Le temps de l’analyse est fini, le constat est là, et irréfutable : c’est la merde la plus totale. Le monde tel que nous l’avons connu touche à sa fin, et si ma génération aura peut-être la chance de ne pas assister à cette triste mais logique apocalypse, la génération suivante va manger chaud dans ses illusions. Avouons-le, cette planète ne veut plus de nous, et je peux la comprendre. Nous l’avons pillée, détruite, ravagée, polluée, infestée jusqu’au noyau, dépeuplée de la plupart de ses espèces et rasée de son écosystème, et le pire, c’est que nous n’éprouvons que peu de remords pour cette abomination. Alors, ne reste plus qu’à trouver la bande-son parfaite pour des adieux programmés, et le premier LP des australiens de CONCEDE me paraît le chaos parfait pour illustrer cette dernière séquence de poulets sans tête qui courent dans toutes les directions en sachant qu’aucune n’est la bonne. Seul un groupe de Detroit, de Boston, de Birmingham ou de Perth était capable de retranscrire les affres de cette époque de désolation, et c’est justement d’Australie que viennent les CONCEDE, qui depuis quelques années assènent leur message avec une véhémence incroyable. Et après quelques EP’s et singles, le groupe a décidé de passer à la vitesse supérieure et de lâcher une bombe à la puissance phénoménale, compilation de vingt-deux explosions toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Et le hasard n’a rien à voir avec le fait que leur label hollandais les compare avec des références comme NAILS, le vieux NAPALM DEATH, DISCORDANCE AXIS, COCAINE PISS ou NASUM, puisque les australiens boxent dans la même catégorie. Il est certain qu’en affirmant qu’Indoctrinate renvoie les NAILS dans les cordes du Blues, Petrichor prend des risques inconsidérés, et se prépare à essuyer des critiques de la part des fans. Mais croyez-moi, si le label s‘engage dans cette voie, c’est qu’il sait pertinemment ce qu’il fait.
Et les faits sont là justement. CONCEDE sans rien proposer de neuf que ce mélange de Powerviolence et de Grind ne fait que copier ses aînés, mais avec une morgue incroyable. Rythmique atomique qui alterne le D-beat et le Grind, guitare qui tronçonne des riffs monolithiques, stridences et feedback en étendard, ce premier LP jette toutes ses forces dans la bataille, et ne fait pas de quartier. Disposant d’un son énorme, digne de l’association entre Kurt Ballou et Brad Boatright, Indoctrinate nous lave le cerveau des fausses informations, pisse sur les fake news, les prédicateurs de fortune, et les chefs d’état et d’entreprises qui continuent de voir la terre et ses ressources comme des valeurs marchandes. Tant de ressentiment et de haine émergent de ce longue-durée qu’on a du mal à l’écouter d’un trait, tant les titres nous étouffent de leur violence ininterrompue. Pourtant, cette brutalité a quelque chose d’hypnotique qui nous empêche de regarder loin du pendule que le groupe agite sous nos yeux, et dès « Indoctrinate », notre libre arbitre nous échappe, et notre sort est réglé d’avance. Nous sommes obligés de nous ranger à l’avis d’un groupe qui dépeint son époque avec une acuité musicale incroyable, et qui effectivement, ne peine pas à atteindre le niveau d’intensité d’un NAILS en pleine possession de ses moyens. Pas plus d’une minute et quelques secondes par morceau, ça suffit amplement à mettre le feu un peu partout, et à se rappeler au bon souvenir d’un Powerviolence joué à fond les ballons, et tirant méchamment sur le Grind.
Comme tout bon album du genre qui sait respecter les impératifs, Indoctrinate se termine évidemment sur un long et lent pamphlet de plus de cinq minutes, ce genre de pamphlets qui ont fait la réputation de BRUTAL TRUTH et NAPALM DEATH. Des conclusions lourdes et oppressantes, à la limite de l’Indus, qui ne font qu’ajouter au malaise ambiant. Mais le reste du répertoire, lapidaire et immédiat ne fait rien pour atténuer cette impression de désespoir, entre un chanteur qui crache ses tripes à chaque intervention, une section rythmique qui ne sait pas ce que « mid tempo » signifie, et un guitariste qui n’explore que la face la plus sombre de son instrument. Vraiment méchant et assourdissant, ce premier LP est plus qu’un simple départ, c’est une déclaration d’intention, un manifeste de brutalité livré tel quel, comme un cri de Janov poussé lorsqu’on a trop exploré son inconscient et fouillé ses souvenirs. C’est la bande-originale d’une époque qui ne connaît plus l’empathie, et qui continue sa course en avant à la recherche de sa propre destruction. Il n’y a pas grand-chose à dire d’œuvres pareilles, sinon les écouter, les approuver, et panser ses plaies avec un chiffon de fortune. CONCEDE se place donc directement dans la file des leaders, et n’attend pas son tour. De là, inutile de broder pendant des heures, le laïus ne ferait que desservir un album qui crie de lui-même. Mais la révélation du mois est déjà là, et peut-être celle de l’année dans le genre.
We are everything wrong with the world affirme le Bandcamp du groupe. Comment les contredire ?
Titres de l’album:
01. Indoctrinate
02. Through The Teeth
03. Brainwash
04. Burn In Your Own Hell
05. You Ruin Me
06. Proselytise
07. Misgiven
08. No Certainty
09. Influence
10. Baited
11. Deliverer
12. Bottom Feeder
13. Conditioned
14. Plagued
15. One With The Earth
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