En termes de Black Metal, l’image est au moins aussi importante que le son. Et sans vouloir résumer la problématique à quelques éléments superficiels, il suffit parfois de regarder la pochette d’une œuvre ou les photos promo d’un groupe pour en savoir plus sur leur démarche. En prenant le cas des WESENWILLE, l’imagerie frappe les yeux bien avant que la musique n’atteigne les tympans. Photos noir et blanc, poses étudiées, décor choisi, esthétique léchée, il ne faut pas être bien malin pour comprendre que nous avons affaire à des artistes à part, qui désirent plus que tout s’éloigner des poncifs les plus éculés du genre. Ne comptez donc pas sur eux pour poser en habit d’apparat (clous, cuir, poses grotesques) dans une quelconque forêt allemande ou norvégienne, ces deux musiciens valent mieux que ça et le savent. N’y voyez pas de prétention déplacée, et de mépris envers les images d’Epinal les plus gravées dans la mémoire des fans d’extrême : les WESENWILLE cherchent juste autre chose qu’un Halloween facile et factice, et se posent en héritiers reconnaissants, mais désireux de faire fructifier le legs sans trahir la foi d’origine.
En utilisant la photo « Wall Street » frappée du sceau 1915 de Paul Strand, et en posant sur des carrelages époque Art Déco, les deux membres du groupe plantent LEUR décor, et aménagent la vue pour que l’ouïe s’adapte sans avoir à faire d’effort. Malgré leur nom qui semble suggérer une nationalité allemande, les deux musiciens formant le concept WESENWILLE (R. Schmidt - composition, textes, guitare, basse, voix, D. A. Schermann - batterie) viennent d’Utrecht, aux Pays-Bas. Certes, les deux pays sont frontaliers et partagent une culture commune, mais cette spécificité à son importance dans l’équation. Alors que souvent, le BM germain se vautre dans le stupre bestial et martial ou se pourlèche les babines d’une expérimentation poussée, les hollandais choisissent le mi-chemin, et nous proposent une musique certes légèrement élitiste, mais appréhendable par les fans lambda qui ne désirent pas se creuser la tête pour rien. Et si trois ans après leur premier long défendu par Redefining Darkness les deux complices reviennent par la porte française des Acteurs de l’Ombre, on comprend assez rapidement que Gérald a accueilli chez lui un groupe qui s’y sentira parfaitement bien.
D’ailleurs, le label historique n’hésite pas à comparer WESENWILLE à des valeurs établies comme DEATHSPELL OMEGA, IMPERIAL TRIUMPHANT, ULCERATE ou SVART CROWN. Mais prenez plus ces comparaisons comme base d’analyse, puisque le BM des deux hollandais n’a pas grand-chose à voir dans son entièreté avec les approches de ces références. Nominativement, WESENWILLE tire son nom de l’ouvrage de Ferdinand Tönnies, Gemeinschaft & Gesellschaft, dans lequel il est décrit comme la volonté naturelle qui pousse les communautés vers un but unique et s’oppose à un désir plus rationnel et égoïste, prédominant dans les sociétés plus conséquentes comme celles où nous vivons aujourd’hui. Musicalement, les originaires d’Utrecht trouvent le point de jonction le plus parfait entre le BM moderne aux aspirations artistiques rigides, et celui des origines européennes, plus viscéral et immédiat. Cette moyenne de violence n’évite évidemment pas les débordements rythmiques, et lorsque D. A. Schermann donne le tempo, R. Schmidt impose ses riffs les plus crus, mais aussi les plus rigides et incompressibles. La musique du groupe dégage donc une dualité de chaleur/froideur tout à fait fascinante, qui permet à des motifs dissonants et stridents de se faire une place dans le déluge de violence ambiant.
Produit par JB van der Wal (DOOL, LUGUBRE, ex-ABORTED), II : A Material God se rapproche donc de l’esthétique de cette photo de couverture, nous montrant un immense immeuble de béton et quelques passants anonymes et chapeautés dont le mouvement flou indique le degré d’urgence. Wall Street, en 1915 n’a donc pas l’image de 2021, mais l’attraction et la fascination que cet ensemble boursier génère est toujours le même. Le BM de ce second album s’accorde donc de cette absurdité qui pousse les hommes vers l’avant d’un précipice, mais aussi de la triste réalité capitaliste qui domine encore les échanges humains dans notre société moderne. Et c’est pour se satisfaire de cette comparaison que les huit titres de cet album adoptent diverses inflexions, faisant des allers retours dans le passé et le présent pour comparer les évolutions musicales et sociétales.
Evidemment conceptuel, II : A Material God n’en est pas pour autant élitiste. Il peut faire penser à une dérivation sur l’école de pensée du Bauhaus (impression qu’accentuent les photos promo), prônant une modernisation dans la prolongation de la tradition, ce que « The Descent » semble incarner plus qu’aucun autre titre. Le nom de MARDUK pourra venir à l’esprit, celui des dernières années, qui substituait à la véhémence la plus crue des ambiances dissonantes et malsaines. Mais plus que malsain, le BM de WESENWILLE est intelligent et froid. Il est attentiste dans sa prise de position, ne choisissant d’autre camp que le sien, mais aussi activiste dans les mouvements. Evitant le surplace et le statisme gênant, et la violence comme seul argument de discussion, il entraîne l’auditeur dans une logique de mise en place qui peut éventuellement s’apparenter à un labyrinthe clairement dessiné Art Déco dans un hôtel quelconque des Pays-Bas. « Opulent Black Smog » évoque d’ailleurs bien les déambulations d’une clientèle perdue dans les couloirs d’un bâtiment anonyme, l’expression figée à la Resnais de Marienbad, avant d’accélérer les choses pour provoquer des réactions.
Utilisant des effets épars et sobres, l’album ne repose donc pas sur des gimmicks, mais se sert de quelques passages narrés pour accentuer cette sensation de perdition dans un monde moderne qui n’est que le prolongement de l’ancien. Le très sournois « Ritual » en est d’ailleurs la constatation, tandis que « A Material God », en bon title-track qui se respecte déballe la colère comme d’autres les affaires sortant des valises.
Il n’y a pourtant pas grand-chose d’inhabituel dans cette démarche, ce qui nous empêche de classer cet album dans les rayons encombrés de l’avant-garde, à son avantage. Entre les dissonances appuyées et les quelques mélodies maladives qui jonchent les pistes, les nombreuses accélérations fulgurantes, et les cassures habilement amenées, II : A Material God n’est pas vraiment une expérience sensorielle, mais plus un constat. Celui qui consiste à réaliser qu’aussi moderne le Black Metal se veut en 2021, il aura toujours besoin de son passé pour se justifier et exister. WESENWILLE l’a très bien compris, et ne prétend pas se déconnecter de la réalité. Juste en proposer une autre, légèrement différente, la sienne, qui vous offrira un point de vue plus global sur la crédibilité d’un style qui n’a de cesse de se renouveler sans se trahir.
Titres de l’album:
01. The Descent
02. Opulent Black Smog
03. Burial ad Sanctos
04. Inertia
05. Ritual
06. A Material God
07. Ruin
08. The Introversion Of Sacrifice
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49