Dans le cloaque de la décomposition divine.
Voilà un titre accrocheur, pour le moins. Avec un tel en-tête, on est en droit d’attendre un énième glaviot Death Metal ou une croix renversée Black Metal, mais c’est finalement le Heavy Metal qui bénéficie de ce gimmick, mais pas n’importe lequel. Le Heavy à la danoise, celui qu’on a connu par les vices de MERCYFUL FATE, et qui depuis l’orée des années 80 défend un certain état d’esprit occulte et traditionaliste.
Pas n’importe lequel, mais pas par n’importe qui non plus. ALTAR OF OBLIVION est un nom sacrément connu de la scène épique, et qui depuis presque vingt ans nous a gratifiés de quatre longue-durée, dont le dernier, The Seven Spirits, avait une fois encore conquis son public. ALTAR OF OBLIVION revient donc sur ses terres pour constater l’étendue des dégâts, et nous propose une formule magique pour transformer un champ de ruine en prairie verdoyante. Verdoyante, mais pas trop. Après tout, le Doom s’accommode très bien de la solitude et de l’infertilité, et lorsqu’il est joué plus rapidement, au rythme d’un Heavy Metal noble et royal, il se trempe dans les eaux des légendes passées, celles que l’on raconte à ses descendants.
Mais avec In the Cesspit of Divine Decay, il est inutile de raconter quoi que ce soit. La musique le fait très bien par elle-même.
Qu’en est-il de ce cloaque montré du doigt par les danois ? Il est historique, véridique, et soulève le lièvre d’un projet fomenté depuis de longues années. Ce quatrième long est en effet basé sur les journaux personnels de l’arrière-grand-père maternel de Martin Meyer Sparvath, qui a combattu à regret pour l’armée allemande durant la grande guerre de 14-18. Ce récit est donc un terreau fertile pour des aventures homériques, des épisodes de violence crue, le déchirement de devoir combattre sous une bannière que l’on n’a pas choisie, et la solitude qui accompagne le silence après les combats.
Mais comme je le soulignais, le projet ne s’est pas monté au débotté. A vrai dire, la première maquette de cet album date de 2005, lorsque le groupe s’appelait encore SUMMONING SICKNESS. Il aura donc fallu pas loin de deux décennies pour qu’il voit le jour, sous la forme de dix titres aussi fondamentaux qu’émouvants, avec toujours en exergue, cette fascination pour le Doom le plus primaire, celui qui fut défini dans les grandes et petites lignes par le CANDLEMASS d’Epicus Doomicus Metallicus.
L’analogie est flagrante, et ce, dès « Nothing Grows from Hallowed Ground ». De la production à l’instrumentation, en passant par la composition et les arrangements, la sensation de retrouver l’impulsion tragique de ce classique au crâne piqué est saisissante, mais aussi rassurante. Car les danois, à l’instar des suédois, jouent le Metal avec conviction et passion, ne laissant passer que les riffs majeurs et les mélodies mineures, pour mieux saisir l’instant, et coller de près à la narration de cet aïeul soldat perdu dans ses combats.
Il aura fallu cinq ans pour que le quintet (Mik Mentor - chant, Martin Meyer Sparvath - guitare/guitare synthé, Jeppe Campradt - guitare/synthés, C. Nørgaard - basse, Danny Woe - batterie) daigne enfin sortir de l’ombre pour continuer sa saga. Mais ces cinq années paraîtront si dérisoires lorsque vous découvrirez le contenu de ce quatrième tome, à faire passer Tolkien pour un petit romancier à l’imagination bridée.
J’en tiens pour exemple le majestueux et dense « Mark of the Dead », qui passe par toutes les humeurs et toutes les ambiances, et qui décrit avec une acuité musicale parfaite l’atmosphère qui a pu régner durant ces cinq années d’affrontement. Les pleurs, les lamentations, les cris, les invectives, les ordres, les abandons, les morts, on peut presque sentir l’odeur de l’aube blafarde et celle des cadavres jonchant le champ de bataille. Et avec l’enchaînement fort à propos de « Altar of Oblivion » (qui comme vous l’aurez compris a inspiré le nom du groupe en 2005), la donne est sublime, et les intentions pures.
La promesse d’une aventure vécue est soulignée par un instrumental inattaquable, sublimé par des intonations vocales lyriques et emphatiques. Avec quelques claviers en contrepoint, partagés par les deux guitaristes, In the Cesspit of Divine Decay s’offre une grandeur et une variété incroyables, et le côté hypnotique de ces rythmiques insistantes ne fait que nous plonger dans un état de transe, quelque part entre le Danemark, l’Allemagne, la Suède et la France.
Loin des répétitions usantes de ceux confondant Doom et deux notes frappées ad nauseam, ce quatrième album est d’une beauté foudroyante, et d’une puissance assourdissante. La cohérence apportée à la narration musicale est parfaitement appropriée dans le cas d’une adaptation de journal intime, et les deux guitares lacèrent le ciel comme les tirs lacèrent les chairs. On se sentirait même perdu dans le passé en laissant notre esprit divaguer, tant les évènements sont traduits avec clarté (« The Night They Came »).
Sans chercher l’originalité à tout prix, mais sans non plus rester vouté sur ses convictions, le quintet se permet parfois des envolées saccadées et rapides, symptomatiques d’un hybride entre CANDLEMASS et la NWOBHM (« Silent Pain »). La fin de l’album, très intelligemment étudiée, offre un titre de proportions épiques pris en sandwich entre deux interludes mélodiques, comme pour mieux en marquer l’importance.
« In the Cesspit of Divine Decay » est évidemment le haut-fait de l’œuvre, comme un dernier combat à quitte ou double contre un ennemi qui finira par vous terrasser. L’humanité apparaît alors comme ce cloaque infâme, un bourbier sans nom, dans laquelle se noient l’espoir, la générosité, l’empathie et la fraternité. Ne restent plus que le désespoir, la pénombre, et les blessures à panser.
Ou la mort, à embrasser. Cette maîtresse femme qui a toujours été la muse fidèle des musiques les plus poétiques ou macabres. Et souvent, les deux à la fois.
Titres de l’album :
01. Nothing Grows from Hallowed Ground
02. The Fallacy
03. Ghosts in the Trenches
04. Mark of the Dead
05. Altar of Oblivion
06. The Night They Came
07. Silent Pain
08. Damnation
09. In the Cesspit of Divine Decay
10. Wind Among Waves
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