Depuis quelques temps, je me plonge dans l’underground Techno-Thrash et progressif des années 80 et 90, à la recherche de la moindre pépite passée au travers de mon tamis. Je le reconnais, je suis plutôt un spécialiste de la chose, ayant découvert ce mélange il y a plus de trente ans en écoutant les œuvres de MEKONG DELTA, WATCHTOWER, SIEGES EVEN, mais aussi les travaux moins agressifs de JESTER’S MARCH, LETHAL, ou FATAL OPERA. Cette quête qui au départ semblait raisonnable s’est vite transformée en recherche de l’impossible, tant la production de l’époque cache encore des trésors de plus en plus difficiles à exhumer. C’est ainsi que je me replonge dans un bain de jouvence, me sevrant de performances homériques et de constructions alambiquées, renvoyant l’actualité musicale dans les cordes de la banalité la plus flagrante. Il est en effet assez difficile de nos jours de tomber sur un combo associant la rudesse du Thrash à la délicatesse du Progressif, la fusion semblant tombée en désuétude, et rebutant les musiciens les plus culottés. Pourtant, il subsiste de par le monde des instrumentistes à la mémoire longue, qui se souviennent de la magie provoquée par ce mélange hors-norme, et c’est au hasard des sorties que je me suis fié, accordant ma confiance à un destin parfois complice. Ainsi, en tombant sur le second album des chiliens de COMPLEX, rien ne m’indiquait une affaire plus complexe que la moyenne, et tout au plus un énième produit estampillé Thrash old-school comme il en dégouline dix ou vingt par mois. Mais heureusement, ce groupe sorti de nulle part à des ambitions un peu plus prononcées que la moyenne, et son Metal hautement agressif et construit nous ramène à l’heure de gloire des groupes cités plus haut, bien que le résultat concret soit moins élaboré et plus percutant.
Fondé en 2010 par Sergio Carrasco (guitare) et Alejandro Care (batterie), COMPLEX est l’archétype de la formation sud-américaine anonyme qui ne paie pas de mine, mais qui fait parler la poudre. Après une démo initiale en 2013 (Cruces de Muerte y Sangre), les hispaniques se sont concentrés sur l’élaboration du premier long, qui vit le jour en 2015 (Desde el Poder). Quelques problèmes de line-up sont venus freiner leur progression, et c’est cinq ans plus tard que ces originaires d’Osorno proposent le second chapitre de leur histoire, via cet impressionnant Humana Involución qui risque fort de faire plaisir aux thrasheurs les plus féroces et les plus exigeants. Avec une formation renouvelée mais toujours en quintet (Daniel García (chant), Sebastián López (batterie), Sergio Carrasco (basse), Matías Celis et Juan Garrido (guitares)), COMPLEX tente donc de rattraper le temps perdu avec huit nouveaux titres qui sont autant de bombes. Au prime abord, il n’est pas incongru de considérer la bande comme un simple Thrash-act de plus, mais la pochette de Humana Involución donne de précieuses indications quant à son contenu. Nous sommes loin du graphisme habituel décorant les œuvres Thrash les plus formelles, et ce roi Midas sur son trône suivi par une faune aussi inquiétante que bigarrée intrigue l’œil, et aiguise l’appétit des oreilles. La méfiance est donc de mise, le groupe paraissant plus malin que la moyenne, et après quelques minutes d’écoute, la sentence tombe sans appel : les chiliens sont en effet différents, et plus originaux que la plupart de leurs homologues.
S’il est assez difficile de remonter l’arbre généalogique de leurs influences, on peut affirmer que leur art semble résulter de la fusion de la puissance de METALLICA, de la complexité d’ANACRUSIS, et d’un sens de la mélodie héritée du Power Metal le plus complaisant avec une affiliation Thrash. Il n’est pas interdit non plus de voir en cette musique des réminiscences du Thrash américain à tendance Heavy le plus efficace, et des traces des WILD DOGS et de METAL CHURCH, le tout sous couvert d’une recherche progressive manifeste. Le meilleur exemple de cette théorie restant le monumental titre éponyme « Humana Involucion » qui réunit la fougue d’un HEATHEN, la préciosité harmonique d’un FLOTSAM & JETSAM, le tout épicé d’une folie typiquement sud-américaine. Ce qui frappe immédiatement, c’est le niveau des instrumentistes qui ne font pas semblant d’envoyer la sauce, et spécialement d’une paire de guitaristes qui en plus d’un catalogue impressionnant de riffs nous arrosent de soli en mode déluge de notes, sans perdre de leur pertinence ou de leur précision. Les deux riffeurs font en effet partie de cette caste de musiciens qui savent toujours comment densifier un morceau sans verser dans la démonstration stérile, et l’ouverture « Zona de Sacrificio » de nous en mettre plein la vue, avec des sifflantes hystériques, des sextolets finauds, et une fluidité d’ensemble diabolique. Soutenus par une section rythmique à l’abattage intelligent, et par le lyrisme d’un chanteur qui grogne comme il contrôle son vibrato, Humana Involución a tout d’une transposition Thrash progressif dans un univers plus efficace et groove, qui pioche dans le passé de quoi faire trembler le présent.
Huit titres dont une intro, et rien à jeter. Il semblerait que le groupe a atteint une sorte de maturité dans son art, qui ne l’empêche pas de rester sauvage. Entre des démonstrations rythmiques impressionnantes de puissance, et un instrumental qui retrouve la complexité des années 80/90 (« La Ira Del Olvidado »), et une fin d’album qui fait la part belle aux pièces les plus agencées et maîtrisées (« Fosil del Silencio » et son déferlement de colère qui n’empêche pas un break technique et syncopé du plus bel effet), ce second tome de la vie des chiliens se montre passionnant de bout en bout, parvenant à garder la sophistication des meilleurs efforts du genre tout en accentuant la violence d’un Metal sans compromis. On pense parfois à un ACCUSER plus dense techniquement, mais l’identité de COMPLEX se dispense très bien de comparaisons réductrices. Doté d’un énorme son très contemporain, Humana Involución est donc une sacrée allusion au passé qui trouve sans problème sa place dans l’actualité, et qui permet de se dégager des automatismes pénibles de la vague old-school qui se contente de reproduire des formules toutes faites. Aussi méchant qu’intelligent, cet album va faire le bonheur d’une frange du public extrême toujours aussi attachée à la finesse dans la brutalité.
Titres de l’album :
01. Deus Miseri
02. Zona de Sacrificio
03. La Ira Del Olvidado
04. Nativa Depredacion
05. Lanzan Sus Dados
06. Humana Involucion
07. Fosil del Silencio
08. Balas Contra el Pueblo
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30