THE FACELESS a un visage. Si, malgré son nom, c’est un fait. Et c’est celui de Michael Keene, le multi-instrumentiste fou derrière ce projet si adulé, si décrié, si moqué, si révéré. Difficile de le cacher, puisque depuis ses débuts, ce concept n’a tourné qu’autour de lui, laissant entrer et sortir les accompagnateurs au fil des albums et des tournées. En parlant d’album, Michael nous en devait un, depuis cinq ans. Oui, cinq longues années depuis le très controversé Autotheism, qui en guise de religion individuelle, nous servait un dogme en brouet indigeste, baudruche surgonflée pour certains qui aurait dû éclater comme le cochon des FLOYD lâché dans le ciel anglais. Mais THE FACELESS n’a jamais été et ne sera jamais PINK, même si les analogies entre le dictateur Roger Waters et l’autocrate Keene sont patentes. Spécialement lorsqu’on parle de direction artistique et de gestion des ressources humaines. Mais pardonnez à l’artiste d’avoir une vision. Pas toujours très claire je l’admets, mais bien réelle. Elle se manifeste dans la pluralité, mais aussi dans la diversité, que d’aucuns jugeraient un peu trop flottante pour être labellisée. Comment en effet définir avec acuité le parcours d’un groupe qui s’est fait un malin plaisir à sinuer entre les courants pour trouver le sien ? On le sait, depuis Akeldama, Keene se cherche et ne se trouve pas toujours, à moins de le considérer comme un ectoplasme changeant de pièce comme de costume, et incapable de trouver asile plus de quelques années dans une chaumière de genre quelconque. Mais finalement, la seule question importante qui reste en suspens aujourd’hui est celle-ci. In Becoming A Ghost est-il oui ou non la suite illogique que nous étions en droit d’attendre du maître ?
Je pense pouvoir affirmer que oui. En devenant un fantôme, Michael est finalement redevenu un être humain, avec tout le cortège de défauts et d’imperfections que cela implique.
THE FACELESS sur ce quatrième longue durée, c’est la conjonction de quatre talents individuels. Celui de Michael bien évidemment, auquel s’ajoutent ceux de Ken Sorceron (ABIGAIL WILLIAMS) au chant, de Justin McKinney (THE ZENITH PASSAGE) à la seconde guitare, et de Chason Westmoreland (HATE ETERNAL), depuis parti et remplacé par Bryce Butler à la batterie. Et une fois n’est pas coutume, l’osmose est palpable, tout du moins sur une très grande partie de l’album, qui dans sa richesse et sa complexité s’approche enfin de la perfection qui était depuis si longtemps à portée de main. Cette perfection qui se dérobe au dernier moment pour laisser apparaître des flottements, quelques automatismes, et encore quelques erreurs de débutant, notamment au niveau de rythmiques qui auraient dû se vouloir plus inventives et moins systématiques. Le secteur harmonique n’est pas non plus exempt de reproches, cédant aux sirènes de la mièvrerie et singeant bêtement et gauchement les tentatives les plus zen de CYNIC, sans avoir la maturité d’un Paul Masvidal. Mais en substance, et en prônant une certaine désincarnation, In Becoming A Ghost rectifie le tir, et renvoie Autotheism dans les oubliettes de la démonstration historique. Pourtant, on retrouve ici tous les tics de la créature, qui ne peut toujours pas s’empêcher de se mouvoir à toute vitesse, avec force gestes, invectives, sans forcément réfléchir à la pertinence de ses actions. Mais en fouillant dans les tiroirs de sa mémoire, Keene s’est souvenu qu’il savait jouer avec feeling, et avec son cœur, laissant ses neurones de côté pour laisser respirer sa musique et lui offrir enfin un côté analogique qui lui faisait grandement défaut. On en trouve d’ailleurs trace – et c’est très ironique – sur la reprise défigurée des DEPECHE MODE, « Shake The Disease », qui s’offre une pause harmonique appréciable, et qui rend justice à l’original tout en le faisant sien. Autrement dit, comment torturer la Pop électronique pour la faire rentrer dans un costume Deathcore technique qui a tendance à s’estomper, pour devenir plus symphonique, et moins clinique.
A ce titre, la première partie de l’album est presque un cas d’école. Si l’on occulte cette intro aussi grotesque que faussement mièvre, « Digging The Grave » joue les profanateurs de réputation, et extirpe le corps encore fumant de THE FACELESS d’une tombe un peu trop prématurément creusée. Et même si cette batterie au son mécanique peut irriter les tympans, et même si certaines parties de guitares un peu trop faciles encombrent encore l’imaginaire, on tombe enfin sur un groupe aussi méchant que créatif, ayant retenu les leçons d’EMPEROR, et les appliquant dans son propre contexte, saluant au passage SUFFOCATION et STRAPPING YOUNG LAD, sans pour autant avoir la prétention de leur faire de l’ombre. Mais au contraire, In Becoming A Ghost est plus volontiers lumière. Celle des interventions brillantes de Michael à la guitare, qui nous tire de son chapeau des soli de toute beauté, mis en exergue par des passages en son clair où la voix posée de Ken fait merveille. Le talent juxtaposé des deux musiciens saute aux oreilles, et dans ces moments de délicatesse, tout le talent du concept éclabousse la réalité de ses prétentions mélodiques, bien plus convaincantes que ces catapultes rythmiques aux fréquences trop altérées. Il est aussi important de noter l’énorme travail accompli sur les arrangements, l’instrumental prenant parfois des allures de blockbuster audio laissant vraiment ébloui. Sons de cordes, de flûtes, strates et textures en empilement, complexité extrême des plans qui pour une fois ne semblent pas parachutés au hasard (« Black Star », ou comment sombrer dans les mathématiques de solfège en signant un brulot immédiat), et tension progressive qui rapproche la bande son d’un opéra de l’étrange, juste légèrement dérangé par des patterns de batterie sonnant trop synthétiques pour être honnêtes (« Cup Of Mephistopheles », encore une fois, la douceur s’impose sur la brutalité).
Nous nous voyons même gratifiés de labyrinthes tout à fait crédibles, qui nous perdent dans l’espace et le temps, et qui se jouent des mesures pour imposer leur pathos (« I Am », sublime de pureté, mais suintant de cruauté, une dualité qui sied fort bien au projet), et surtout, d’une attention particulière portée aux lignes de chant qui s’adaptent très bien au fond, sans avoir recours à ces effets crispants qui ruinaient par le passé les tentatives les plus culottées. On pardonnera dès lors les accès de facilité, qui font pencher THE FACELESS du côté pédant où il risque de sombrer (« (Instru)Mental Illness », jeu de mot facile pour démonstratif inutile), et on acceptera enfin le destin d’un one-man-band qui de toute façon, ne plaira jamais à tout le monde (« The Terminal Breath », et ses syncopes battues, qui n’offrent pas le final épiphanique prévu). En définitive, ce même destin est probablement déjà scellé, puisqu’on imagine assez mal Michael retourner sa veste, et accepter la complétude d’un groupe à part entière, ou la fixation sur un style bien défini. Alors, acceptons-nous ce quatrième album comme le postulat qu’il n’est résolument pas ? Oui, parce que nous n’avons pas le choix, mais en étant honnête, In Becoming A Ghost rassure quant à l’état de santé d’un des groupes les plus à part sur la scène. Un groupe qui n’en est pas un, mais qui propose, d’année en cinq années des œuvres fascinantes, qui captivent autant de leurs qualités que de leurs travers, et qui ne laissent jamais indifférent. Espérons juste que Keene ne se repose pas sur ses lauriers, et qu’il continue de se remettre en question, sous peine de se transformer en cet esprit dématérialisé qu’il nous décrit, et qui hantera le château de sa propre démence sans avoir personne pour entendre résonner ses chaînes.
Titres de l'album:
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
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