La légende veut que les italiens se considèrent comme les meilleurs amants. C’est évidemment sujet à controverse, chaque pays tirant la couverture du lit conjugal à lui. Je peux concevoir nos amis transalpins comme étant des séducteurs hors normes avec leur jeu de mains, jeu de vilains, mais de là à dire que toutes les couches d’un soir se souviennent de leur exploit, je laisse à la gent féminine le droit de prononcer un jugement. Et puis, sincèrement, est-ce vraiment important ? Les américains sont-ils les pires séducteurs de la création ? Autant de questions sans réponses qui animent un débat de faible importance. Mais qu’est ce qui est vraiment important de nos jours ?
La musique.
Greg Puciato est justement un musicien très occupé depuis quelques années. Suite à la rupture de bans DILLINGER ESCAPE PLAN, le chanteur épileptique à la gestuelle diabolique se répand dans des projets tous plus viables les uns que les autres, sous son propre nom, ou celui de KILLER BE KILLED. Ses muscles, sa voix inimitable, son éclectisme en ont fait l’un des musiciens les plus fascinants de ce vingt-et-unième siècle, et l’un des plus attachants aussi. J’ai encore en tête les chansons de son premier album solo qui dévoilaient une ouverture d’esprit que l’on n’aurait pas forcément soupçonnée lorsqu’il braillait pour Ben et les siens.
Et cette pochette. On l’imagine dessinée pour un side-project des BUTTHOLE SURFERS, ou pour un concept Grindcore fasciné par ZAPPA, les RESIDENTS et 1/2 GENTLEMEN, tout sauf un Hardcore dans la grande tradition chaotique des nineties entre CONVERGE et UNSANE. Pourtant, c’est bien le cas, et évidemment, Greg n’est pas seul dans cette aventure. Ou plus exactement : supergroupe. Le mot qui fait peur tant il implique des attentes énormes rarement satisfaites par les faits. Autour de Greg, des noms, connus. Jordan Buckley, Stephen Micciche et Clayton « Goose » Hollyoak d’EVERY TIME I DIE, et Will Putney de FIT FOR AN AUTOPSY. La crème de la lie donc, et un espoir qui se matérialise : le meilleur album de Hardcore de cette nouvelle décennie.
Impossible ? Pas BETTER LOVERS.
Evidemment, tout le monde va s’attendre à du EVERY TIME I DIE chanté par un ex-DILLINGER. C’est en toute petite partie vrai, mais Highly Irresponsible va beaucoup plus loin qu’un simple caméo de luxe pour épater la galerie. A l’image de ce premier EP, de ces singles lâchés en avant-coureur qui définissaient les règles du jeu. De la puissance certes, mais une puissance fertile, et autre chose que des hurlements posés sur des riffs free-jazz qu’une rythmique détruit de son instabilité. On connaît déjà tout cela, et on attend autre chose. Une épiphanie. Une révélation. Un climax. Alors, réjouissez-vous : cet album est tout ça et bien plus encore.
L’enjeu était trop grand pour être traité par dessous la jambe. Et pourtant, le quintet n’a pas joué le surfait ou le trop pensé. Les morceaux sont viscéraux, le propos pas très gai, et l’efficacité aiguisée comme un couteau de suicide. On trouve dans les obsessions le nihilisme, la mort, la trahison, la dépression, et des attaques sévères comme « Deliver Us From Life », ou « Superman Died Paralyzed » en disent long sur l’optimisme de la situation. Ce qui tombe à merveille car la tonalité générale de l’album se veut sombre, pesante, et osons-le terme : oppressante. Les cinq complices ont tout donné, retenu les leçons de leurs groupes majeurs, et régurgitent un discours plein, puissant, qui laisse une trace indélébile dans les cœurs fatigués. Prenons pour exemple « Future Myopia », qui a déjà tout du classique. Sonnant comme un crossover entre le DILLINGER de One Of Us Is The Killer et le EVERY TIME I DIE de Low Teens, cette gigantesque calotte fait tourner la tête et compresse le thorax comme une attaque soudaine et fulgurante.
Les mélodies sont là, les prouesses rythmiques aussi, et la délicatesse, de temps à autres.
« Deliver Us From Life » parvient même à synthétiser les ADN pour engendrer une créature immense, à l’empathie visible à l’œil nu, comme un Néo-Hardcore que l’on se partage entre initiés qui ne se font plus guère d’illusions. On aime cette production qui embrasse la basse sur la bouche, et qui laisse les guitares respirer entre deux coups de caisse claire. Les effets d’arrière-plan sont tout sauf décoratifs, les soli évanescents, et l’ambiance moite, et cosy à la fois.
Qui croyait encore que ces hommes dans la fleur de l’âge dépassée pouvaient accoucher d’un tel album ? Les fans ? Les admirateurs ? Les indécrottables optimistes ? Mais c’est certainement Greg qui résume le mieux la situation, d’un vers lâché tout sauf au hasard :
Comment pourrait-on survivre, si l’amour devient un acte de rébellion ?
Subtile alternance de fulgurances et de stances plus étudiées, Highly Irresponsible permet à Greg de retrouver ses réflexes les plus époumonés, sur le terrible et cathartique « Drowning In A Burning World », entre KILLER BE KILLED et Thrash joué par des punks. Mais les BETTER LOVERS sont peut-être les derniers punks, qui n’en font qu’à leur guise, et qui ne se préoccupent guère de leur réputation.
Je ne nierai certainement pas l’évidence : cet album, que j’espère suivi d’autres m’a profondément marqué et choqué. Je ne pensais pas y trouver l’exutoire dont j’avais besoin pour affronter un quotidien anxiogène, et encore moins la créativité la plus folle depuis les jeunes années des trois groupes impliqués. Mais « Superman Died Paralyzed » et sa démence ironique noire, « At All Times » et sa lancinance qui berce comme une mère infanticide quelques minutes avant le drame, et surtout, « Love As An Act Of Rebellion » qui explose tout avant le tombé de rideau ont achevé de me convaincre de toute l’importance de l’entreprise.
Réanimer le corps fatigué du Hardcore chaotique, tel qu’on le concevait durant son âge d’or. Mais bien loin de tout ça, au-delà des styles, BETTER LOVERS a servi encore bouillant le meilleur album de cette année 2024. Sans prétention, mais avec ambitions. Alors…si les italiens sont les meilleurs amants, les américains sont les meilleurs déviants. Irresponsables et fascinants.
Titres de l’album :
01. Lie Between The Lines
02. Your Misplaced Self
03. A White Horse Covered In Blood
04. Future Myopia
05. Deliver Us From Life
06. Drowning In A Burning World
07. Everything Was Put Here For Me
08. Superman Died Paralyzed
09. At All Times
10. Love As An Act Of Rebellion
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