Nous allons tout de suite éviter les blagues potaches liées à la nationalité de ces grands gaillards, l’amitié franco-belge étant un sujet sacré. Mais c’est un fait, les KLUDDE nous en viennent des Flandres de l’est, s’expriment donc dans leur idiome natal, et nous racontent de petites histoires liées à leur folklore, pas forcément les plus gaies, mais totalement en adéquation avec leur approche musicale. Formé il y a bientôt 20 ans, ce collectif (Cerulean - chant/guitare, Snoodaert - guitare, Basstaerd - basse/chœurs et Vellekläsjer - batterie) a donc légèrement évolué depuis sa conception, passant d’un Black Metal sans merci à une hybridation entre ce même style et un Sludge assez épais, créant de fait un alliage noir comme la nuit, et lourd comme le destin. Et c’est donc après plus de dix ans de silence et un line-up enfin consolidé que nous les retrouvons aujourd’hui, forts d’un second album faisant suite à In Den Vergetelheid, paru en 2008. Guère étonnant de les retrouver d’ailleurs sur le label national Consouling Sounds, assez friand de ce genre d’exactions, et c’est sous une pochette sobre mais gentiment morbide que se cache In De Kwelm, et ses huit morceaux prônant une philosophie extrême, mais finalement assez mesurée dans les faits. Enregistré et mixé par Cerulean lui-même, et masterisé par Frederik Dejong au Jerboa mastering, ce second album est pour ses géniteurs une sorte de retour aux sources, avec la maturité des années apportant le complément indispensable. Attendez-vous donc à un survol de la carrière des belges, pas vraiment décidés à ses ranger des voitures, et toujours aussi agressifs et violents.
Black Sludge, Blackened Sludge, ou Sludge Black ? Les trois votre honneur, même si la trame de base sert plus ou moins de schéma à tous les morceaux. On retrouve le son, ample mais assez rêche, les riffs rouillés mais compacts et conséquents, ce chant si particulier qui pourra agacer ceux dont les timbres éraillés sont la Némésis, cette rythmique qui se concentre sur la pluralité, et plus généralement, tout ce qui a toujours constitué l’ADN de ce groupe si particulier. Sept morceaux plutôt courts et concis, et un final tout en longueur, le métrage est raisonnable, mais les ambitions conséquentes. Et si les options choisies laissaient craindre d’une uniformité lassante, la variété des tempi, et les allusions aux différents genres permettent à KLUDDE d’éviter l‘écueil de la redondance trop prononcée, même si les tonalités de fond restent bloquées sur une gravité de circonstance. En gros, et pour cerner un peu les détails, on pourrait penser à une sorte de revue de presse de l’extrême classique façon Black Metal light, ce que « Schabouwelijke Praktijken I: De Rabouwen » appuie de sa violence larvée et de ses grognements étouffés. Une version très privée du CELTIC FROST le plus primaire (soit HELLHAMMER en gros), corrigée pour ne pas jouer le plagiat, mais qui se prend de passion pour l’occulte des années 80, avec en exergue ce monolithisme transcendé par des musiciens plus capables que leurs modèles.
D’ailleurs, le quatuor a voulu son entame plutôt rapide, et « Kludde IV » / « Bloedkoesj » de jouer le jeu d’un Blackened Crust assez primaire, aux riffs toutefois suffisamment ludiques pour ne pas rester bloqués sur un motif trop sommaire. Cruels mais abordables, les belges varient et modulent, acceptant la lourdeur du Sludge le plus poisseux qu’ils agrémentent de fantaisies presque NOLA, sans décevoir les fans hardcore du chef d’œuvre Monotheist (« Schramoeille », qu’on imagine parfaitement chanté par le toujours bronzé Tom Warrior). Accélérations brutales, coups de rein, ralentissements excessifs mais bien amenés, la balade est agréable, et se complait dans les bas-fonds de la musicalité. Car malgré leur côté ours mal léchés, les instrumentistes n’en restent pas moins perméables aux mélodies héritées du BM scandinave («Kasteelke van Verdoemenis »), tout en revenant assez régulièrement vers ce rythme échevelé qui leur convient si bien (« Poesjkapelle »). Et lorsque les blasts parviennent à se tailler une petite place (« Schabouwelijke Praktijken II: De Commercant »), on réalise toute l’importance de l’intégration de Vellekläsjer, qui a visiblement réussi à se fondre dans le reste du groupe avec facilité. Globalement plus que satisfaisant, ce second album ne se termine pas en queue de poisson ou en litanie d’oraison, même si le long et funèbre « De Laatste Reis » nous remémore les processions du SAB tout comme les plaintes de NEUROSIS, offrant de fait à In De Kwelm une conclusion riche et ouverte sur un avenir prometteur. Après une très longue intro progressive, le groupe retombe dans les travers délicieux d’un BM sauvage et débridé, mettant le turbo et la pression pour nous achever d’un crescendo bruitiste fort à propos.
Niveau reproches, on pourra regretter le manque de modulations vocales de Cerulean, qui reste fidèle à sa gorge et à sa technique abrasive, et quelques rebondissements un peu attendus au nouveau des guitares. Mais ces griefs sont mineurs eut égard à la qualité de la vilénie de cette musique, aussi inconfortable qu’elle n’est délectable, et qui permet aux KLUDDE de revenir au premier plan d’une caverne dans laquelle ils se sentent finalement très bien. Et sans aller jusqu’à l’allégorie si chère à Platon, admettons parfois que les dangers visibles ne sont pas moins effrayants que ceux tapis dans la pénombre. Ce que cet album s’évertue à démontrer en moins de quarante minutes de lourdeur et de violence.
Titres de l’album :
1.Schabouwelijke Praktijken I: De Rabouwen
2.Kludde IV
3.Bloedkoesj
4.Schramoeille
5.Kasteelke van Verdoemenis
6.Poesjkapelle
7.Schabouwelijke Praktijken II: De Commercant
8.De Laatste Reis
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