Arrêtons céans avec les clichés sur le Canada. Non, les canadiens ne sont pas des béni-oui-oui comme se plaît à le décrire Kevin Smith dans ses films. Là-bas aussi, il y a des vilains, des pas beaux, des méchants, des teigneux, des butors, des agités agressifs, et même des malpolis. Alors, les images d’Epinal, gardez-les pour un exposé de cinquième. Ici, on cause réel, tangible, et concret.
Et les ETERNAL DRAK sont de gros méchants.
Ok, je l’admets, les gus viennent de Colombie, pays peu réputé pour sa tendresse musicale. Néanmoins, nos deux amis du jour sont canadiens depuis un sacré bout de temps, et sont même une légende dans leur pays. Alors, à l’heure de se fader ce quatrième longue-durée, la méfiance est de mise. D’abord, parce qu’un coup fourré est toujours possible, et ensuite, parce que les marsouins sont des adeptes de la secte du changement de style depuis quasiment leurs premiers jours.
Ce qui a donc commencé comme un énième glaviot Black/Thrash est devenu avec le temps une grosse bestiole Thrash/Groove, ayant tout de même conservé ses instincts les plus noirs. Alors optons pour un peu de fantaisie de définition, et adoptons-les comme un orchestre Blackened Groove pour faire plaisir à tout le monde. Près de trente ans après leur formation, les ETERNAL DRAK ont toujours la foi, et se concentrent sur une musique certes brutale, mais gentiment paillarde, quelque part entre BATHORY, DARKTHRONE et MACHINE HEAD. L’association d’idée peut sembler incongrue - ce qu’elle est assurément - mais le résultat en est assez proche. Ecoutez donc le premier single « Soul Of Hate » pour vous en convaincre. De l’autorité dans les riffs saccadés, une voix ignoble et graveleuse à la norvégienne, et une énergie à décoiffer Fenriz sur son vélo.
Loin de simples bourrins au service d’un cartel musical canadien, Drakar (guitare/chant) et Juan Francisco Avella (batterie) nous proposent l’un des albums les plus intéressants de ce début d’été. En prenant ses distances avec les automatismes du Black/Thrash le plus souillé, les deux acolytes se permettent des incartades fabuleuses, sur les terres de feu Quorthon et dans les forêts des plus corpsepaintés suédois et norvégiens.
Un CARCASS plus noir que morbide ? J’aime assez la formule, même si on trouve aussi dans cette narration des paragraphes d’AURA NOIR, des traces légères de la plume de SIGH, et pas mal de Death mélodique anglais des nineties. Un sacré mélange qui fait bouillir le chaudron, d’où sortent des pièces de choix comme le très épais « Haunting Place », qui pourrait satisfaire l’appétit insatiable des gredins les plus portés sur la précision instrumentale.
Les indications sont nombreuses, et parfois très claires. Ainsi, « Take No Prisoners », l’attaque la plus chargée ne laisse aucune chance aux ennemis, même ceux tapis dans l’ombre. Charcutés par une double grosse caisse en mitrailleuse, découpés par une guitare scie circulaire, les pauvres opposants se voient obligés de rendre les armes avant trépas. La production de la guérilla en question étant très professionnelle, le rendu n’en est que plus efficace, et les graves se font entendre à des kilomètres à la ronde.
Adeptes d’une lourdeur en hybridation de Death/Doom et de Black processionnel, Drakar et Juan insistent bien sur le côté Heavy de leurs vices, nous assommant à l’occasion d’un pachydermique « The Woman In Sandals », qui ne donne pas vraiment envie de porter des tongs. Avec quelques accélérations bien fumasses et une optique générale claire et nette, le duo porte à ébullition son Black/Thrash, sans perdre de vue l’essentiel : composer de véritables morceaux, qui accrochent l’oreille, et qui chassent les idées claires.
On visualise assez bien les compères entourés d’un brouillard factice dans un décor à la Hammer, constellé de crânes, d’ossements, de symboles païens et de posters de VENOM. Dans la plus pure tradition d’un extrême raisonnable et maîtrisé, Imprisoned Souls vous vole votre âme comme un monte-en-l’air votre portefeuille dans le métro.
Délicieux, ingérable en petits ou gros morceaux, ce quatrième album prouve la maturité, mais ne renie en rien les instincts de jeunesse. L’équilibre est parfois parfait, sur « Feasting The Anguish » par exemple, que l’on aurait pu trouver sur le Heartwork de qui-vous-savez.
Bien plus qu’un simple crachat à la face du bon goût, Imprisoned Souls est un pamphlet solide, à la croisée des chemins, et qui vous fait un croche-pied près de la falaise. Des vices qui se transforment en vertus, des boulons qu’on resserre à la clé, pour une machine très bien huilée et plus performante que d’autres sortant des hangars de gros labels avec pignon sur rue.
Alors la gentillesse des canadiens, vous repasserez. Vos t-shirts de BATHORY par exemple, ce sera toujours ça d’épargné à la femme de ménage qui doit déjà subir les assauts sonores de votre hi-fi préférée.
Titres de l’album :
01. Soul Of Hate
02. Circle Of Black Flames
03. She Is A Magnet
04. Haunting Place
05. Oda A La Luna (Re Recorded)
06. Take No Prisoners
07. The Woman In Sandals
08. The Mist
09. Feasting The Anguish
10. Bound By Ambition
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