Avant de commencer cette chronique, je me dois de vous faire un aveu : je n’ai pas écouté le moindre titre de CREMATORY depuis Act Seven. D’aucuns estimeront donc que je ne suis certainement pas le mieux placé pour chroniquer ce nouvel album, mais j’irai contre leur avis en émettant une opinion sur cet Inglorious Darkness qui m’a été chaudement recommandé par plusieurs collègues de la presse Metal. Bien sûr, plus de vingt ans et neuf longue-durée passés sous mon silence semblent un handicap difficile à combler pour émettre un avis objectif sur cette seizième réalisation du combo de Mannheim, mais le recul et la naïveté de la sincérité sont parfois les deux critères les plus utiles au moment de juger de la qualité intrinsèque d’une œuvre.
So…
Je m’attendais en premier lieu à un line-up complètement renouvelé avec un seul membre d’origine, et j’ai donc été agréablement surpris de constater que trois anciens étaient toujours fidèles au poste, avec évidemment Felix Stass au chant, mais aussi Markus Jüllich à la batterie et la programmation, et Katrin Jüllich aux claviers et samples. Le reste de la formation a été renforcée en 2015 par le guitariste Rolf Munkes, tandis que le poste de bassiste a été confié l’année dernière à Patrick Schmid. Mélange de sang pur et neuf, le CREMATORY 2022 se présente donc sous son premier jour nouveau pour cet Inglorious Darkness, intervenant deux ans après Unbroken et quatre après Oblivion.
Et dès la première écoute, j’ai retrouvé le CREMATORY que j’avais apprécié dans les nineties, quelque part entre PARADISE LOST et OOMPH !, gothique et Tanz Metal à la fois, et toujours aussi doué pour trousser des ambiances gothiques à souhait, toutefois plus proches d’un décorum victorien factice que de la Hammer ou de BAUHAUS. Les allemands, fidèles à leur approche nous livrent donc une nouvelle pelletée de tubes, qui parfois rappellent un RAMMSTEIN Pop/Metal, comme en témoignent de nombreux hits forts en refrains fédérateurs et chœurs à profusion (« Trümmerwelten »).
La reprise de contact s’est donc effectuée sans douleur, le style du quintet n’ayant pas vraiment changé. Si parfois, certains de leurs albums pouvaient paraitre forcés, ou pour le moins accouchés dans la douleur, Inglorious Darkness sonne lui très naturel, instinctif mais réfléchi, et apte à séduire un public avide de tempo sautillant et de riffs purement germains (« Rest in Peace »). Le CREMATORY d’Awake n’est donc pas si loin dans les mémoires et les faits, et j’ai pris beaucoup de plaisir à retrouver l’énergie rigoureuse des allemands, leurs rythmes si dansants, et cette voix grave et rauque, en réminiscence des premières années encore placées sous le signe d’un Death Metal propre et subtilement électronique.
En quarante-huit minutes, CREMATORY effectue un survol sympathique de sa propre carrière, se montre allusif à toutes ses étapes ou presque, lâche des bombes de dancefloor à une cadence élevée (« The Sound of My Life »), reste concis et concentré, mais n’oublie pas non plus la grandiloquence des années gothiques, que l’on savoure claviers en avant. « Tränen der Zeit », encore une fois assez proche d’un RAMSTEIN des jours tranquilles prouve s’il en était besoin que le groupe reste l’une des influences possibles de Till et sa bande, tout comme « Until We Meet Again ». Avec ce mélange d’anglais et de langue gutturale natale, CREMATORY offre une variété de diction non négligeable, et nous sert encore bouillants des morceaux en fusion, comme ce « Zur Hölle », rouleau-compresseur en mid-tempo charnu, qui sautille sur un riff addictif aux syncopes futées.
Bien que cohérent de bout en bout, Inglorious Darkness n’est reste pas moins diversifié pour ne pas lasser. Les ambiances Dance succèdent aux humeurs plus sombres et Heavy, le tout mis en exergue par un son parfait, aux graves en écho et aux arrangements très distincts. Les fans seront donc comblés par ce nouveau chapitre de la saga qui saura récompenser leur fidélité, mais qui permet aussi à certains ayant abandonné le navire il y a bien des lunes de rejoindre la croisière.
Certes, le style CREMATORY dispose d’une marge de manœuvre très réduite, et si en observateur lointain j’ai cru reconnaître le groupe que j’avais connu dans les nineties, cela signifie qu’il ne s’est guère éloigné de ses obsessions. Mais après tout, il est toujours sympathique de faire un bond dans le temps, et de constater que des valeurs sures le sont toujours. Bonne surprise donc sans en être une, et un disque presque parfait de bout en bout, qui a de faux-airs de Best-Of déguisé en nouvel album.
Titres de l’album :
01. Inglorious Darkness
02. Break Down the Walls
03. Trümmerwelten
04. Rest in Peace
05. The Sound of My Life
06. Tränen der Zeit
07. Until We Meet Again
08. Zur Hölle
09. Not for the Innocent
10. Forsaken
11. Das Ende
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