Ils sont bien mignons ces petits jeunes qui reprennent le flambeau, mais ils oublient que c’est dans les vieilles peaux qu’on fait les meilleures troupes. Logique, puisque l’arrière-garde meurt mais ne se rend jamais, et parfois, ne meurt pas, mais reste tapie dans l’ombre pour ressurgir encore plus puissante qu’avant. C’est un peu le cas de figure de nos chers amis allemands d’EXUMER, qui après un long hiatus nous étaient revenus en 2012 par l’entremise d’un comeback aussi (in)attendu que réussi, et un troisième album qui n’aurait logiquement jamais dû voir le jour. Fire & Damnation nous avait donc pris par surprise en 2012, ravivant les souvenirs tenaces des deux premiers jets de bile du groupe, les séminaux et légendaires Possessed By Fire et Rising From The Sea. Sans en atteindre l’intensité, ce retour en fanfare avait au moins le mérite de replacer les germains sur la planche de surf glissant sur la vague nostalgique, eux qui étaient justement là avant toute cette nouvelle génération d’admirateurs en manque d’inspiration. Mais c’est véritablement The Raging Tides qui avait remis les pendules mondiales à l’heure de la Ruhr, avec ses attaques permanentes contre le temps qui passe trop vite, sous la forme de rythmiques nucléaires et de vociférations mortifères. Mais comment concevoir le Thrash allemand autrement que comme une symphonie d’outrance ininterrompue, puisque l’Allemagne a quasiment inventé le genre extrême à elle toute seule…Nous étions donc rassurés quant à la pérennisation du retour des pourfendeur du Metal tiède, et trois ans plus tard, nous retrouvons nos chevaliers en cartouchière de mailles et côte de balles plus en forme que jamais, et animés d’intentions manifestes. Pour autant, pas de crainte à avoir, EXUMER n’a pas cédé aux sirènes de l’expérimentation, et reste toujours aussi hargneux et vindicatif.
D’ailleurs, plus qu’un simple nom, leur baptême est quasiment devenu une trademark, ce que ce teigneux Hostile Defiance confirme de tous ses sillons numériques ou physiques. Toujours axé autour de la racine en duo Mem Von Stein (basse/chant) et Ray Mensh (guitare), EXUMER continue d’écrire ses plans de bataille comme il mène sa carrière, sans faire de prisonniers et en massacrant tout ce qui l’entoure, sauf qu’une fois n’est pas coutume, l’accent a été mis sur les variations et modulations, ce qui a le don de rendre ce cinquième LP encore plus efficace et fascinant. Encore une fois produit par Dennis Koehne (SODOM, MELECHESH), pour une troisième collaboration, Hostile Defiance ne se contente pas de ruer dans les brancards, et affine la tuerie pour la faire emprunter des tactiques plus Heavy, sans pour autant faire montre d’une quelconque faiblesse. D’ailleurs, la confiance affichée par le tempétueux leader est manifeste, lui qui n’hésite pas à voir en son nouveau bébé « l’équivalent humble et personnel de Master of Puppets ou Reign in Blood ». Chacun voyant midi à sa Bay Area, impossible de contredire Mem sous peine de passer pour un vieux rabat-joie, et autant dire que les dix nouvelles compositions ne font pas de quartier, et ne cherchent pas non plus la complication. On y retrouve tout ce qui a toujours fait le charme fatal de ce groupe unique, et si les nostalgiques des cris hystériques de Paul Arakari regretteront les intonations de Rising From The Sea, tous les autres, dont les fans hardcore se réjouiront de cette succession d’hymnes à la violence traditionnelle. Mais avec le peu de recul que l’on puisse avoir, il n’est pas vain d’affirmer que Hostile Defiance fait partie du haut du panier de la production allemande actuelle, laissant même les quelques erreurs de Fire & Damnation loin derrière sur le bord de la route. Alors oui, EXUMER thrashe toujours aussi bien, mais il le fait plus intelligemment, sans hésiter à aménager quelques espaces positifs plus fréquents pour bien marquer le changement. Dans la continuité, s’entend.
Metal Blade ne s’y est donc pas trompé, et assure la promotion du bébé avec fierté et assurance. Et il y a de quoi lorsqu’on tombe sur un opener de la trempe et la rage de « Hostile Defiance » qui va assurer le carnage en ouverture des prochains shows du groupe. Rythmique en place (toujours T. Schiavo à la basse et Matthias Kassner à la batterie), riffs qui écorchent mais ne refilent pas le tétanos (Marc Bräutigam fait bien la paire avec Ray depuis 2013), voix ferme aux intonations délicieusement rauques et mordantes, tout est en place pour déclarer la guerre au Thrash faisandé et daté, ce nouvel album semblant très à l’aise dans son époque et en paix avec l’histoire passée du groupe. En jouant l’alternance globale et de détail, le quintet a pris un risque, celui de s’aliéner la passion des plus enragés, mais a tapé le bon pari, puisque l’œuvre en question risque fort de très bien passer l’épreuve des écoutes et du temps, sans sonner comme une redondance fatigante ou une réminiscence en écho d’une histoire trop bien connue. Je le concède, les morceaux les plus longs ne sont pas forcément les plus heureux, et certaines pesanteurs un peu trop mélodiques rapprochent nos amis du KREATOR le plus complaisant de ces dernières années (la tendance est à l’harmonisation visiblement en Allemagne chez les cadors…), mais même en mode concentré et pesant, le groupe parvient à convaincre, ce que la tuerie « Raptor » confirme de son riff goulu et de ses saccades goûtues. On se plaît même à repenser au meilleur HOLY MOSES, celui de New Machine, sans verser dans le Techno-T qui en rajoute trop et qui démontre avec trop d’insistance. Mais le tout est sombre, suintant, évite la gaudriole grasse du Heavy germain qui tâche, et nous permet de souffler un peu entre deux morflées.
Le combo n’a pas perdu la main pour cavaler bon train, et les épileptiques de se retrouver autour des lapidaires « King’s End », avec ses contretemps malins, et du turbocompressé « Splinter », qui clôt officiellement l’album avant les petits cadeaux. Rapide mais raisonnable, EXUMER n’en lâche pas moins de méchantes accélérations à la double en mode OVERKILL, et refuse toute tentative exagérée de Thrashcore pour ne pas passer pour une assemblée de dégénérés. Bends, sifflantes, arrangements sobres mais efficaces, changements de cap, modulation de vitesse, et l’affaire est entendue, d’autant que les petits malins nous ont réservé deux jolies surprises en bonus-tracks. D’abord, une appropriation très personnelle mais nationale des SCORPIONS, avec une version atomisée du tendu « He’s a Woman, She’s A Man », et un gros délire SODOMien avec cette cover improbable des Gods of Death ENTOMBED, « Supposed To Rot » (très crédible et ludique au demeurant). Ce qui prouve qu’en plus d’être des gens de talent, les EXUMER sont aussi des gens de bon goût, et l’un dans l’autre, Hostile Defiance une calotte en crêpe sarrasin complète.
Titres de l'album :
01. Hostile Defiance
02. Raptor
03. Carnage Rider
04. Dust Eater
05. King’s End
06. Descent
07. Trapper
08. The Order Of Shadows
09. Vertical Violence
10. Splinter
11. He’s a Woman – She’s A Man (SCORPIONS cover)
12. Supposed To Rot (ENTOMBED cover)
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