Comment parvenir à sortir de la masse en fusion des groupes de metal moderne fourmillant depuis quelques années en France ? Deux options s’offrent à eux, la première étant de faire parler de son groupe à tout prix, quitte à en faire trop. La seconde consiste à laisser parler les notes et chanter les cymbales, quitte à faire le juste nécessaire. C’est dans ce second panier que l’on pourrait aisément classer KERA, groupe parisien fondé en 2014 autour duquel sont venus se greffer deux membres récemment embauchés, Ryan Mc Haggis au chant et Florent Gerbault à la basse, afin de lui conférer une identité propre pour asseoir sa singularité. Après un premier EP promotionnel de 3 titres un poil plus directs préfigurant ce que sera la musique de son premier véritable album, voici que paraît Hysteresis en autoproduction.
Si le propos a quelque peu évolué, la trame reste quant à elle basée sur une matrice qui lui sied à merveille, un savant amalgame de death metal technique, très souvent progressif et parfois avant-gardiste, le tout servant un disque décrit comme concept-album. A noter qu’il faut parfois se méfier de ce que l’on peut hâtivement qualifier d’album conceptuel. N’est pas PINK FLOYD, MARILLION ou QUEENSRYCHE qui veut. KERA semble avoir parfaitement digéré ce principe en suggérant sa vision de ce que l’on qualifie de troubles psychiatriques avancés, délires paranoïaques et enfermement chimique ou physique. Si la thématique du désordre psychique n’est guère originale dans le milieu musical dans lequel évolue KERA, force est de constater que le propos se veut très personnel, l’emploi de la première personne du singulier laissant l’auditeur libre de suivre cette introspection abyssale ou non, tandis que la musique dans la grande tradition des albums conceptuels ne s’écoute que d’une traite, même si là encore le chaland est laissé totalement libre de s’introduire à sa manière dans les limbes musicales du groupe. Liberté semble être le maître-mot de ce Hysteresis. C’est d’ailleurs ce qui frappe d’entrée lorsque l’introduction du disque se fait entendre sur le bien nommé « Ouverture », cette volonté de briser les conventions bien établies dans un style musical souvent obtus, voire fermé, au discours façonné. Un arpège acoustique délicat survolé d’une guitare lap steel rappelle les grandes heures de DIRE STRAITS, avant l’explosion du premier titre, « Harbinger Of Doom ». On pense à DREAM THEATER ou OPETH sans que cela n’en devienne gênant. Un soin tout particulier est apporté aux arrangements discrets mais essentiels, s’agissant entre autres de cette basse prépondérante s’envolant plus souvent qu’à son tour vers la canopée crânienne, enveloppant notre for intérieur de barreaux d’une prision mentale d’où l’on ne veut surtout pas s’échapper. Un très grand plaisir de l’ouïe ! La spécificité de la musique de KERA se dessine dans cette combinaison entre grosses pêches ultra puissantes et moments nettement plus calmes et aériens, bien souvent acoustiques. Des alternances pourtant loin d’être uniques en leur genre. De fait, cela fonctionne fort bien mais la surprise n’en est que moins surprenante, si j’ose dire. Un travail à saluer est celui qu'est apporté aux guitares tant en rythmique qu’en solo, notamment sur « Silence » qui laisse planer l’ombre de DREAM THEATER (encore lui !) au milieu de ces mesures asymétriques réhaussées de ce que l’on devine être un chœur discret. Vraiment très réussi, d’autant que le break central tout en délicatesse (cette basse souple et affriolante !) est d’une troublante générosité malgré le minimalisme généré par les instruments. Seul bémol de ce titre par ailleurs très réussi, la partie speed où l’on sent le groupe moins à son aise, notamment Clémence Baler derrière son kit, par ailleurs responsable d’un travail titanesque. Rien de grave en soi mais une fluidité accrue sur les parties rapides renforcerait l’impact du propos, de sorte que le « poum /tchak » un peu fébrile serait susceptible de tailler dans le gras du bide avec une assurance appuyée. Pour le reste c’est du tout bon même si la bande à Petrucci demeure un peu trop présente par moment de même que celle des frères Duplantier. GOJIRA semble en effet avoir beaucoup tourné entre les oreilles des musiciens de KERA. Mais là encore rien d’alarmant. La voix se situe à mi-chemin entre les growls purement caverneux et le chant clair, saupoudrés par moment de vocaux plus foncièrement « in your face », type Lars Göran Petrov (ENTOMBED), presque hardcore. « Epiphany Of A Lunatic » est un très joli moment de cet album à classer parmi les bon crus de votre discothèque, avec son chant (très) légèrement habité comme pourrait le proposer SYSTEM OF A DOWN, notamment lorsque celui-ci se dédouble à la tierce façon Malakian/Tankian. Un disque vraiment très agréable à écouter, dont on pense avoir fait le tour à la première lecture mais qui révèle une foultitude de surprises et de subtilités dès l’entame de la seconde. Il vous est d’ailleurs chaudement recommandé de procéder à une écoute au casque. Vous redécouvrirez la luxuriance de cette musique majestueuse dont le verbe haut ferait rougir bon nombre de formations à l’international. Un titre tel que le plus mid-tempo « Sirens » n’est pas moins intéressant qu’un morceau de MACHINE HEAD, bien au contraire. Là où Robb Flynn et ses potes assènent à leur public un remake permanent de leurs œuvres (avec plus ou moins de réussites dans leurs aventures), KERA, bénéficiant d’une fougue toute juvénile, y va la fleur au fusil, avec la rage au ventre et la témérité inconsciente qui fait de lui un outsider des plus sérieux au poste d'un des leaders de la scène française, les atouts dans sa manche ne demandant qu’à être mis au grand jour. Signalons par ailleurs qu’un single très efficace a été tiré de cet album, « Compos Mentis », lorgnant pour sa part vers MESHUGGAH ou ARCH ENEMY, qui devrait ravir les amateurs de ces combos. Le sublime solo de guitare soutenu par une double pédale pas trop présente fera également son petit effet. Le final et dantesque « Silence (Slight Return) » montre tout au long de ses 7’42 l’étendu du savoir-faire des francilien. Tout y passe ou presque : calme, rage, vocifération, double pédale, mesures asymétriques, rythmes complexes, accélération, guitares à la tierce… Tout, on vous dit ! Tout ? Non. Un dernier mot sur la mise en son de l’objet, enregistré, mixé et produit par Arthur Heim, guitariste de KERA et Arnaud Condé tandis que le mastering a été réalisé par Acle Kahney (TESSERACT). Quant à l’artwork, particulièrement réussi lui aussi, sachez qu’il est signé Edouard Noisette / Siberius Art.
A titre personnel, j’aurais souhaité entendre un riff qui tue. Je m’explique. La musique proposée est d’une grande richesse, c’est indéniable et c’est heureux. Mais le vieux thrasher qui sommeille au fond de mon âme attendait un (seul !) riff qui vrille la tête sur une accélération furieuse, en vain. KERA affiche plutôt une succession de plans complexes, certes de très haute tenue et agencés élégamment, mais qui mériteraient parfois un coup de fouet bien senti. La simplicité doublée d’une surprise sautant à la gorge décuple l’efficacité. Mais c’est un tout petit détail égoïste et rabat-joie que j’éructe au milieu de ce déluge de compliments amplement mérités. On attend la suite avec impatience.
Track listing
1 - Ouverture
2 - Harbinger Of Doom
3 - Silence
4 - Sanity Fails
5 - Epiphany Of A Lunatic
6 - Sirens
7 - Delusion
8 - Compos Mentis
9 - Silent (Slight Return)
Je n'avais pas été vraiment convaincu par l'album précédent, trop gonflé aux hormones inutilement, là ça respire, ça pue le old-school à plein nez, ça sent l'achat !
29/03/2025, 07:54
On va peut-être vous ouvrir un sujet "La Géopolitique vue de ma fenêtre" dans le forum, ça pourrait vous être utile parce que je ne suis pas certain que ça passionne tout le monde tout cela....En tout cas, étant donné qu'il y(...)
28/03/2025, 17:07
28/03/2025, 09:03
"Oui, comme nous en France en 1914 quand nous voulions récupérer l'Alsace et la Lorraine. Rien de choquant pour moi."Ouais, rien de choquant. Cet idiot utile de Zelensky avait juste faite sa campagne en faveur de la paix.
27/03/2025, 20:46
"Poutine ne s'est pas levé un matin en se demandant ce qu'il pouvait faire ce jour-là, puis a décidé que d'envahir l'Ukraine, ce serait marrant"Ça c'est une certitude, pour Poutine l'Ukraine c'est la Russie. Po(...)
27/03/2025, 20:18
Et l'Ukraine n'a pas respecté les accords de Minsk, Zelensky déclarant même vouloir récupérer le Dombass par n'importe quel moyen.C'est un peu plus compliqué que les Russes ont envahi l'Ukraine (Poutine ne s'est pas lev(...)
27/03/2025, 19:36
Génocide ou pas, il y a un pays qui en a envahit un autre (du moins il essai hu hu). Point barre. C'est pas plus compliqué que ça. Si on cherche à justifier ou excuser ça, le monde va devenir un enfer total (plus qu'il ne l&apos(...)
27/03/2025, 16:49
Je ne vois pas pourquoi les fans Russes du groupe devraient pâtir de la politique de POUTINE et être privés de les voir en live. La prochaine étape c'est quoi ? obliger tous les groupes à arborer un drapeau ukrainien ?
27/03/2025, 15:53
Ce que tu fais MorbidOM, c'est une généralité pour tout un peuple. Marrant, quand on fait ça avec un pays d'Afrique ou du Moyen-Orient, on est aussitôt taxé de "fachos"...
27/03/2025, 10:22
27/03/2025, 06:02
Il me semble que lorsqu'on parle de “désukrainiser” l'Ukraine on est pas loin d'une logique génocidaire.Après mon jugement est peut-être influencé par les massacres de Boutcha ou la déportation de dizaines de milliers d&ap(...)
26/03/2025, 20:47
J'aime beaucoup Céleste mais il était en effet d'une bêtise incommensurable que de faire telle tournée. Après, il ne faut pas se plaindre des conséquences, assez cohérentes avec les vives tensions géopolitiques actuelles.Apr&egr(...)
26/03/2025, 16:53
MorbidOM qui critique ( à juste titre ) les donneurs de leçons... mais tout en endossant lui aussi le rôle de donneur de leçons !!
26/03/2025, 14:33
La Russie organise un génocide ? Il faut faire attention aux mots qu'on écrit parfois.
26/03/2025, 13:42
Merci oui c'était bien eux. J'avais beaucoup aimé leur prestation sans donner suite, c'est l'occasion de se rattraper.@Buck Dancer : sur Reign of infinite je trouve également.
26/03/2025, 13:37
Pour une fois je soutiens complètement les festivals qui ont autre chose à faire que de se farcir ce genre de polémique. Ça n'a rien à voir avec exhumer des paroles volontairement provocantes écrites il y a 20 ans. Et puis on parle quand (...)
26/03/2025, 11:24
Z'ont qu'à également organiser une tournée en Ukraine et y'aura un-partout-balle-au-centre...CQFD.
26/03/2025, 08:33