L’humanité a échoué. Triste mais lucide bilan, au moment où justement, les peuples doivent faire face à une violence omniprésente, et au délitement de l’environnement, maltraité par des années de déforestation, de surconsommation, de surpêche, d’abus carbone et autres viols répétés d’un capitalisme galopant. Pas de quoi être fier, nous qui avons par nos caprices encouragé ce système, avant de nous lancer dans une calamiteuse entreprise d’attrition hypocrite, pour nous laver de nos fautes avant le jugement dernier.
Mais ce jugement dernier pourrait être beaucoup plus proche que nous le pensions. En raisonnant en termes de siècles, nous avons oublié que le mot fin pouvait apparaître dans quelques années. Dès lors, que faire ? Maintenir nos efforts et réduire notre appétit de technologie ? Ou abandonner le truc et laisser les générations suivantes se démerder avec ?
Je pense que la seconde solution est celle qui a été adoptée par le plus grand nombre, et pas seulement les industriels et autres milliardaires de la Tech. Nous préférons courir comme des poulets étêtés dans la basse-cour, plutôt que de faire face à nos crimes et à cette absence anxiogène d’espoir. Et le domaine des arts se met au diapason de ce constat de culpabilité, en produisant une musique aussi sombre que l’avenir qui nous observe de sa colère.
RAMAGE INC. aurait pu se baptiser DAMAGE INC. Non pour honorer METALLICA, mais pour constater les dégâts sur fond de Metal moderne et agressif, et subtilement évolutif. En vingt d’existence, ce groupe d’Edimbourg a produit un nombre raisonnable d’œuvres fondatrices et personnelles, sans vraiment faire preuve de régularité. Ainsi, près de dix années séparaient ses deux premiers albums, et cinq leurs deux derniers. Mais on excusera ce manque de ponctualité en pointant du doigt l’extraordinaire créativité d’un quatuor en pleine possession de ses moyens, quelles que soient les circonstances et les modes. Si Universe balbutiait encore les arguments, Under the Skin rampait sous la peau pour nous contaminer comme un virus euphorique.
Humanity Has Failed vient donc compléter la liste, en tant que cinquième enfant de la fratrie, et ce nouveau-venu à des choses à dire. Beaucoup de choses à dire. Pour être clair il parle vingt minutes de plus que son aîné, ce qui peut faire craindre un déluge musical assez difficile à digérer. Et pourtant, les arguments et le discours passent comme une lettre à la poste restante, et le plaisir est décuplé par ce remplissage des trous, qui n’a rien d’une excuse formulée à la hâte pour passer à autre chose.
Les RAMAGE INC. voulaient clairement faire oublier leur longue absence, en nous donnant une becquée consistante. Et une heure et vingt minutes de musique ont de quoi rassasier n’importe quel oisillon affamé encore lové au creux de son nid.
Si la qualité est une fois de plus au rendez-vous, la musique du quatuor (Bryan Ramage, Allan Forsyth, Marcin Buczek, Paul Hameed) est toujours aussi difficile à définir clairement. Metal atmosphérique, Metal progressif, Metal évolutif, Djent, Metal technique, Metal cinématique, les possibilités sont toujours aussi nombreuses et le choix impossible. Alors optons pour le principe du rasoir d’Ockham. RAMAGE INC. joue du Metal, et rien de plus ni de moins. Mais un Metal riche, roboratif, poétique, efficace et puissant. Et surtout, moderne sans être opportuniste, et suffisamment complexe pour intéresser les plus exigeants.
En écoutant ce cinquième album, on ne peut s’empêcher de penser à certains projets de notre canadien fou préféré Devin TOWNSEND. Le son de l’album, cathédrale sonore stable rappelle en effet les méthodes de production de Devin, avec ce mur du son et cette guitare épaisse comme un ciel d’automne, et les divers arrangements grandiloquents ne sont pas sans ranimer les souvenirs de Terria ou Ocean Machine. Mais à dire vrai, nous pourrions comparer Humanity Has Failed a beaucoup d’autres travaux, en évoquant KINGCROW, THE THIRTEEN SUN, THE KORDZ, FEAR FACTORY (pour ce downtuning en drop agressif), OPETH, avant de dire stop et de laisser la musique parler d’elle-même.
Formidablement bien construit, agencé comme une histoire/concept ayant intro et outro, ce cinquième longue-durée nécessite une attention particulière, et ne s’assimile pas en une ou deux écoutes. Il fourmille de détails (les chœurs évanescents sur le lourd et emphatique « Overexpansion » parlent pour eux-mêmes), il est truffé de plans simples mais parfaitement employés, et révèle sa richesse par petites touches.
Dès lors, armez-vous de patience, et affrontez le monstre en plusieurs fois. Vous apprécierez avec plus de facilité la fluidité incroyable de « Storm of Endings » et sa mélodie orientale qui dégénère en explosion des sens. Vous encaisserez avec plus de résistance la violence crue de « Nothing to Fear » qui hurle sa colère comme un oracle son dernier avertissement.
Et vous découvrirez l’incroyable château de cartes qui juxtapose pas moins de quinze étages tout en donnant le sentiment de n’être qu’un petit hôtel modeste.
Le plus simple est certainement de pointer du doigt la magnificence de « When All the Lights Go Out », obscurité ambitieuse et parfaitement inscrite dans la pénombre Progressive/Djent, dont les dix minutes nous entraînent dans divers univers parallèles sans même promettre de nous ramener intacts. Mais le reste du répertoire, de proportions plus raisonnables cache des trésors harmoniques, comme ce final « A Dream of Unity » qui use d’une mélodie spatiale à la 2001.
L’humanité a certes échoué, c’est indéniable, mais elle reste capable de nous faire oublier notre funeste destin de quelques notes. Cette symphonie sera peut-être une des dernières, mais elle nous permettra de nous éteindre en beauté.
Titres de l’album:
01. Fallen
02. Humanity Has Failed
03. Dune Future
04. Live Each Day
05. Heat Waves
06. Time Won’t Heal
07. Overexpansion
08. Storm of Endings
09. Nothing to Fear
10. Unbalanced
11. When All the Lights Go Out
12. Call of the Wild
13. Barriers
14. The Call for Klaatu
15. A Dream of Unity
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