Il y a les gros groupes, il y a l’underground, il y a le sud de l’underground, la masse grouillante, les laborieux, et puis ceux qui font leur truc dans leur coin, sans rien demander à personne, et qui méritent quand même un petit coup de pouce. Je vous rassure, mon humilité naturelle m’empêche de penser que je peux être l’accolade du destin dont je parle, d’autant plus que le groupe du jour n’a pas vraiment besoin de moi. Il s’est déjà fait remarquer par ses qualités naturelles dans son pays, mais pas sûr que sa réputation ait franchi les frontières. Ainsi, en France, et sans trop spéculer, je parie que peu d’entre vous ont déjà entendu parler des PAY PANDORA. Pourtant, en Allemagne, ce groupe a déjà obtenu quelques faveurs, des louanges, tenté sa chance et le diable pour sortir de l’anonymat. Ainsi, ils ont remporté les lauriers du meilleur nouveau groupe au Local Heroes Contest de 2016 (tremplin allemand bien connu des groupes locaux), avant que leur chanteuse, la sémillante Chiara, ne participe à l’édition nationale de The Voice et ne parvienne à faire se retourner les quatre jurés. Deux distinctions donc pour un groupe fondé en 2014, et qui en 2020 sort un album très séduisant, à base de classicisme Rock mélodique transcendé d’une légère énergie alternative nineties. C’est ainsi que Chiara Tahnee Lütje (chant), Thies Peters (guitare), Marek Brodersen (basse) et Tom-Ole Thomssen (batterie) vous offrent avec Hunt the Prey une jolie leçon de naturel musical et de décontraction harmonique, sans pour autant jouer les dilettantes. Les quatre musiciens sont pro, connaissent leur boulot, et le font avec passion, ce que ces onze morceaux prouvent de leurs refrains dynamiques et de leurs couplets sympathiques.
Sympathique, voilà un terme qui convient très bien au groupe. Leurs photos promo traduisent en couleurs des sourires francs et des poses naturelles, sans esbroufe. Ne comptez donc pas sur eux pour jouer les cadors ou les fiers à bras, puisque « Rain or Shine », le morceau d’intro pose les cartes sur la table. Un gros Rock tirant largement sur le Hard, aussi symptomatique de la vague Hair Metal des années 80 que de l’empreinte bluesy US de la décennie suivante, le tout joué avec l’envie d’un groupe européen des années 2000 très à l’aise dans ses baskets. Plusieurs choses frappent à l’écoute de Hunt the Prey. Sa production, très claire, ample, à la basse élastique et à la rythmique profonde. La voix, bien mixée est en avant mais pas trop, pour ne pas empiéter sur l’effort collectif. Ensuite, la diversité, le groupe est capable de passer d’une syncope typique à un délié harmonique avec une facilité déconcertante, permettant à chaque titre de se démarquer. Ensuite, la cohésion d’ensemble. Le quatuor semble cimenté, et on a souvent l’impression de l’entendre jouer dans la pièce à côté, avec le sourire bien sûr, et la volonté de ceux qui ont envie de tout casser, mais à leur humble niveau. Pourtant, les qualités ne manquent pas, spécialement du côté de Chiara Tahnee Lütje. Capable de passer d’un registre agressif à la Doro Pesch à des arabesques lui permettant de prétendre à un trône symphonique, la jolie rousse nous bouscule, nous cajole, monte en puissance, redescend en douceur, et s’adapte à tous les formats, de l’up tempo trépidant et purement Rock n’Roll (« Ignorance ») au groove suintant de feeling (« The Hunter and the Prey »), apportant une incroyable plus-value à des titres souvent classiques, même prévisibles, mais Ô combien efficaces.
Efficace et clean, voilà deux mots qui leur collent encore à la peau. En survolant tout le répertoire du Rock/Hard moderne, les allemands jouent la décomplexion, et lorsque Chiara scatte et rappe, personne n’est surpris, encore moins choqué. Archétype du bar-band dans toute la noblesse du terme, on imagine très bien PAY PANDORA en tournée d’ouverture d’un grand nom (ce qu’ils ont déjà fait en assurant la première partie de STATUS QUO), tant ils ont les armes pour séduire un public de salle comme des habitués déjà fans. En diversifiant au maximum leur approche sans nuire à la cohérence de leur musique, les allemands nous proposent donc un répertoire hétéroclite, basé sur des principes fondamentaux Rock boostés à l’énergie Hard, avec en étendard une bordée d’hymnes qu’on finit par chantonner dans sa tête (« Take Off »). Certes, rien de surprenant ne viendra interrompre l’écoute de Hunt the Prey, que le rythme soit sautillant et transcendé d’une cowbell ludique sur fond de vocaux puissants et investis (« Catch Me If You Can »), ou qu’il se voit plus martelé avec une ambiance plus tamisée (« Disaster »). Les idées ne manquent pas, les variations non plus, et on passe quarante-cinq minutes en excellente compagnie, parfois plus intimiste avec guitare acoustique et voix plus modulée (« Let Me Fall »), plus soft et cotonneuse en ballade amère et nostalgique (« Remember », qui suggère un mélange intéressant entre SLAUGHTER et DEL AMITRI), mais quelle que soit l’approche que vous aurez de cet album, vous ne pourrez pas être déçu. A moins d’attendre ce qu’il n’a jamais eu l’intention de vous donner : une nouvelle tendance.
Certes, tout ceci est médium, ne déroge jamais à la règle de l’équilibre et de la bienséance, mais loin de jouer le compromis global à tout prix, PAY PANDORA joue plutôt la sincérité. Et en final, « Good in Bad » nous offre la surdose dont nous avions besoin pour adouber le groupe, qui a décidément réussi le pari difficile de l’équilibre entre Rock bluesy et Alternatif happy. Une découverte vraiment sympathique, pour un groupe qui mérite les honneurs et la reconnaissance. Et ça fait un bien fou de tomber sur un album aussi traditionnel que Hunt the Prey, dans une époque rongée par les redites et la nostalgie lucrative. Ici, tout le monde est le bienvenu, et l’opportunisme n’est pas de rigueur. Et quelle chanteuse encore une fois !
Titres de l’album :
01. Rain or Shine
02. Drama Baby
03. Let It Burn
04. Ignorance
05. The Hunter and the Prey
06. Take Off
07. Catch Me If You Can
08. Disaster
09. Let Me Fall
10. Remember
11. Good in Bad
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