2024. Le diable s’immisce partout, profite des instincts vicieux d’une humanité qui n’en est plus que de nom pour collecter de précieuses âmes à intégrer à son armée de l’apocalypse. Le choix est vaste, tant le vice et la violence sont omniprésents. Avarice, profit, xénophobie, violence, jalousie, envie, paresse intellectuelle, les péchés mortels sont légion et le démon en chef le sait bien : c’est lui qui a raison. Toutefois, quelques sentinelles veillent afin que l’équilibre ne soit pas rompu. Des soldats de lumière qui entièrement dévoués à leur commandant en chef n’ont de cesse d’alerter les populations quant à la dangerosité de leur comportement. En armure étincelante, ces chevaliers de la foi prêchent parfois de la plus efficace des façons :
En chanson.
STRYPER, lieutenant en chef de ces factions musicalement armées, n’est que le gradé qui cache les sous-officiers. Depuis les années 80, la religion est au centre des débats, et plus souvent raillée que célébrée dans nos rangs métallisés. Mais heureusement, les uniformes blancs ou noirs et jaunes ont cédé la place au cuir et au jean, ce qui permet de passer incognito. Et à moins de connaître les valeurs fondamentales des artistes, impossible de savoir s’ils font du prosélytisme religieux ou s’ils se contentent de protéger sous couvert d’une musique énervée.
SAINT est l’un des fers de lance de cette mouvance de missel, et traîne ses sermons dans tous les Etats-Unis depuis le début des années 80. Mais le passé de ce pasteur n’est pas ce qui nous intéresse aujourd’hui. C’est son actualité qui vaut étude, une actualité omniprésente depuis sa reprise en main en 1999. SAINT a été plutôt prolixe en vingt ans. Pas moins de onze recueils de textes sacrés, une bonne quantité au regard de la disette de productions des têtes d’affiche. Est-ce pour autant que chacune de ces confessions a été suivie d’effets de pénitence immédiats ?
En grande majorité, oui. Et Immortalizer ne fait nullement exception à la règle, bien au contraire.
Les ouailles s’agitent déjà sur les bancs en pointant le fait que ce nouvel album pourrait être le meilleur d’une carrière. Sans prétendre le savoir, je peux tout de même affirmer qu’il fera partie des prises de chaire les plus probantes de la carrière des originaires de Salem. Avec désormais un line-up stable depuis 2018, le quintet mené par la basse ronde et virulente de Richard Lynch - seul membre original - continue son combat contre le Metal tiède et peu fervent, et nous offre avec ces onze nouveaux morceaux de quoi prier pendant des jours entiers.
Loin de la bondieuserie des années 80, le Metal chrétien du nouveau siècle se veut musclé, et lourdement armé. Nous ne parlons pas ici de mitrailleuse ou de lance-roquette, mais bien de riffs bodybuildés, de rythmiques appuyées, et de lignes de chant passionnées. Troisième participation studio du chanteur Dave Nelson, Immortalizer est un énorme album de Heavy Metal classique qui vient même chatouiller la fierté du STRYPER contemporain, ce que souligne avec beaucoup d’emphase le monstrueux mais pieux « My Cemetary ». Son compact, production précise, guitares en psaumes acérés et affutés (Jerry Johnson et Matthew P Smith, en forme olympique), le prêche des américains est convaincant, et donne envie d’ouvrir en grand son portefeuille pour financer cette guerre contre le Mal. Avec un grand M.
Les néophytes associent souvent musique chrétienne et niaiserie affligeante, tant il est certain que dans les années 80 les musiciens n’hésitaient pas à jouer sur nos glandes lacrymales pour obtenir un peu de compassion. Mais ce temps-là est révolu, et les prêtres, diacres, pasteurs préfèrent miser sur la dure réalité pour éveiller les consciences, et adaptent donc leur musique aux conditions de vie réelles. Et SAINT ne fait pas exception à la règle en signant l’un des albums les plus convaincants et féroces de sa longue carrière.
Aucune place n’est laissée à la complaisance ou au repli sur soi. Le temps est venu de conjuguer ses forces pour livrer le combat d’une vie, un combat de fer et de feu, parfaitement décrit par le vorace « Eyes of Fire ». On y sent l’impulsion renouvelée d’une scène certes consacrée, mais réaliste et lucide. Le message passe d’autant mieux lorsqu’il est martelé, et les cinq américains se prennent parfois pour les cadors du blasphème que furent et sont toujours JUDAS PRIEST et ACCEPT, pour que leur mots se détachent dans le chaos (« The Congregation »).
Heavy.
Le mot est posé, écrit clairement, et ne se laisse pas parasiter par les nuances. Dans un registre que le SAXON des dernières années a embrassé avec ferveur, SAINT développe d’énormes qualités et se contente de varier le tempo pilonné par Jared Knowland pour donner une couleur différente à chaque entrée. Maintenant la tension pour ne pas nous laisser perdre la raison, SAINT cloue lui-même les païens sur la croix, aidé en cela par une guitare lead incandescente et immortelle (« Pit of Sympathy »).
En jouant parfois avec la frontière séparant le Hard-Rock puissant du Heavy plaisant (« The Loyal »), le groupe s’offre une variété non négligeable, et séduit les masses s’étant déplacées à l’église pour entendre la parole divine non diluée, mais adaptée aux plus sensibles. Avec quelques idées plus modernes (« Blood of God », syncopé et terriblement catchy), et un final vraiment pensé et structuré (« Salt in the Wound », ça fait mal mais c’est mérité), SAINT mène ses troupes aux portes du ciel pour les faire entrer avant que le parking n’affiche complet.
Les médias spécialisés affirment déjà qu’Immortalizer pourrait être le meilleur album du groupe. C’est une éventualité, mais qui se doit d’être modulée. En s’appuyant sur des preuves empiriques, on peut le désigner comme le meilleur album de l’ère Dave Nelson. Ce qui est déjà très bien. Mais aussi comme le meilleur album de Metal chrétien de cette année 2024.
Qui en avait bien besoin.
Titres de l’album:
01. Immortalizer
02. Repent
03. My Cemetary
04. Eyes of Fire
05. The Congregation
06. Pit of Sympathy
07. Into the Kingdom
08. The Loyal
09. Blood of God
10. Where’s the Faith
11. Salt in the Wound
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21/11/2024, 08:46
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