Faire du BM ou du Death en 2017 est chose facile. Les techniques d’enregistrement ont simplifié les choses, et il est aujourd’hui possible de se montrer précis et implacable sans disposer d’un bagage technique exceptionnel. A tel point que le fossé se creusant entre le studio et le live devient de plus en plus profond, et fait de plus en plus fréquemment appel aux samples, triggers et autres astuces de fumée.
A-t-on perdu l’essence même de deux styles se voulant à la base aussi brutaux que nihilistes ? Certains vous diront que oui, en citant le sourire aux lèvres le Blackgaze, le Deathcore comme arguments fatals, et se gaussant de la perte de crédibilité au profit d’un professionnalisme stérile.
Le débat est ouvert, et chacun apportera de l’eau à son propre moulin. Pourtant, l’underground se bat toujours pour le rester, et de temps à autres, d’étranges créatures en surgissent, comme du fond des temps, pour rugir leur colère de voir des mouvements s’embourber dans la hype, ne faisant guère plus peur qu’un masque de carnaval en plastique acheté à la boutique du coin.
Sous ce point de vue-là, saluons donc la première sortie d’un combo qui commence à vraiment faire parler de lui depuis son premier EP Foreseeing Exemptions to a Dismal Beyond paru il y a trois ans.
Pourquoi ?
Parce qu’à l’époque déjà, les passionnés avaient bien senti que quelque chose de différent était en train se produire, impression qui se confirme aujourd’hui avec la publication d’un premier longue durée, au contenu aussi sombre que son artwork.
SUFFERING HOUR est donc un trio qui nous vient de Forest Lake, MN / Longmont, USA, constitué de trois sobriquets (DgS - Verbal Anguish & Wormhole Summoning, YhA - Diabolical Phosphene Sorcery, IsN - Astronomical War Detonations, je laisse la description telle quelle), et par extension de trois musiciens cartouchés et cloutés, qui n’ont pas oublié qu’une bonne imagerie occulte made in 90’s fait parfois la différence, lorsque la musique suit.
Et la leur ne se contente pas de suivre, elle précède. Elle précède toutes ces concessions à la mode actuelle qui consiste à projeter le BM et le Death vers leur futur en tournant le dos à leur passé.
Mais les SUFFERING HOUR, via In Passing Ascension, sans adopter la posture inverse, ne renient rien des racines qu’ils citent, bien au contraire. Pour être honnête, on pourrait même dire qu’ils résument toutes les époques, tout en échappant à chacune d’entre elles. Ils aiment à saluer quelques grands anciens, MGLA, THE CHASM, ou DEAD CONGREGATION, calibrent leur démarche d’un « cosmic blackened death metal » assez laconique et ludique, mais assument complètement leur prise de position déviante qui consiste à noyer le Death le plus cruel dans un linceul Black d’une noirceur immaculée. Le résultat ?
Quarante minutes de souffrance ténébreuse, qui unit les deux mouvements extrêmes dans un même élan de brutalité contrôlée, adaptant la rugosité de l’un dans la barbarie de l’autre, sans se départir d’un sens de l’innovation occulte remarquable.
Mais ce qui reste le plus frappant dans l’effort accompli par les américains, c’est cette volonté de nous faire perdre nos repères via l’utilisation de riffs vraiment étranges et stridents (« Withering Microcosmos »), qui parviennent en quelques notes à évoquer VOÏVOD, VIRUS, NOCTURNUS ou bien MORBID ANGEL, sans se départir de leur nature profonde.
Ces arpèges acides, ces rythmiques évolutives, cette basse grondante qui occupe au choix les avant ou arrière postes, et ce chant qui lie le tout de ses inflexions macabres, forment une symphonie de l’étrange qui se veut pourtant efficace et directe, sans chercher à tout prix le plan le plus percutant pour séduire trop vite.
On se perd parfois dans des conjectures Black à la MAYHEM retranscrites dans l’univers déviant des AUTOPSY/IMMOLATION (« Through Vessels of Arcane Power »), mais l’évolution progressive de l’album est en tout point remarquable, et s’enfonce de plus en plus dans les abysses d’un Dark BM vraiment envoutant et vénéneux.
C’est d’ailleurs sur sa deuxième moitié qu’In Passing Ascension se montre volontiers le plus prenant, en accentuant le malaise de la perdition, un peu comme si les frontières entre le Noisy BM et le Death putride se floutaient d’elles-mêmes derrière un écran de fumée expérimental.
En ce sens, l’impressionnant et progressif « Procession to Obscure Infinity » est un modèle du genre, et fait se succéder des plans complémentaires aux ambiances homogènes, qui détournent le schéma d’un Black d’avant-garde pour l’adapter aux impératifs d’un Death presque psychédélique.
La violence, omniprésente, loin d’être nuancée par des propos trop mélodiques, est renforcée par une approche absconse qui nous englue dans des alternances de climats oppressants, tissés par des guitares de plus en plus libres, et resserrés par un chant qui s’égosille sans retenue.
Certes, une fois l’intro « Insufferable Scorn » passée, « For The Putridity Of Man » plante le décor sans chercher à finasser. Les pivots sont en place, et la lourdeur suffocante le dispute à l’acuité d’un BM des origines, celui-là même que la Norvège érigeait en dogme dès le début des années 90. Les blasts à la Hellhammer nous ramènent à l’époque morbide des « Funeral Fog » et autres « De Mysteriis Dom Sathanas », tandis que la double grosse caisse se veut plus le témoignage d’un Death en putréfaction. Joli mélange, si vous me passez l’expression un peu malhabile, et « Devouring Shapeless Void » accentue encore plus le décalage entre l’envie de tradition et le désir d’innovation, en mettant l’emphase sur des thèmes de guitare harmoniques qui pourtant n’oublient pas de lâcher quelques riffs rapides terriblement accrocheurs.
« The Abrasive Black Dust » est peut-être d’ailleurs l’acmé de cette première partie d’album, et ose enfin l’emphase d’un Metal indéfinissable, aussi Doom qu’il n’est Black, et qui impose une rythmique conséquente, titillant la corde sensible du MARDUK de Wormwood tout autant que la fibre dénouée d’un VIRUS un peu moins traumatisé qu’à l’habitude.
Et si le look des trois musiciens ainsi que leurs pseudos fleurent bon le BM underground un peu passéiste, n’y voyez qu’une volonté de se recouvrir d’une crédibilité underground à cent lieues de l’audace d’un instrumental vraiment inhabituel et expurgé de tout poncif éculé.
Au bout du compte, et après quelques écoutes attentives, In Passing Ascension se révèle être un premier album d’une maturité impressionnante, et d’une “fraicheur” bluffante. Un lien tissé entre le Black et le Death, qui en amalgamant les deux courants en créé un troisième, comme une voie non diplomatique qui ose briser les tabous pour mieux plaquer sa lucidité sur la table.
Un disque aussi effrayant que séduisant, aussi novateur que conservateur. Quelque chose d’insituable en soi. Ce qui à notre époque n’est pas le moindre des compliments.
Titres de l'album:
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