Encore du Post Hardcore ? Je serais tenté de dire, « à nouveau », puisque si la production reste dense et les groupes du cru intenses, je n’avais pas abordé le sujet depuis longtemps, de craindre de ne plus avoir grand-chose à en dire. Le genre étant si hermétique et si libre à la fois, qu’il peut contenir n’importe qui, et surtout n’importe quoi – et par extension pas mal de scories et autres déchets – et qu’il devient de fait extrêmement difficile d’en parler sans tomber dans la redondance. Et surtout, j’étais devenu méfiant à ce sujet, commençant à croire que le style tournait en rond, par facilité, et excès de complaisance de la part de musiciens désireux de sortir un produit à bon compte, sans faire évoluer la question. Une reste en suspens, peut-on encore s’affilier au Post et proposer un discours sinon neuf, du moins partiellement inédit, et propre à intéresser ceux qui un jour ont trempé le pied dans les eaux bourbeuses des NEUROSIS et autres CULT OF LUNA ou ISIS ?
Problématique ardue, que les polonais de GUANTANAMO PARTY PROGRAM ont éludée depuis leurs débuts, préférant se concentrer sur une musique personnelle, et performante. Nous avions déjà eu droit de leur part à deux albums complets (I et II, faisons simple), ainsi qu’une bonne poignée de splits, qui avaient achevé de nous convaincre de leur différence, mais aussi de leur puissance. Toujours dotés d’une production spectaculaire et assourdissante, Darek (chant), Wojtek & Łukasz (guitares), Grzesiek (basse) et Kuba (batterie) avaient taillé leur route sans hésitation, au point de s’affirmer comme une valeur montante depuis leur création en 2006. Et cette ascension semble aujourd’hui connaître un pic, sans que nous puissions affirmer que les originaires de Wrocław tournent désormais à plein régime et risquent de bientôt manquer d’oxygène.
Première constatation sur III, le son est encore plus épais que d’ordinaire, et sert admirablement bien la nouvelle optique d’épuration, qui s’est débarrassée de tout ornement superflu pour se concentrer sur l’efficacité. Certes, GUANTANAMO PARTY PROGRAM n’a rien perdu de son opacité/complexité, mais a mis la pression sur des ambiances de plus en plus oppressantes. La rigueur des riffs est parfaitement admirable autant qu’inquiétante, tandis que la frappe rythmique a gravi un cran dans la maltraitance des tempi, cognant de plus en plus sourdement sur une machine blanche. En résulte un album beaucoup plus cohérent, sans aller jusqu’à parler de concept, bien que les thématiques soient toujours liées d’une façon ou d’une autre. On reconnaît là la fameuse patte dite du « troisième album », le plus critique dans la carrière d’un groupe, et reconnaissons aux polonais de l’avoir franchie avec un brio extraordinaire. Tout ici suffoque, exhale un parfum de carbone encrassant des poumons à l’agonie, des motifs de guitare circulaires qui planent avant de partir en piqué, aux arpèges distordus en reflet de miroir de foire, jusqu’au chant de Darek, qui s’époumone de façon tragique, pour mieux souligner le caractère cathartique de compositions recentrées sur l’effet. Celui-ci est immédiat, et patent dès « 05-50 », qui du haut de ses presque six minutes annonce de sa progression toutes les composantes à suivre. Fluidité des plans, complémentarité des idées, osmose globale, tout est en place, même si cette entrée en matière garde encore sous le coude la surprise d’une bourrasque à venir.
Cette bourrasque vous soufflera dans les bronches sur « 04-46 », qui ne cherche aucunement à cacher ses mauvaises intentions, en lâchant le son de basse le plus tonitruant depuis les premiers SWANS, dans un déluge de plomb de cordes à faire se pâmer les FULL OF HELL. Mais point question de Noise ici, tout reste musical et guidé par des mélodies parcimonieuses, qui permettent encore de rattacher le groupe au wagon du Post Hardcore violent, mais maîtrisé. On pense même à une version apocalyptique d’un HELMET traumatisé par la scène Hardcore moderne, mais qui n’aurait rien perdu de sa légendaire précision. Parfois même plus proche d’un Metal vraiment asséché que d’un Post respecté, III montre bien des visages, et efface même les traces sur le miroir pour ne pas être suivi de trop près.
De temps à autres, le groupe s’aventure en terre plus fertile, comme sur ce « 05-37 » que les TENGIL auraient pu partager avec le NEUROSIS le moins complaisant, en tissant une trame mélodique facilement mémorisable, qui ne peut toutefois s’empêcher de verser par intermittences dans un Sludge vraiment maladif. Des albums comme Times Of Grace ou A Sun That Never Sets reviennent en mémoire, et la basse gigantesque de Grzesiek ne nous contredit guère, en adoptant des figures de style assez écrasantes, à l’instar d’un Dave Edwardson en pleine possession de ses moyens.
Les itérations font bien sûr partie intégrante du processus, mais n’en constituent pas forcément le fondement. Le quintette laisse souvent ses inspirations s’épanouir d’elles-mêmes, ce qui nous donne de petits bijoux de construction et d’évolution naturelles comme « 04-03 », qui une fois encore, suggère directement l’héritage d’un NEUROSIS avoué. Mais si le parallèle est indéniable et fondé, le plagiat ne pointe pas pour autant le bout de sa facilité. GUANTANAMO PARTY PROGRAM met la pédale douce sur les dissonances, qui sont intelligemment utilisées pour tendre l’ambiance (« 05-45 »), mais qui ne prennent jamais l’ascendant sur les trajectoires linéaires. La logique est respectée, et même si l’on devine souvent quel plan va succéder à quelle idée, le niveau instrumental et créatif est suffisamment élevé pour rassasier tous les amateurs d’amplis poussés à fond, qui ne cachent pas les défaillances de culot.
J’en conviens, tout ceci donne parfois l’impression d’avoir déjà été entendu, mais impossible d’éviter ce problème dans une configuration aussi extrême. Mais le bel équilibre entre Post et Sludge est vraiment aussi lourd que mélodieux, et aussi douloureux que délicieux, et offre des possibilités non négligeables, illustrées par le final « 05-01 », qui ouvre des pistes qui s’annoncent assez intéressantes. Plus foncièrement Sludge, cette conclusion tombe à pic pour nous titiller à vif, et nous donner envie de réitérer tous les compliments formulés à l’égard de II, qui prévoyait déjà des lendemains plus ouverts.
Tout n’est certes pas imperfectible, mais le sommet atteint par III culmine quand même à de sacrées hauteurs. Il domine donc des compositions et de l’instrumentation quatre-vingt pour cent de la production actuelle, qui se contente de collines à la mesure raisonnable. Ici, on a su le rester, mais avec ce qu’il faut d’insolence pour frapper l’imaginaire d’un public lassé de cordées trop usées pour ne pas lâcher.
Titres de l'album:
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21/11/2024, 08:46
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