Hollow Earth Theory

Incinery

30/10/2020

Autoproduction

Et là vous me direz, je le sens d’avance : encore du Thrash old-school, ce mec-là est un obsédé passéiste qui commence à nous appuyer sur le champignon. Vous aurez en partie raison, mais rien ne vous empêche de changer de conducteur et d’opter pour un pilote plus porté sur les hybrides et autres véhicules modernes. Moi, je carbure au Thrash des années 80, et je n’ai jamais caché ma passion pour cette musique unique, alors ne vous étonnez pas si je me sens concerné par la production vintage actuelle. Sauf que dans le cas de ces anglais forts en watts, le Thrash s’accommode de diverses façons, et pas toutes inspirées par des recettes de Maïté. Né en 2009 à Nottinghamshire, INCINERY est une assemblée de petits malins qui savent très bien que la nostalgie n’est jamais aussi efficace que lorsqu’elle est remise au goût du jour, sans en trahir les dogmes de base. C’est ainsi que le line-up solide du groupe n’a pas changé depuis sa naissance et que ce quintet (David Jordan "Deej" - basse, Jason Chaikeawrung "Twinkle Fingers" & Chris Kenny "Viking" - guitares, Ste Dudley "Optimus" - batterie et James Rawlings - chant) serre les rangs pour renvoyer l’image d’une famille brutale maîtrisant parfaitement son discours. Néanmoins, la productivité ne semble pas être l’obsession de cette famille, puisque son dernier témoignage musical accusait les six ans d’existence, Dead, Bound and Buried remontant déjà à 2014. Il était donc grand temps de relever les compteurs pour cette formation de la perfide Albion, totalement consciente de son classicisme, mais aussi de ses atouts.

INCINERY, c’est un peu le meilleur des trois mondes. Une base d’inspiration clairement piochée dans la confrontation Bay-Area/Rurh des années 80, la fluidité du groove Metal US des années 90, et la fusion entre les deux approches, symptomatique du nouveau siècle. Souvent comparé à un enfant illégitime mis bas par PANTERA, LAMB OF GOD et TESTAMENT, INCINERY n’en possède pas moins sa propre identité, très affirmée, qui lui a permis d’accompagner sur scène des références de la carrure d’EXODUS, ONSLAUGHT, LAWNMOWER DETH, HIRAX, XENTRIX ou SAVAGE MESSIAH. Il n’est donc pas difficile de comprendre que ce quintet enragé a beaucoup appris de ses aînés, et encore moins d’appréhender la réalité des faits et les accointances avec XENTRIX, SLAYER, METALLICA et toutes les influences les plus patentes du Thrash des années 80. Mais en diluant son inspiration formelle dans une bonne dose de fluidité groove, les anglais évitent l’écueil de la citation bête et méchante, et proposent donc un crossover assez intéressant, porté par une pugnacité ne se démentant jamais.

Et très rapidement, « Hollow Earth » s’insinue dans votre organisme comme un virus létal, qui fait vibrer tous vos membres et agiter votre tignasse. Tempo raisonnable et riff typique des attaques de Gary Holt, arrangements de guitare virevoltant, chant terriblement rauque et agressif, saccades symptomatiques, tout est en place pour faire battre à fond le cœur des fans d’un Thrash efficace à défaut d’être totalement créatif. Et malgré son statut d’autoproduction, ce second long bénéficie d’une production très claire et aérée, bien loin des compressions actuelles des plus grands représentants du style. On saisit bien les nuances de cette basse ronde, les guitares tranchent dans le vif sans laisser couler le sang, le chant est évidemment mis en avant mais juste ce qu’il faut, tandis que la batterie mate frappe avec efficacité. Un équilibre parfait qui vaut bien des sorties de grand label, ce qui est un gage de qualité certain au moment d’appréhender cet album. Un album qui ne joue pourtant pas la facilité avec son métrage frisant l’heure de jeu, et une grosse poignée de compositions dépassant les cinq ou six minutes. On craint la redondance, et pourtant les cinq minutes bien tapées de « Hollow Earth » prouvent que le groupe en a dans son sac US, se montrant capable de trousser un break totalement imprévisible avant de lâcher un solo digne de la grande époque.

En un seul titre, INCINERY prouve qu’il n’a pas perdu la main, mais en deux, il démontre qu’il peut se permettre de viser la tête du peloton, « Savage Lands » nous ramenant à la glorieuse époque de l’EXODUS magique de Fabulous Disaster. D’ailleurs, le jeu hystérique mais solide de Ste Dudley "Optimus" rappelle la frappe unique de Tom Hunting, avec ces fills incessants qui ne font qu’ajouter à l’hystérie ambiante. Hystérie, mais solidité aussi, et flair au moment de poser des intros qui plongent dans le bain. Et cette première partie de parcours fait la part belle aux plans les plus caractéristiques de la Bay-Area, avec cette petite touche TESTAMENT qui revient à intervalles réguliers, le tout mâtiné d’un chant à la Zetro Souza (« The Less Dead »). Bien loin des clichés véhiculés par les têtes d’affiche ces dernières années (TESTAMENT, DESTRUCTION, et Ô, comble de l’horreur, HEATHEN), INCINERY joue crânement sa carte d’outsider et explose la côte des bookmakers, livrant une course impeccable. Entre des contretemps très malins qui dévient le tempo (« Forgotten One » aux parties vocales très travaillées), des doses de sévère injectées dans les veines en shoot fatal (« Carrion King »), et des techniques de destruction massive plus élaborées (« Beyond the Dawn », le parfait mix entre TESTAMENT et OVERKILL), Hollow Earth Theory égrène ses thématiques avec une belle persuasion (l’occulte, la science-fiction, les enlèvements par les extraterrestres, Nicholas Flamel, Harlon Ellison…), le tout sous couvert de harangues incessantes et viriles éructées par un vocaliste vraiment impliqué.

Et tenir un tel rythme pendant une heure ou presque n’est pas donné à tout le monde, ce qui rehausse encore la performance des anglais. Certes, nous n’évitons pas toujours les idées réchauffées, et le statisme des BPM, mais globalement, ce second long est un véritable modèle du genre sur lequel devraient copier les stars des années 80, un peu trop engoncées dans leurs certitudes. Retrouvailles sympathiques avec les INCINERY qui ont mis à profit ces six années de silence pour revenir encore plus remontés. Old-school d’accord, mais de qualité.                     

                                                                                                                                 

Titres de l’album:

01. Hollow Earth

02. Savage Lands

03. The Less Dead

04. Forgotten One

05. Carrion King

06. Ellison

07. Falling Into the Sky

08. As Above So Below

09. The Sorrow of the Last

10. Beyond the Dawn

11. Terminal Singularity


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par mortne2001 le 03/08/2021 à 14:55
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