Voilà qui commence bien la journée. Le retour de trois gros vilains malpolis, mal dégrossis qui ne considèrent la musique que sous son aspect le plus brut et rudimentaire. Mais…beaucoup plus intelligents qu’il n’y paraît au premier contact. Vous le savez, vous les connaissez, puisque Hungry as the Beast est déjà leur sixième album, et comme moi, vous les aimez. Je veux bien sûr parler des colombiens de WITCHTRAP, absents des radars depuis quatre ans, alors qu’à l’époque ils étaient déjà invisibles depuis cinq. On ne peut pas dire que la productivité les obsède, mais c’est tant mieux. Les choses rares sont précieuses.

Witchhammer (batterie), Burning Axe Ripper (guitare/chant) et Enforcer (basse, mais depuis 2003), secoués du bulbe depuis 1992 sont décidément des garçons charmants. Des hommes qui refusent toute forme de compromission, et qui respirent le Metal même au fin fond de la campagne. Après tout, ils ont chanté « Death to False Metal », et ils prouvent que cette philosophie n’est pas simplement là pour faire joli. Leur musique est toujours aussi agressive, sans fioritures inutiles, et basée sur des riffs simples et directs. D’ailleurs, « Built for the Kill » est l’ouverture rêvée pour une tournée à venir. Inspiration DESTRUCTION, le SLAYER de Show No Mercy, EXCITER, avec cette énergie incroyable hérité de RAVEN, pour un trajet mouvementé en camionnette accidentée.

WITCHTRAP s’excuse donc de son absence de la plus honnête des façons. En laissant parler la musique qui est toujours aussi unique. Huit morceaux, pour une grosse demi-heure, et des retrouvailles qui jouent la normalité. Inutile de se tomber dans les bras, puisque ces huit morceaux étaient exactement ce qu’on attendait d’eux. Rapides, graveleux, délicatement sataniques et paillards en mode moine aviné, mais précis, clairs, et évidemment entêtants.

Il est donc toujours aussi difficile de résister à ce power-trio qui a de faux airs de grand-frère un peu barge qui revient à la maison tous les quatre ou cinq ans prendre des nouvelles, et en donner sans discrétion. Un grand-frère qui débarque en plein milieu de la nuit en claquant les portes, et qui débarque dans votre chambre en hurlant un tonitruant « Heirs to the Power of Evil ». Le diable, encore, mais ce diable-là est plutôt un diablotin en culotte courte qui ne crache pas sur un brin de fantaisie.

Déjà sorti en avril dernier, Hungry as the Beast s’offre une renaissance estivale via les furieux de Hells Headbangers, qui s’offrent le grand jeu, avec format vinyle, tape et CD. De quoi se replonger dans cette étuve qui sent bon les saunas pour possédés qui évidemment ne portent pas de serviette. Tout ça sent le poil, la sueur, le cuir usé, le jean élimé, les amplis abimés, et les mines enjouées. On peut presque sentir le souffle des membranes sur la nuque, tant l’énergie déployée est puissante et concentrée.

Car loin des barbares Blackened Thrash qui jouent la bouillie comme un bébé capricieux, WITCHTRAP tient à sa propreté et à sa clarté. Ce qui nous permet de déguster des tranches de mort tartare sur « Satanism » et « Invocation », qui entre d’autres mains auraient sonné brouillons et mal dégrossis. Ici, les riffs de Burning Axe Ripper sont découpés avec soin, et la basse en circonvolutions d’Enforcer peut respirer comme un goret hors de sa soue.

Des soli clean, une attitude bravache mais les moyens des ambitions, WITCHTRAP continue son bonhomme de chemin en tant que représentant historique de la violence made in Colombie. On trace, on coupe à la machette, mais on essuie la lame pour qu’elle ne rouille pas. Tout comme les clous célébrés par ces trois hirsutes qui déambulent dans la mémoire collective comme un vieux fantôme sympathique qui sait faire claquer ses chaînes au bon moment.

Alors évidemment, la diversité en est encore pour ses frais. Sur ces huit titres, un seul s’autorise une modification du tempo, pour l’alourdir méchamment Heavy. C’est le bien nommé « Invocation » qui se traîne de sa lourdeur insistante, offrant la seule bouée disponible sur ce navire chahuté par les eaux extrêmes. Le reste ? Du Speed, du Thrash, du Speed/Thrash, et rien d’autre. Occasionnellement, quelques breaks viennent égayer un peu les débats, mais la plupart du temps, le valeureux Witchhammer cogne comme un bucheron, et fait des ronds sur ses toms et des bulles sur sa grosse caisse.

Que cette tendance ne vous rebute pas. Les riffs, calqués eux aussi sur le lot précédent, la voix monolithique et granuleuse, tout est compris dans le forfait, et fait partie d’une approche sincère. Battre le Metal tant qu’il est encore chaud, pour nous donner des suées et nous accrocher.

Le jeu en vaut la chandelle, et les WITCHTRAP font bien évidemment partie des meilleurs de leur catégorie. Et s’ils rotent un coup entre deux blagues vachardes, c’est tout à fait excusable.     

Titres de l’album:

01. Built for the Kill

02. Hungry as the Beast

03. Ruthless Aggression

04. Heirs to the Power of Evil

05. Satanism

06. Invocation

07. Cauldron of Abominations

08. Lightning Attack

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