré retour pour ces australiens qui décidément refusent d’être enterrés prématurément. En bons représentants d’une absence prolongée, les THE POOR savent se faire désirer, mais aussi se faire pardonner.
Titres de l’album:
01. Payback’s A Bitch
02. Lover
03. Hurricane
04. This Is The Story
05. Take the World
06. Goin’ Down
07. Cry Out
08. Lies
09. I Know It’s Wrong
10. Love Shot
11. Let Me Go
12. Too Long
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