Tomber sur un groupe qui affiche seize ans d’existence et qui a déjà sorti dix-neuf albums studio n’est pas chose courante. On connaît ce genre de phénomène dans le Grind, mais il est beaucoup plus rare dans la mouvance du Black Metal…
C’est pourtant le cas des surprenants Tchèques d’UMBRTKA, qui fêtent donc en cette fin d’année 2016 leur quasi vingtième longue durée, ce qui en fait l’un des groupes les plus prolifiques du genre…
Venu de Plzeň, République Tchèque, ce quatuor (Morbivod, Strastinen, Karl, Well), se targue d’avoir commencé sa carrière en jouant sur un matériel de fortune (une batterie constituée de plats en métal et de poubelles), pratiquant un BM basique et classique, avant d’évoluer vers un amalgame de divers courants extrêmes pour créer leur propre approche de la brutalité.
Aujourd’hui, le groupe se pose en référence de l’avant-garde underground de l’Est, et peut se prévaloir de faire bouger les choses en jouant une musique certes brutale, mais ouverte à des influences externes qui enrichissent encore plus leur discours.
L’ouverture dite « avant-gardiste » n’est pas frappante sur les premiers morceaux de ce nouvel album, Hlavni Stroj (traduction approximative « La Machine principale »), qui visiblement se contentent de juxtaposer des rythmiques et atmosphères purement Black à des digressions Heavy efficaces, même si certains arrangements laissent à penser que leur inspiration va un peu plus loin que ça.
S’ils se réclament de références majeures, comme DARKTHRONE, ou BURZUM, les quatre musiciens osent aussi faire allusion à Frank Zappa, mais surtout à MASTER’S HAMMER, qui visiblement, reste leur source d’inspiration principale.
Nonobstant ces citations dans le texte, il faut admettre que leur musique est d’une très grande qualité, et qu’elle n’hésite pas à s’écarter des chemins les plus arpentés pour tenter de régulières échappées en solitaire…
Ne connaissant pas le parcours du groupe ni sa musique antérieure, je serais bien à mal de juger de leur évolution. Je me contenterai donc d’analyser leur présent qui ma foi, est assez intrigant et fascinant en soi. En juxtaposant des rythmiques en déversement de blasts et des mélodies amères typiquement marquées d’un Heavy de l’Est, et en osant de temps à autres tenter un crossover assez ultime, les Tchèques semblent en effet vouloir se démarquer de la production locale, même si certains titres démontrent que l’ombre de MARDUK plane sur leur violence instrumentale crue (« Hlavní stroj »).
Mais la construction de Hlavni Stroj, assez étrange en soi dans son collage de morceaux très courts et de progressions plus développées attire l’attention, et le fait de passer d’un brûlot Thrash/Black de moins de deux minutes comme « Horizontář », à une longue dérive progressive de presque dix comme « Sklíčení » semble indiquer que les concepteurs ont des ambitions clairement différentes de la masse grouillante du Black Metal local.
Ce morceau est d’ailleurs assez symptomatique de l’approche expérimentale dont on semble créditer le groupe, qui dans ces moments beaucoup moins clairs emprunte des directions pas franchement nettes, qui tiennent même du Folklore local sans tomber dans le piège du Folk Metal un peu facile.
IL est possible de penser à des noms comme EMPEROR, MAYHEM, mais aussi FINTROLL durant ces longues contemplations aussi violentes qu’elles ne paraissent harmoniques, et là est sans doute la force et l’unicité des UMBRTKA qui n’hésitent pas à regarder vers l’extérieur pour y puiser l’essence de leur identité propre.
Aussi fascinantes que puissantes, ces interventions sont le pivot central de ce dix-neuvième album, et l’homérique « Pozadí », qui se perd pendant près de treize minutes dans le dédale de l’imagination des Tchèques en témoigne sans conteste.
Riffs plus posés mais tout aussi sombres, avec cette pointe de dissonance qui les rend inquiétants, rythme en mid tempo, mélodie amère pas franchement assumée, chant grave qui ose des syncopes quasiment martiales avant de vomir sa bile sur des accélérations subites, l’ambiance change sans vraiment trahir son fond. Quelques passages plus aménagés au groove tangible autorisant un phrasé presque slam, breaks souples, ce sont dans ces instants là que le caractère foncièrement expérimental du quatuor prend le dessus, pour une hybridation étrange les rendant de fait relativement spéciaux.
Et d’ailleurs, le final « Práce, radost, válka », puisant tout autant dans la musique traditionnelle de l’Est que dans la grandiloquence Allemande des RAMMSTEIN offre aussi un contrepoint aux morceaux les plus « systématiques » de Hlavni Stroj.
A tel point qu’on ne sait plus vraiment sur quel pied valser, tant les arrangements en arrière-plan évoquent un opéra étrange…
Mais tout ça ne fait pas non plus oublier que lorsque les UMBRTKA se fixent sur un Black plus foncièrement violent et franc, ils restent d’une efficacité redoutable.
En témoignent les pics d’intensité de « Záměstí » en ouverture, qui se satisfait très bien de ses blasts et de ses riffs multiples et concentriques, ou les circonvolutions de « Svitky plechu », qui hérite de fait de l’expérience Néo Death du Nord de l’Europe, tout autant que des résultats des manipulations Thrash de l’Europe de l’Est, agrémentant le tout d’une atmosphère Death traditionnelle putride et grave comme une crise de schizophrénie à la MORBID ANGEL des nineties.
Alors certes, les UMBRTKA ont les arguments de leur philosophie, qui prône une ouverture sur tous les courants extrêmes en vogue depuis plus de vingt ans.
Résolument Black dans le fond, mais plurielle dans la forme, leur musique ne se contente pas d’attaques frontales ininterrompues, mais sait proposer des aérations bienvenues pour parvenir à un résultat hybride qui choque. Dès lors, le BM, le Death, le Heavy, le Thrash et même le Folk traditionnel se mélangent dans un ballet enivrant, pour s’amalgamer dans un cocktail aussi détonant qu’étonnant.
Un groupe à découvrir pour s’intéresser de près à un pan d’histoire musicale de l’extrême Tchèque, qui n’est pas né de la dernière pluie acide.
Titres de l'album:
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