Il y a fort longtemps, on cloisonnait. On apposait des étiquettes. Et lorsqu’on ne parvenait pas à définir avec acuité, on en inventait une nouvelle. Dans les années 80, on était Thrash, ou Metal, ou Hardcore, ou Punk, mais rarement les quatre à la fois. Peu de groupes en dehors des RAMONES, de MOTORHEAD ou à la rigueur SLAYER parvenaient à réunir des publics d’horizons différents, et les crêtes et cheveux longs avaient encore du mal à se retrouver autour d’une cause commune. Et puis le Crossover est apparu, les groupes Hardcore ont commencé à intégrer des éléments métalliques dans leur musique, alors que les maniaques Thrash admettaient des accointances Hardcore en reprenant les MINOR THREAT, GBH ou DISCHARGE. Aujourd’hui, tout le monde se fout des étiquettes et joue ce que bon lui semble, puisque le public n’a plus besoin d’être guidé sur le chemin de la vérité. Ainsi sont apparus des sous-genres bâtards, le Metalcore, le Metallic Hardcore, ainsi de suite, et finalement, on s’en tape, puisque seules la qualité et l’énergie prévalent. Et de cette digression nait une constatation. Les PISSED REGARDLESS pourraient en incarner le parangon, eux qui n’ont cure des batailles rangées, et qui mélangent avec rage le Thrash, le Hardcore, le Death et toute autre extension bruyante pour parvenir à leurs fins. Et leurs fins, ce sont nos moyens, qu’expose ce premier longue-durée qui n’est rien d’autre qu’un condensé de haine pure crachée à la face d’une audience un peu frileuse. Premier longue-durée donc, mais moyenne dans les faits, puisque seulement vingt-six minutes nous sont expulsées. Déjà responsables d’une démo et de deux 7’’, les originaires de San Diego, Californie, se la joueraient plus volontiers NYHC mixé à une vélocité typique du Thrash californien, pour un mélange explosif qui vous gicle à la face dès des premières secondes. Mais les gus ne se limitent pas à ce champ d’action, et n’hésitent pas à intégrer des éléments de Death mélodique, par touches éparses, mais bien concrètes. En gros, tout ce qui fait du boucan, mais agencé intelligemment.
Ils sont cinq, n’ont pas vraiment des tronches à vous donner l’heure au rayon surgelés (Matt - chant, Sean & Chris - guitares, Taylor - basse et Tim - batterie), jouent musclé et lâchent salé. Avec une entame de la trempe de « Three Decades », pas de tromperie sur la marchandise, on est là pour bander les muscles et vociférer comme des beaux diables, un peu comme si les EXPIRE tentaient de reprendre la disco 90’s de SLAYER à leur compte. C’est classique dans le fond, formel dans les faits, mais il y a une telle hargne qui exsude de ces morceaux sans compromission qu’on se tape complétement de l’innovation, et qu’on accepte la beigne avec le sourire. Avec Imperial Cult, PISSED REGARDLESS a voulu expérimenter et jouer avec ses propres limites, tout en assumant son background. Ce qui nous donne un monstre de gravité soufflante, à la limite entre un Crossover porté à ébullition et un Metalcore pas totalement assumé, et encore terriblement analogique. Riffs simples, rythmiques percutantes, chant qui s’époumone, pour des hymnes immédiats à la brutalité la moins larvée. On se fait compresser les tympans par des bulldozers comme « Halls of Hate », qui utilise les codes 90’s du SLAYER de transition, avec force effets sonores, Heavy qui mutile et charges soudaines qui crépitent. C’est évidemment un parti-pris, celui de l’efficacité sur la créativité, mais face à une telle débauche de testostérone, on reste admiratif et le souffle coupé. Se partageant entre ses accointances Hardcore traditionnelles et son envie de durcir le tout d’une musculature Thrash, les cinq musiciens prônent l’ouverture, mais se la jouent fermeture. « Bleeder » en ce sens, pourrait être le trait d’union entre les AGNOSTIC FRONT, les HELLACOPTERS et AT THE GATES, le tout sous la supervision d’un Tom Araya moins hilare qu’à l’habitude.
Entre jets primaux et pensée plus posée, Imperial Cult n’a qu’un seul leitmotiv. Tirer à vue, lâcher des riffs purement Thrash ou simplement Core, et convaincre que ses fans qu’il est l’album impulsif le plus dangereux et sincère du marché actuel. Et il y parvient sans peine, se montrant plus inventif par moments, mais pas moins violent (« Behold a Pale Horse »), ou au contraire, radical et méchamment Core/Powerviolence (« All Bets Are Off », « Castrated », entre Speedcore et Hardcore sous stéroïdes). On se prend même à penser aux CLOSET WITCH, en version plus modérée, ou à d’autres références, moins évidentes, mais tout aussi probantes (RINGWORM, INTEGRITY, mais pas mal d’autres aussi). C’est donc du velu qui tâche le tapis, et qui lorsqu’il est joué vicieusement Heavy se montre sournois et poisseux (« Maniacal », belle alternance dans la danse). Le mariage des voix est évidemment typiquement NYHC, avec cette touche de folie made in Boston qui rappelle le bonheur des envolées 83/84 de la scène. Sauf que le tout se termine par une déclaration d’intention plus nuancée, via le surprenant « Hell's Coming With Me » sorte de poème Heavy déclamé avec résignation, qui se transforme en boucherie absolue en son milieu. C’est là qu’on sent que les PISSED REGARDLESS ont effectivement tenté des choses différentes en s’ouvrant des portes pour l’avenir. Un avenir qu’on ne pressent pas forcément clément pour le silence et la quiétude, mais qui pourra introniser l’un des groupes les plus hargneux de sa génération. Alors, comme je le disais, aujourd’hui, les étiquettes, on n’en n’a plus besoin. On prend ce qu’on nous donne, on essaie de le décrire avec honnêteté, et surtout, on l’apprécie pour ce qu’il est. Et Imperial Cult est un bloc de béton qui vous tombe sur la gueule. Et lorsque ça arrive, on n’a pas franchement le temps de décrire la scène avec précision. On attend juste le moment fatal ou la mâchoire va se détacher du reste dans un hurlement de douleur aussi fugace qu’intense.
Titres de l’album :
01.Three Decades
02.Halls of Hate
03.Bleeder
04.Dark Disciple
05.Behold a Pale Horse
06.Dichotomy
07.All Bets Are Off
08.Castrated
09.Maniacal
10.Hell's Coming With Me
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