Lorsque tu reçois un mail de Sentient Ruin, tu ne fais pas le malin et tu le lis. Généralement, la lecture est instructive et débouche sur l’écoute d’une nouveauté qui va retourner tes tripes, puisque le label DIY d’Oakland n’a pas pour habitude de louer ses services de distro et de promotion au premier clampin venu à peine capable de maîtriser le feedback.
Alors, lorsque les rois de la torture auditive m’ont convié à jeter une oreille au premier long des Japonais de FRIENDSHIP, je n’ai pas vraiment hésité.
Grand bien m’en a pris une fois de plus, puisque la dernière fois que j’ai éprouvé des sentiments aussi contraires et épidermiques, c’était à l’occasion de la collaboration entre les FULL OF HELL et MERZBOW. Sauf qu’en ce cas précis, il ne s’agit que d’une collaboration entre un groupe et lui-même, et que le résultat est encore plus impressionnant en termes d’intensité et de sauvagerie.
Les FRIENDSHIP, aussi connus sous l’appellation FRIENDSHIP COLLECTIVE viennent de la préfecture de Chiba, à l’ouest du Japon, et sont sans doute l’un des collectifs les plus effrayants de l’île en termes de fracture musicale extrême et de parallèles troublants entre bruitisme excessif et lourdeur emphatique.
Evoluant dans un contexte entremêlant le Powerviolence le plus cru, le Grind le plus dru et le Sludge/Doom/Noise le plus abrupt, les japonais osent le paroxysme constant, et le jeu de dupes en montagnes russes, histoire de vous peser sur l’estomac et les oreilles sans vous faire rendre vos tripes.
Si leur label aime à les comparer à une multitude d’artistes aussi ressemblants que différents (NAILS, COLUMN OF HEAVEN, MAN IS THE BASTARD, IRON LUNG, HATRED SURGE, SWANS, GODFLESH, CORRUPTED, NOOTHGRUSH, et DYSTOPIA), ça n’est pas dans un but promotionnel ou de négation de leur propre identité, mais dans un désir de placer des balises aussi vagues que précises pour tenter de cerner le mystère de leur bruit blanc et intense, qui défie toute comparaison.
Pas grand-chose à dire à propos du groupe lui-même, les informations ne courant pas la toile, D’ailleurs, même leur site officiel joue les Arlésiennes en renvoyant vers trois liens externes dans la rubrique « About », ce qui en dit long sur la volonté des FRIENDSHIP de laisser parler la musique avant la légende.
Tout ce que je sais de source sûre, c’est que I&II, ce premier LP, est en fait l’accolage des deux précédents EP du groupe, très logiquement intitulés I et II, qui aujourd’hui se voient réunis au sein d’un même packaging, décliné en CD, en tape et en vinyle, pour le plus grand bonheur des collectionneurs de l’extrême.
Et croyez-moi, leur musique l’est, et même beaucoup.
FRIENDSHIP en substance, c’est l’épitomé du chaud/glacé soufflé en alternance, et sans modération. Les douze pistes de ce LP sont en constante opposition entre des passages d’une rare vélocité et violence, et des cassures sèches et nettes tombant dans le Sludgenoise le plus intense. Un peu comme si les NAILS et les SLABDRAGGER s’étaient partagé le travail de composition et d’enregistrement à parts presque égales, puisque visiblement, les japonais semblent avoir une affection très particulière pour tout ce qui est excessivement lent et dissonant.
Mais lorsqu’ils se décident à verser dans l’abus de BPM et de stridences, le résultat est aussi assourdissant que ce fameux album collaboration entre les FULL OF HELL et MERZBOW, auquel ce I&II peut être comparé partiellement.
Même tendance à agresser l’auditeur en permanence, à la différence près que les FRIENDSHIP ont vraiment travaillé leur côté lourd, et que leurs dissonances ne deviennent jamais but, mais un moyen.
Provoquant délibérément un schisme entre les philosophies Grind et Sludge, les japonais osent la collision suprême entre les lancinances d’un Sludgecore vraiment lourd et nauséeux, et les brutales poussées d’intensité du Powerviolence le plus brutal.
Ceci aboutit à une expérience hors du commun, un peu comme si vous vous trouviez dans le cockpit d’un avion de chasse qui multiplie les piqués en vrille, les soudaines remontées fulgurantes, pour ensuite planer à trois G sur une distance raisonnable. Loin d’une séance de torture de la proverbiale goutte d’eau, I&II est au contraire une succession incroyable de coups fatals portés en pleine face, et de phases d’attente dans la douleur de la prochaine vague d’attaque ultraviolente.
Et ce mélange atteint ici une perfection sadique, puisque loin de se contenter de juxtaposer des morceaux antagonistes, les FRIENDSHIP assument cette structure ambivalente au sein d’un même titre, histoire de tester votre résistance à la vilénie rythmique jusqu’au bout.
Evidemment, certaines entrées privilégient la lourdeur et insistent bien dessus («T.R.O.Y », qui fond dans le même creuset les inspirations les plus nauséabondes des SWANS, de PRIMITIVE MAN, des FETISH 69, tout en prenant soin d’y insérer en chausse-pied quelques inserts Crust aussi graves et plombés que ceux utilisés par les WORLD NARCOSIS), tandis que d’autres jouent la « subtilité » et le contraste (« Compton », horrible litanie de plus de quatre minutes qui ose introduire le Hardcore sale et urbain des UNSANE et la basse énorme des KILLING JOKE dans un cauchemar sonore à la NAILS).
Le son est bien évidemment à la hauteur des intentions néfastes, et fait la part belle aux fréquences les plus profondes, s’approchant parfois d’un Drone/Doom abyssal et glaçant.
Mais les FRIENDSHIP sont décidément des petits malins pas vraiment complaisants, qui jonchent leurs assauts de titres courts et lapidaires (« Jerusalem », Grind furieux, « Law », strident et blasté au maximum), et définissent eux-mêmes les contours de leur dogme (« Abuse », en effet, mais quelle rythmique énorme !).
Ils se prétendent faussement branchés (« Hype », Crust, D-Beat et Sludgecore en attaque sournoise), et finissent par avouer en toute franchise que leur musique est un puits de douleur sans fond (« Bottomless Pit », qui repousse la pression de la pesanteur à vous en disloquer les épaules).
Une fois encore, les esthètes de Sentient Ruin ont frappé à la bonne porte pour démarcher des artistes qui n’ont de cesse de repousser les frontières de la brutalité, tout en restant sur le terrain de la qualité. Ici, le bruit et la vitesse ne sont jamais gratuits, mais se veulent à l’image de la vie.
Cruelle, passant très (trop) vite, et vous étourdissant de coups du lapin du destin pour mieux tester votre patience et votre abnégation.
FRIENDSHIP, avec I&II définit les reliefs de la véritable amitié. Celle qui ne vous épargne pas de la réalité, mais qui vous la montre telle quelle.
Horrible, mais fascinante.
Titres de l'album:
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