Le Thrash, what else ? Après tout, pourquoi aller s’ennuyer (pour rester poli) à aller chercher notre dose de grisant ailleurs, alors que tout est là, depuis les origines ? Allez, dites-moi quel album depuis Reign In Blood, Darkness Descends ou Terrible Certainty vous a fait vibrer les cheveux amassés et collés dans un même mouvement tournoyant de cou délié, vous laissant en sueur dans votre petite chambre d’étudiant, attendant que maman vous appelle pour un repas frugal ?
Vous voyez bien, vous n’arrivez même pas à répondre…Alors admettons quand même que certains artistes, hors les murs, ont su domestiquer la violence pour nous la restituer de façon agencée, mais bien cramée. Mais même en acceptant cet état de fait, le Thrash reste la part de l’underground que tous les fans d’extrême se partagent avec complicité, sachant pertinemment que ce gâteau de brutalité saura les rassasier. Et si autant de combos se répandent depuis des années dans une nostalgie que rien ne semble pouvoir enrayer, il y a des centaines de raisons à cela…
La principale étant qu’en matière de Metal inoxydable, le Thrash est toujours roi. On ne se lassera jamais de ces saccades, de ces coups de reins rythmiques qui nous envoient dans les platanes, et de ces lignes vocales revanchardes, prônant l’équité sociale et dénonçant les injustices écologiques ou raciales. D’ailleurs, les chiliens de DEMONIAC l’ont très bien compris, et ce, depuis leur formation en 2011…
Leur but a toujours été raisonnable, propager la bonne parole brutale dans leur ville et pays natal, pour tenter de fédérer le public aux résonnances d’un style qui n’a jamais perdu la cadence. Une première démo en 2011, éponyme, un EP dans la foulée (Judgement Of Death), des problèmes de line-up, et une seconde démo, The Unacceptable Truth, il y a trois ans, avant de stabiliser la formation pour revenir plein d’allant. Et avec un peu de patience, le quatuor (Vicente – basse, Rodrigo – batterie, Nicolas – guitare, Javier – guitare/chant) peut enfin savourer les fruits acidulés de sa victoire, sous la forme d’un premier longue durée qui montre que le gang n’a rien changé à son approche, mais qu’il l’a subtilement mélodisée et radicalisée. En même temps. Mélodies et coups de folie se partagent donc la scène sur ce premier LP haut en couleurs, comme sa magnifique pochette au trait grossier, mais à l’imagerie travaillée. C’est donc avec un plaisir non feint que nous découvrons les chiliens au top de leur forme sur cet Intemperance, qui sans révolutionner le genre, lui apporte un peu de fraîcheur sud-américaine bienvenue, à haute dose de Thrash bestial et de Thrash infernal.
Car les DEMONIAC tiennent à rester Thrash jusqu’au bout du staccato, et ne dévient jamais de leur fréquence radio. Cette dernière est bloquée sur les ondes propagées il y a une trentaine d’années, par des groupes comme SEPULTURA, mais aussi MACABRE, et d’autres chantres de la série B, qui refusaient de diluer leur violence dans une approche amadouée, histoire de séduire les plus rebutés. Ici, c’est la méchanceté qui prime, transcendée d’un niveau instrumental estimé, ce que démontre avec brio une composition aussi détonante que « Cheating Destiny », qui risque en effet de faire basculer leur destin pour leur promettre de meilleurs lendemains.
Ceux-ci risquent d’être exposés et de franchir leurs frontières tant la dextérité du quatuor s’accorde à merveille d’une véhémence démente. Les pistes s’enchaînent à un rythme à peine modulé de quelques interventions harmoniques bien distillées, alors même que les morceaux s’échinent à faire durer le plaisir. Dotés d’un son un peu grésillant qui s’adapte aux exigences d’une nostalgie de temps, les DEMONIAC nous ramènent des années en arrière, avec une telle aisance qu’on se demande même si certains ne leur auraient pas refilé quelques tuyaux par derrière. Rapide comme du VIO-LENCE, méchant comme du BULLDOZER, précis comme du SLAYER et euphorique comme du RECIPIENTS OF DEATH, leur Thrash sans barrières explore tous les recoins du genre pour en retrouver l’essence affolée, et les parties méchamment velues succèdent aux breaks charnus, pour nous faire tournoyer la tignasse le temps voulu. C’est certes fondamentalement classique, mais toujours digne d’intérêt. Les bougres savent instaurer la confiance entre eux et leur public, en entamant les débats d’un tonitruant « The Unacceptable Truth », qui ne tarde pas à fixer les objectifs. Duo basse/batterie en pleine osmose, complémentarité de guitares qui osent, et unisson fracassant d’un Metal bouillant, le tout survolé d’un chant un peu grinçant, mais qui sait montrer les dents pour effrayer les passants. On nage en pleine jouissance Thrash, qui crache, cravache, et avance sans relâche, tout en ménageant quelques instants de faux calme histoire de nous permettre de reprendre notre souffle haletant.
Difficile d’extraire un morceau d’anthologie, puisque la masse en regorge, même si le magique « Intemperance » justifie son éponymie de mélodies simples mais alanguies. METAL CHURCH, SLAYER, TESTAMENT, les influences se bousculent et honorent ces nouveaux chevaliers pressants, qui ont tout compris au principe de vases communicants. D’un côté, la violence coule dans le gosier, qui régurgite ses excès de cris incontrôlés, confronté à tant de plaisir hargneux intensifié par un niveau technique fameux. Alors, on passe l’album, on se le repasse pour tenter de trouver la faille qui permettra de glisser un reproche ou deux, en vain, puisque chaque écoute nous conforte dans un bonheur certain. « Dimorphic Feelings » se permet même de toiser de sa vélocité mâtiné d’une subtile harmonie ciselée tout le gratin des fanatiques d’un old-school qui n’a de cesse de nous harceler, et le quatuor a même l’intelligence d’imposer de longs passages sans chant qui nous permettent d’apprécier leur vilénie musicale. Pas de temps mort, même si parfois, la modération laisse un Heavy solide assurer le fond (« When Witchcraft And Cult Rises »), mais les BPM reprennent vite leurs droits pour que l’on n’attrape pas froid. Batteur qui connaît son boulot, bassiste qui assure la cohésion mais qui se permet quand mêmes quelques incursions, et paire de guitaristes qui tricotent des motifs de saison. Et même lorsque les tranches débitées se veulent plus fines qu’à l’accoutumée (« Death Comes », malin, racé, mais aussi complètement speedé, histoire de rendre hommage aux DESTRUCTION qui ont tant scié que les copeaux s’amassaient à leur pieds cloutés), pour un final qui frise l’overdose d’ingrédients qui se décomposent (« Forging Our Sorrow », parfait résumé qui se permet même de faire grimper l’intensité).
En résumé, le Thrash. What else ? Les chiliens de DEMONIAC vous répondent sans détour avec leur premier album, Intemperance.
Rien.
Titres de l'album:
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