Le Black Metal a toujours apprécié l’obscurité, d’où le choix nominatif de cette absence de couleur et de lumière. Il n’est donc pas étonnant que les groupes s’en réclamant optent pour un anonymat de circonstance, choisissant des pseudos en adéquation avec leurs croyances ou leur personnage mythologique/biblique favori. Dès lors, le duo allemand ABKEHR n’échappe pas à cette règle quasi immuable, en se drapant de mystère, et en préférant laisser parler leur musique pour ce qu’elle est. Fondé en 2015, ce duo (Raash – chant/guitare/basse et H. – Batterie) n’a pour l’instant pas brillé (logique…) par sa créativité, préférant laisser le silence s’imposer et leur permettre de préparer leur grande nuit. Celle-ci trouve aujourd’hui sa lune, via les bons efforts conjugués de plusieurs labels, dont nos amis de Sentient Ruin, qui alléchés par l’odeur vintage du produit en question, nous l’ont d’abord vendu en format tape, avant d’opter pour un vinyle fort approprié. Et une fois encore, leur jugement ne saurait être pris en défaut au jugé de la qualité de ce quatre titres, qui sans jouer les précurseurs (mais qui le peut encore aujourd’hui ?) ni les innovateurs, parvient à nous prendre à revers de son classicisme formel teinté de modernité nuancée. En moins d’une demi-heure, nos cousins germains parviennent à nous faire remonter le cours du temps, en puisant dans l’héritage des figures mythiques du style (BURZUM, DARKTHRONE, et bien d’autres) pour les transposer dans un vocable actuel tout à fait pertinent. Et si la richesse de ce premier EP ne vous saute pas aux oreilles dès ses premières litanies, faites preuve de patience. Sa force de persuasion est tangible, et prend son temps pour faire office.
Publié en indépendant en mai 2017, In Asche (en cendres), est un modèle de construction sur fondations solides, qui supportent sans faiblir des ajouts en étages stables. On y retrouve ces sonorités si froides de la légende norvégienne, la glaciation auditive de son homologue suédoise, mais aussi des réminiscences des bourrasques canadiennes de ces dix dernières années, dans un maelstrom de violence sourde et contenue, qui sait toutefois faire place à quelques mélodies ténues. Quelques noms sont lâchés par leur label, dont ceux notables de CRAFT, MGLA, ou JUDAS ISCARIOT, et le parallèle est assez justifié, même si les balises plantées par les allemands leur permettent de couvrir un terrain suffisamment vaste pour ne pas être comparés trop hâtivement et fermement à une référence unique. Leur son ne l’est pas non plus d’ailleurs, et semble prendre plaisir à singer les productions des années 90, avant que les ténors du BM symphonique n’en détournent les codes pour rendre l’agression pédante et condescendante de puissance. Ici, c’est l’abrasivité qui règne en maîtresse sonore, rendant les guitares encore plus rugueuses qu’un froid hivernal sur les tempes, et asséchant la batterie sans pour autant retirer à la grosse caisse le peu d’écho grave dont elle dispose. Le résultat, contre toute attente au jugé des éléments fournis est très relevé, et semble faire la jonction entre le passé et le présent, et faire preuve d’autant d’individualisme que d’esprit de groupe. Ce qui est certain, c’est que les deux musiciens sont soudés, et que leur conception d’un BM âpre et sauvage est d’intérêt.
Quatre titres en carte de visite d’une morgue gelée, c’est un tour du propriétaire qui ne réchauffera certainement pas les cœurs, mais qui ravira les amateurs de misanthropie musicale. En proposant des morceaux suffisamment variés pour ne pas lasser, mais en gardant le cap sur une logique de violence, ABKEHR retrouve l’impulsion d’origine, et nous bouscule sur la durée, sans chercher l’effet choc. In Asche est d’ailleurs quasiment dénué d’arrangements, comme une épure de Black se voulant dogmatique, et dont les conséquences sont aussi importantes que sa démarche est humble. Prouver sans forcer que le genre peut encore proposer des pistes intéressantes, sans remettre en question ses fondements, mais en se permettant quand même quelques libertés de bon ton, comme cette caisse claire aux roulements militaires sur le break central macabre de « III », qui évoque une union dans le combat des MARDUK et de WEAKLING. Raash nous arrache littéralement les tympans de ses raclages de gorge à faire pâlir Varg lui-même, sans pour autant nous les vriller en insistant sur des aigus qu’il n’est pas indispensable de provoquer. Niveau riffs, la fournée est fournie, et la diversité étonne, alors même que la plupart de leurs confrères évoluant dans un créneau similaire préfèrent se fixer sur un motif unique jusqu’à provoquer des nausées. Pas d’esbroufe, ni de tir de barrage à l’AK-47, mais de belles ambiances crépusculaires, comme celle qu’on trouve sur le final du même « III », symptomatique d’un SHINING moins éploré, mais qui rapproche quand même le duo d’un DSBM allégé.
Notons quand même des efforts maintenus pour conserver l’ambiance largement au-dessous du zéro, par le biais d’harmonies de guitare rachitiques bien sûr, mais aussi via l’utilisation de bruitages venteux évoquant les paysages désolés que chacun s’imaginera localiser à son bon vouloir. De fait, « IV » démarre sous les auspices les plus rigoureux possibles, avant qu’un léger feedback ne nous entraine sur la piste de l’ultraviolence, plombée par une batterie à la limite des blasts qui accélère le tempo sans tomber dans le chaos. Le chant se veut de moins en moins discernable pour coller ses lèvres aux congères se formant sur nos lobes, mais H fait toujours preuve d’inventivité pour donner de la dynamique à des thèmes linéaires, se rapprochant même parfois du jeu tentaculaire d’un Hellhammer. Et si vous permettez à votre scribe/serviteur un moment de subjectivité total, j’affirmerai que ce final clôt l’exercice sur une note haute, lui permettant de se hisser au rang des premières œuvres remarquables et remarquées, ce qui n’était pas forcément gagné sur ses deux premières pistes. Mais comme les goûts sont comme les égouts et vont dans la nature, je laisserai à chacun le loisir de porter aux nues son épisode favori, sans pour autant permettre un rejet global qui ne serait qu’injustice.
En définitive, et après écoutes multiples et prolongées, je comprends encore mieux pourquoi Sentient Ruin, une fois la bise venue et les tapes épuisées, s’est décidé à nous proposer une réédition en sillons de cet In Asche, qui loin de ne laisser que des cendres, rallume un brasier de BM qu’on pensait étouffé. Les points forts de ce duo presque anonyme sont multiples, mais c’est surtout son effet sur le moral qui reste le plus remarquable. Loin d’une torture sadique ou d’un coup fatal porté à la psyché, il agirait plutôt comme un discours insidieux dont les mots continuent de résonner bien après son terme. Et qui pèsent sur l’espoir comme le vent sur les rares feuilles encore accrochées.
Titres de l'album:
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21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
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