L’avantage avec PRIMITIVE MAN, c’est qu’on ne risque pas de regretter un lundi au soleil. Avec eux, c’est vraiment quelque chose qu’on ne voit jamais, tout comme un mardi, un mercredi ou un dimanche. PRIMITIVE MAN, c’est la vie en noir et blanc, avec un tout petit peu de blanc pour mettre encore plus en évidence les ténèbres, une sorte de thérapie inversée pour déprimés chronique, en leur donnant raison, et leur affirmant que la vie n’est qu’un tas de merde, un passage obligé qui n’offre que souffrance et désillusion, une méthode radicale et anti-musicale pour perdre ses dernières illusions ou confirmer ses traumas les plus profonds. Oh, on connaît bien le principe, puisqu’il est appliqué depuis l’orée des années 2010, et qu’il n’a jamais changé d’un iota. Tout au plus nous prenons acte de plus de vilénie, d’une concentration accrue des passages les plus nauséeux, et de textes qui s’arque boutent encore plus sur la misanthropie, le dégoût de soi, le rejet des autres, et la vision d’une société dans tout ce qu’elle a de plus laid. D’ailleurs, Ethan McCarthy le déclare lui-même, en ces termes qui ne laissent aucunement place au doute :
« Souring your view on your existence and everything you had worked towards. Allowing you to become possessed by the darkest parts of your mind that you have carried around your entire life and not dealt with »
En gros, faire face à ses vilains démons, accepter ce fardeau qu’on nous a confié à notre naissance, et porter notre lourde croix jusqu’à l’issue fatale : la mort, qui viendra nous délivrer de ce cauchemar de vie qui ne vaut pas grand-chose. Depuis Scorn en 2013, le trio n’a pas chômé. Peu d’albums certes, mais une vision du Sludge et du Doom renvoyant les maîtres du genre à leurs chères études, et une manière horrifique de mélanger les premiers GODFLESH aux canons de lenteur en vogue dans le créneau choisi. Avec Immersion, le trio de Denver nous propose justement une apnée dans les eaux les plus boueuses et opaques de l’humanité, et recentre son propos. Album plus court, et plus intense, et longues digressions laissées au placard du souvenir de Caustic, qui il y a trois ans poussait le bouchon au bord de la table pour que le chat presque mort le fasse choir. Trois ans d’absence pour trente-cinq minutes de retour, le combo n’a pas hésité à compresser son inspiration, et grand bien lui en a pris, puisque ce troisième et crucial LP aborde le virage de la violence avec une clairvoyance rare. Devenu entretemps la référence absolue de la nouvelle génération de lenteur oppressante, le groupe met à profit ses nombreuses collaborations (avec FISTAN, HESSLAN, XAPHAN, NORTHLESS, SEA BASTARD), ses années passées sur la route, et sa constatation d’un monde à l’agonie pour creuser encore plus profond la tombe des derniers espoirs d’humains qui en auraient encore malgré les signes évidents.
Avec Immersion, PRIMITIVE MAN sonne les trompettes de Jéricho, et se déguise en trois cavaliers de l’apocalypse pour en terminer enfin avec cette aventure grotesque qui voit une planète subir les sévices de ses hôtes, avant de les renvoyer face à leur créateur. Il émerge d’ailleurs de cet album une chaleur et une moiteur incroyable, une étuve qui nous amène à penser que nos dernières heures d’existence ne seront pas les plus drôles, loin de là. Toujours doté d’un son gigantesque et déprimant, le groupe ne propose absolument rien de neuf ni de plus tétanisant, mais se montre plus ferme sur ses options courtes. Et même si deux ou trois morceaux jouent évidemment les sept minutes ou plus, on ne s’ennuie jamais durant cette séance de masochisme auditif qui condamne nos oreilles au désespoir le plus absolu. Oubliez la concurrence, depuis longtemps, le Colorado est la nouvelle terre promise du Sludge le plus embourbé, le plus résigné, et comme le dit si bien encore une fois Ethan McCarthy :
« Now you're a grown man and you're fucked. »
Nous sommes en effet des adultes, et nous sommes en effet foutus. Mais genre bien comme il faut. Pandémies, marées noires, montée des extrêmes, capitalisme galopant, forets détruites pour le bien-être du béton et des comptes offshore. Trahisons, corruption, repli sur soi-même, délation, injustices, pauvreté et famine, et entre le premier MEATHOOK SEED, SCORN, PITCHSHIFTER, GODFLESH, ENCOFFINATION, PRIMITIVE MAN incarne encore une fois cette nouvelle violence, habillée par les NAILS et FULL OF HELL, pour prouver que les musiciens d’aujourd’hui sont capables d’aller encore plus loin que leurs aînés. Et « The Lifer » pose les bases, toujours les mêmes, le feedback qui troue les tympans, cette voix atroce et semblant ralentie à l’extrême pour prendre le temps de nous rendre encore plus névrosés, cette rythmique qui frappe chaque blanche avec l’énergie du désespoir, et ces morceaux basés sur un seul thème trituré à l’envi qui à de vrais airs de corde à nœud coulant qu’on accroche à une poutre quelconque pour enfin fermer les yeux sur ces horreurs. Alors bien sûr, comme d’habitude les trois acolytes dispensent quelques blasts pour valider la caution d’ouverture du genre qui finalement ne se contente plus de lenteur depuis longtemps, et préfère les à-coups mortels derrière la nuque, mais si les systématismes Noisy ont peu à peu fait la place à un instrumental viscéral (seul l’intermède « ∞ » se raccroche au passé trop bruitiste), les titres en eux-mêmes jouent parfois le bruit blanc le plus massif, un peu comme le FULL OF HELL le plus lent dopé à l’amphétamine létale, et nous assomment de leur désespoir en monochrome, de celui qu’on fait développer chez les embaumeurs de la photo (« Entity »).
Comme d’habitude, tout ceci est très laid, mais vraiment très laid. « Menacing » ne fait pas semblant d’être menaçant, et sort les dents qui transpirent, pour nous contaminer de sa rage. Quelques blasts pour tromper l’ennui, une guitare qui n’en a plus que de nom, et une lancinance qui appuie sur les tempes pour faire jaillir le sang dans les veines. La mèche qui allumera la dernière explosion, un son de plus en plus épais et monstrueux, abrasif comme la peau de la jambe d’un motard qui frise le bitume à 220 km/h, et bordel, qu’on se sent mal dans se sauna de la déprime qui finit par laisser passer une fuite qui nous crame l’âme jusqu’au trognon. Le groupe atteint d’ailleurs des profondeurs insoupçonnées dans l’ignominie avec « Foul », râpe à fromage qui bouffe les doigts, et qui laisse le gruyère ensanglanté, mais fameux en bouche.
Inutile de passer par quatre chemins qui mènent tous au cimetière d’une façon ou d’une autre. PRIMITIVE MAN est la quintessence du Sludge et du Doom du nouveau siècle. Un avertissement ultime qui fait peur, mais qui ouvre les yeux sur la situation alarmante. Nous allons tous crever, alors autant le faire en musique. Aussi noire et éprouvante soit-elle. Youpi.
Titres de l'album :
01. The Lifer
02. Entity
03. Menacing
04. ∞
05. Foul
06. Consumption
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