Les Internets. On n’en parle souvent et c’est devenu une private joke mondiale. Il faut dire qu’avec Youtube nous sommes servis depuis les années 2000, sans compter que la TV, avec un train de retard comme d’habitude n’est jamais la dernière à nous tenir au courant des derniers phénomènes à la mode. Phénomène. Voici un terme qui convient parfaitement à la jeune demoiselle dont je vais vous parler aujourd’hui, qui est en quelque sorte le parangon de cette gloire virtuelle qui voit les fans remplacés par des followers. Puisqu’on n’aime plus un artiste, mais on le like, puisqu’on n’achète plus ses œuvres, on le suit, autant se mettre à la page, quoiqu’elle soit toujours tournée à un moment donné…Sauf si vous avez un vrai talent. Les stars ayant émergé du Net sont légion en 2020, de Justin Bieber à Carly Rae Jepsen en passant par Shawn Mendes ou Timeflies, le mouvement ayant semble-t-il épargné notre musique de prédilection qui ne se satisfait que très rarement de gloire virtuelle. Mais comme personne n’est à l’abri d’un accident, la donne risque de changer. Ce qui n’épargne pas le public Metal par contre, c’est sa méfiance et sa défiance face à des artistes mainstream s’aventurant en terre distordue, encore plus lorsque les dits artistes sont d’abord façonnés par une maison de disque ou un designer futé. On le sait, le hard-rockeur de base n’a que peu d’affection pour les pauvres BABYMETAL, qui sont devenues les têtes de turc/renard préférées des puristes, alors, soyez heureux mes chers haters au moment même où les kawaii sisters deviennent presque légitimes, tout du moins passées de haine. J’ai un nouvel épouvantail à vous proposer, une cible de fléchette plus sexy qu’une lolycéenne asiatique en culotte et socquettes, le genre de fantasme inavouable de vieux pervers libidineux sevré au Heavy allemand. Please welcome POPPY, votre nouvelle girouette qui tourne plus vite que le vent et qui aujourd’hui, pointe (sans mauvais jeu de mot sale et lubrique) dans votre direction. Ne bavez pas encore, laissez-moi parler d’abord.
POPPY, c’est un peu la next big thing you’d love to hate. Une jolie petite poupée sortie des arcanes de la toile, une nymphe un peu barge mais terriblement intelligente, une V3.0 des Teen singers Us des années 90 et 2000, le genre de gamine qu’on s’attend à voir débarquer dans une série estampillée Disney barrée Candle Cove sous acide. J’en suis conscient, mon discours ne va pas sembler intelligible aux moins concernés, mais l’image est forte, et adaptée. Avant d’en arriver à parler d’elle dans un webzine Metal, se sont écoulées quelques années qui lui ont permis d’asseoir son règne de nouvelle starlette de la Pop ultra sucrée, chargée en marguerites parfumées et petits lapins roses. Car I Disagree mine de rien, est déjà le troisième long format de la belle Moriah Rose Pereira (non, désolé, elle ne s’appelle pas vraiment POPPY en fait), LE fameux troisième album qui doit confirmer ou infirmer le talent éventuel. Sauf que comme Moriah ne fait rien comme tout le monde, ce troisième album n’a pas grand-chose à voir avec les deux précédents, à quelques exceptions près. Nous avions plus l’habitude de voir la jolie blonde renifler des fleurs et caresser de mignonnes petites biches, sauf qu’à l’instar de Britney, elle a choisi de devenir une bitch. Enfin, musicalement parlant, n’allez pas choper une crise de priapisme même si elle a changé subtilement son image. Fini le kawaii poussé à l’extrême, ou presque, bonjour la pochette un peu glauque à la MASS HYSTERIA dans un donjon californien, et surtout, bonjour les guitares distordues au maximum, les ambiances sombres, et le virage à 180 degrés. Et de fait, le résultat surprend, et ne manquera pas de donner des haut-le-cœur aux fans les plus sincères d’un Metal formel. Car POPPY, comme son nom l’indique, ne renoncera jamais à la Pop. Sauf que désormais, et pour le moment, elle aime y ajouter un peu plus de Rock, d’Indus light, d’Alternatif provocant, histoire de faire genre. Et miraculeusement, inexplicablement, incompréhensiblement, ça fonctionne. Pas tout le temps, mais la plupart. Alors oui, vous allez pouvoir détester une nouvelle jeune fille, et ça, ça n’a pas de prix.
Comprenons-nous bien, au-delà de l’aspect mercantile et marketing, la musique de I Disagree est futée, très futée. Comme l’artiste qui se cache derrière ce pseudo et ces costumes roublards. On ne devient pas forcément une star du Net sans raison, en tout cas, pas sans un certain flair et un panache assumé dans l’excès. Et comme d’habitude, dans tous les cas, lorsque POPPY fait quelque chose, elle le fait à fond. Lorsqu’elle est gentille, elle sauve des chatons, lorsqu’elle est méchante, elle fouette des vieux cochons. Mais son album une fois encore, est terriblement dans l’air du temps. Si Am I A Girl s’interrogeait gentiment sur les questions d’identité, de célébrité et de changement climatique, I Disagree se recentre sur l’essentiel et questionne, encore. Il questionne tous les vilains qui n’aiment pas les jeunes blondinettes (« Je ne suis pas d’accord avec la façon dont vous me mettez la pression/ Je ne suis pas d’accord sur la façon que vous avez d’échouer à me faire plaisir »), mais aussi la capacité des hommes à s’offrir un monde meilleur (« Si vous pouviez tous voir le monde comme je le vois/Alors peut-être pourrions-nous vivre en harmonie »), et son message se veut symptomatique d’une jeune femme de vingt-quatre ans qui s’étonne à moitié de sa gloire, mais qui aimerait quand même en profiter. Et elle le mérite, parce que l’un dans l’autre, on ne se retrouve pas sur un label comme Sumerian Records par hasard ou parce qu’on porte bien le maquillage. Un label qui a épaulé BODY COUNT ou DILLINGER ESCAPE PLAN n’est que peu porté sur les feux de paille, et préfère suivre la route de la qualité. Bonne pioche, bon choix, cet album en est justement un bon exemple.
Parce que derrière les gimmicks, derrière les messages un peu lénifiants, POPPY est sans aucun doute l’artiste la plus excitante apparue depuis CHELSEA WOLFE ou MYRKUR. Non que je compare les trois eut égard à leur genre, mais admettons leur monde à part et leur propension à ne rien faire comme les autres. Et sincèrement, si vous avez déjà entendu un truc comme « Concrete », jetez-moi le premier chamallow ou le premier ours en peluche. Ce morceau d’ouverture se paie le luxe de sonner consécutivement Indus, Nu Metal, purement Pop bubble-Gum, et Rock à la fois, avec force arrangements électroniques, riffs velus, double grosse caisse compressée, et rappellera évidemment les BABYMETAL, signant le générique d’un manga encore plus barré que Ranma ½. Ok, « BLOODMONEY » sonne comme un leftover de KORN période dubstep, chanté par une des filles des musiciens. Et alors ? Ça tape en pleine gueule et ça laisse des souvenirs plein les oreilles, et que demande-t-on de plus ? « Bite Your Teeth » réconcilie les FEAR FACTORY et Nicole Dollanganger, en passant par MY RUIN. « Nothing I Need » est aussi Pop qu’un bisou entre Mandy Moore et Christina Aguilera. Mais c’est mignon. « Sit / Stay » ferait danser les fans des APPOLO 440 même sur un tapis de charbons ardents. « Don't Go Outside » est le genre de ballade cristalline bizarre qui fait les grandes conclusions en queue de poisson (surtout si l’on considère qu’elle est défigurée par un énorme riff 80’s en plein milieu et par un final à la Devin TOWNSEND).
Mais c’est quoi au juste tout ça ? Un machin sans queue ni tête assemblé au hasard, par pure provocation ou sens d’acuité du marché virtuel ? A vrai dire, on se fout complètement de savoir ce que c’est, ou de savoir combien de metalleux vont transposer leur haine de BABYMETAL à elle. Puisque le premier vecteur d’appréciation d’une œuvre, c’est sa capacité à déranger et à bousculer. De ce côté-là, pas de souci, POPPY a tout compris. Vous peut-être moins par contre.
Titres de l’album :
01. Concrete
02. I Disagree
03. BLOODMONEY
04. Anything Like Me
05. Fill the Crown
06. Nothing I Need
07. Sit / Stay
08. Bite Your Teeth
09. Sick of the Sun
10. Don't Go Outside
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