Certes, du gros Death Doom abominable pour les fêtes de fin d’année n’est certainement pas le choix le plus évident au moment de disposer les cadeaux sous le sapin. Mais finalement, j’emmerde Noël et je me fais mes propres cadeaux, comme ça, je suis certain de ne pas être déçu. Cette attitude un brin misanthropique m’autorise donc à vous entretenir du cas hirsute des argentins de DEEPVOID, qui de leur Buenos Aires résidentiel, ne font pas grand mystère de leur fascination pour une musique brutale, gravissime, et peu porteuse d’espoir. Fondé en 2020, le collectif n’a pas traîné à propager son nom dans l’underground, en nous dispensant deux démos cette année (Ecstacy of Golgotha et la plutôt franche Fuck New Days Death Metal), avant de l’imposer avec plus de fermeté en fin d’année grâce à ce premier long plutôt court, mais autoproduit.
Et sous cette pochette démoniquement orgiaque et ce logo totalement indéchiffrable se cache donc l’un des albums les plus maléfiques de l’année, de ceux dont l’underground se repait via des labels comme Putrid Cult ou Nuclear War Now. Et ne nous voilons pas la face, la musique des argentins est réservée à une élite de fanatiques bruitistes qui ne conçoivent l’extrême que sous son aspect le plus revêche et incorruptible. Enregistré dans une crypte abandonnée, mixé par un pauvre gars enfermé dans un donjon sur lequel plane la menace d’une torture sans fin en cas de travail trop élaboré, Holy Grail Of Damnation n’est que ressentiment, intentions malicieuses, déviance sonore, et au moment de prendre acte d’un éventuel line-up complet, on ne se montre pas spécialement surpris de découvrir qu’en guise de groupe, nous avons droit à un nouveau one-man-project né des abysses et des tréfonds de l’inhumanité. Et derrière le nom de DEEPVOID se cache en fait un seul homme, Varg Von Deviant, aka Mariano Ezequiel Ramirez, qui sévit également en solitaire au sein de TOXIC GOAT, autre projet fleuri aux hymnes chantants.
Et en six morceaux plus une reprise, l’argentin nous dévoile ses intentions les plus sombres, de celles à même de faire passer INCANTATION pour un groupe de bal reprenant les B52’s et Yvette Horner. Se chargeant évidement de tout, composition, interprétation et programmation, Mariano ne se fourvoie pas dans un mercantilisme moderne et encore moins nostalgique et ne retient du Death et du Doom que leurs composantes les plus repoussantes et empeste nos tympans d’une charge à rendre les ABRUTUM verts de jalousie parfois. Pas de thème à proprement parler, juste de longues litanies plaintives et caverneuses, un son à faire aiguiser ses coton-tige, une basse inexistante, un chant mixé loin dans les grottes, pour une approche puriste et délicieusement raw. A tel point que le projet flirte avec un Blackened Death vraiment putride en certaines occasions, même si le maître de cérémonie parvient de temps à autres à lâcher du lest via un riff mémorisable et catchy (« Graveyard Of Seraphims »).
Musicalement, c’est moche et ça pue, c’est donc terriblement attractif pour les névrosés, et finalement, malgré l’approche très amateur et incorruptible, ce premier long ne manque pas de charme et achève de nous convaincre de sa pertinence maléfique. On apprécie particulièrement cette ambiance à la sud-américaine qui rappelle un peu les VOMITCHAPEL et autres NECRODANCER, et si la cover assez réussie d’ASPHYX permet de reprendre un peu son souffle, autant dire qu’elle est accommodée pour ne pas dénaturer sur la table. A cheval sur ses principes de douleur auditive, Varg Von Deviant s’autorise même une longue incartade traumatique, via l’interminable et processionnel « Emerging Nocturnal Dominion », qui appuie sur la plaie Doom/Death purulente, et qui nous convoque aux agapes de la putréfaction et du deuil permanent. C’est lancinant, obsessionnel même, insistant comme une céphalée qu’aucune médecine ne vient soulager, mais le don pour les motifs hypnotiques de l’auteur permet à cette composition cauchemardesque d’incarner l’acmé d’un Doom/Death de tradition, forgé à l’ombre des monolithes du désespoir.
Et avec une saillie plus immédiate et cruelle (« Profounding Oblivion », parfaitement ignoble et incompréhensible, donc indispensable), plus une conclusion pas plus empathique (« Hypnotic Voices Of Hell », quand les zombis marchent sur terre, c’est qu’il n’y a plus de place dans les cimetières d’Amérique du Sud), Holy Grail Of Damnation reste une jolie flaque de vomi qu’on prend en photo pour le fun, une mare de bile après une crise d’anémie, et un témoignage de protestation contre la déliquescence de la société moderne, qui ne tolère la musique que sous son aspect le plus accessible. Nécrophiles et psychopathes, l’album est gratuit sur le Bandcamp du groupe, alors jetez-vous dessus, pour animer vos soirées de fin d’année qui se termineront par de vilaines blessures, et des cadavres jetés dans les marais avoisinants.
Titres de l’album:
01. Holy Grail Of Damnation
02. Ecstasy Of Golgotha
03. Graveyard Of Seraphims
04. Deathhammer (ASPHYX cover)
05. Profounding Oblivion
06. Emerging Nocturnal Dominion
07. Hypnotic Voices Of Hell
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