Le Black Metal rend-il plus intelligent ? La question peut ouvrir un débat intéressant, mais sans connaître la réponse à cette question incongrue, je peux affirmer que le Black Metal rend beaucoup plus exigeant. Et si le genre est brocardé régulièrement par des juges trop sérieux eu égard à son imagerie parfois grotesque, à ses productions qui n’en sont pas et de simples défouloirs Noisy, « au nom de l’éthique », et son univers en vase-clos où la solitude est souvent synonyme de prolixité stérile (oxymore, j’adore), il n’en reste pas moins que des centaines de groupes lui ont conféré ses lettres de noblesse, et continuent aujourd’hui à pousser plus moins l’expérimentation pour voir jusqu’où il est encore possible d’aller.
Il est assez amusant de commencer la chronique du dernier HYRGAL par un tel préambule. En effet, le groupe français a toujours été droit dans ses bottes, franc quant à ses intentions, sans soulever de controverses et autres billevesées de comptoir de festival aviné. Depuis sa première démo parue en 2008, le quatuor (C.F - chant/guitare, A.C - basse, R.S - batterie et M.N - guitare/chant) a changé de morphologie, mais pas de standards de qualité. Ainsi, je chantais encore ses louanges il y a deux ans à l’occasion de la sortie de Fin de Règne, album abouti, et deuxième du nom, qui a contrario de son titre laissait augurer d’une domination sans partage sur la zone traditionnelle d’un BM guerrier, étouffant, et polymorphe.
Mais - puisqu’il y en a toujours un - HYRGAL affronte aujourd’hui le challenge le plus difficile de sa carrière avec ce fameux troisième album, tenant plus du défi que de la simple continuité. Mais avant même d’écouter ce disque, en constatant le choix éponyme pour le baptême, on comprend qu’HYRGAL a voulu recentrer les débats sur lui-même et se livrer sans fard, sans arrangement tape à l’œil, et sans astuce de production malhabile.
Avec Hyrgal, le quatuor est donc nu, exposé, menacé, et pourtant terriblement serein. Evidemment, puisque sa démarche n’a pas vraiment changé, entre BM rapide et cruel et BM lourd et sentencieux, pour mieux se replonger dans la quintessence suédoise et norvégienne de l’orée des années 2000. Immédiatement, le nom connu de 1349 vient à l’esprit, pour cette manière d’alterner les ambiances, et de se laisser tenter par des écrasements malsains, propres à donner la nausée à des bouffeurs de charogne.
Sept morceaux, moins de quarante minutes de musique, pour garder l’impact tel quel et nous rentrer dans le lard sans aucune compassion. Toujours prompt à dégainer ses riffs les plus acides et malsains (« Serment de Sang »), HYRGAL a désormais sa trademark sur la scène française et européenne, et cette intelligence de brièveté leur permet de viser le haut du podium dans la course à la nostalgie la mieux adaptée à notre époque moderne. La seule inconnue de ce troisième album était son niveau de qualité, qu’on attendait entre l’excellence et la perfection. L’inconnue est désormais connue, et Hyrgal tape justement dans le mille, avec son agressivité incroyable, sa puissance démoniaque et sa production incroyablement effective. Du BM de tradition comme on aime en trouver, loin de l’avant-garde, des hybridations plus ou moins incongrues, sans saxo ni instruments hors-contexte, pur, dur, et toujours souligné de textes très riches et honorant notre belle langue.
De là, peu importe de savoir si HYRGAL est une vermine, une légende noire, une diablerie ou un serment de sang. Il est tout ça à la fois, créature des abysses écrasant les immondices de son pas lourd pour venir faire trembler la terre musicale de son parti-pris bestial. Froideur, précision, authenticité et sincérité, voici les qualités primordiales d’un troisième album faisant honneur aux deux premiers et à la réputation immaculée de noir du groupe. Je mets donc au défi les fans de Metal noir de rester de marbre face à la brutalité incroyable du crachat de bile amère « Fureur Funeste », et de ne pas tout envoyer valser dans la pièce en encaissant l’assaut impitoyable de « Au Gouffre ».
Les Hadès, le purgatoire, l’enfer, HYRGAL a tout visité et nous propose un journal pas si intime souillé de crachats, de toux de sang et autres réactions épidermiques inévitables. S’il est encore trop tôt pour placer l’album sur le trône, il est évident qu’il mérite toute notre attention tant il porte la patte de ses auteurs, exigeants, comme je le signalais en préambule. La lecture des textes pourra elle rendre plus curieux, et aiguiser la soif de culture, et donc titiller l’intelligence de l’auditeur. Et une fois les mots et la musique reliés, la symphonie prend toute son ampleur, et nous étouffe sous une chape de plomb d’une humanité à l’agonie.
HYRGAL sera toujours HYRGAL, tel un personnage shakespearien coincé dans un univers à la Lautréamont. La mort comme issue, la vénération d’idoles anciennes, et en étendard un Black Metal de première classe qui enterre la concurrence sous une épaisse couche de terre (« La Foudre puis la Nuit », hymne Black de cet été cramoisi). Je reste donc sur mes positions à l’encontre d’un groupe unique et pourtant classique, qui s’approprie une culture et un idiome pour en faire un univers personnel sombre, et un lexique abscons et poétique.
Encore une méchante réussite, et une raison de plus pour que les Acteurs de l’Ombre soient fiers des poulains maléfiques de leur écurie.
Titres de l’album :
01. Diablerie
02. Legende Noire
03. La Foudre puis la Nuit
04. Vermines
05. Serment de Sang
06. Fureur Funeste
07. Au Gouffre
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49