Into Certain Death

Ragehammer

18/09/2020

Pagan Records

Dans ma prime jeunesse, lorsque je zieutais les photos dans les magazines Hard & Heavy, j’avais toujours les foies en regardant ces musiciens bardés de cartouchières et de cuir, aux mines patibulaires, et dont la taille des clous était souvent inversement proportionnelle au talent. J’avais toujours peur qu’ils sortent des pages pour venir me piquer mes madeleines au chocolat et me faire des grimaces à hanter mes nuits blanches. Il faut dire que certains ne lésinaient pas sur les effets choc. Quincaillerie dévalisée pour une séance de promo faite maison, tronches de psychopathes baisant les pieds fourchus de Satan, présence systématique d’une pauvre jeune fille certainement kidnappée sur le bord de la route et à qui ils avaient subtilisé de force son panty, chèvres, boucs, croix plantées dans le mauvais sens, il y avait de quoi avoir des sueurs froides, et en découvrant les pochettes de SLAYER, DESTRUCTION, KREATOR, VENOM, le jeune fan de musique bruyante était soudainement pris de spasmes, et d’une terreur indicible de l’inconnu. Mais en même temps, et comme souvent, cette peur s’accompagnait d’un désir incontrôlable, celui de s’approcher de la quintessence du mal, comme une drogue interdite qu’on n’avait pas le droit de sniffer. Mais le temps passe, le jardin de son enfance rétrécit, les héros d’antan sont en maison de retraite ou devraient l’être, et les nouveaux musiciens utilisant les mêmes codes ne nous font plus flipper depuis longtemps, bien au contraire. Tiens, on les trouve même sympathiques, et on a immédiatement envie de s’en faire des potes, à l’image des polonais de RAGEHAMMER. Car les RAGEHAMMER depuis leur naissance en 2011 n’ont eu d’autre but que de retrouver ces sensations d’adolescence, lorsque VENOM, BATHORY et HELLHAMMER se disputaient le titre de groupe le plus mauvais et méchant de la décennie, avant que le Grind et le Raw Black n’emportent le titre sans mérite. Et après nous avoir gentiment rossés avec leur premier long The Hammer Doctrine, qui portait bien son nom, les originaires de Cracovie reviennent nous conter fleurette sur fond d’extrême des années 80.

Et les marsouins s’y connaissent en nostalgie, eux qui mélangent à loisir Thrash, Black et Death avec un panache indéniable. Avec leurs gros couteaux de chasse, leurs vestes en jean patchées à outrance de références anciennes, les quatre polonais (Corpsebutcher - basse, Mortar - batterie, Bestial Avenger - guitare et Heretik Hellstörm - chant, les mêmes depuis le début) nous proposent encore une fois la musique la plus brutale et jouissive du marché, ne répondant qu’à un seul objectif : jouer le plus vite possible, le plus bruyamment, le plus brutalement, sans recycler les œuvres passées des influences qu’ils pillent pourtant avec beaucoup de foi. En les faits, cette créature à quatre têtes et deux manches se pose en rejeton diabolique de SODOM et MAYHEM, élevé par les IMPALED NAZARENE et parrainé par Quorthon lui-même. Soit la quintessence d’une éducation dans le bruit et la fureur, l’impolitesse crasse et les mollards balancés du balcon sur les passants. Mais aussi rudes et brutes soient ces musiciens qu’on ne présenterait pas à ses parents, leur attitude a toujours été la bonne : aborder la bestialité sous son aspect le plus fun, et ne jamais rechigner à aller au-delà du bout de l’extrême des choses. Si certains groupes ont encore des prétentions artistiques dans la luxure, tel n’est pas le cas des polonais, qui jouent la franchise d’une musique immédiate, crade, mais tellement bien emballée et rigolote qu’on en devient fan à la première écoute. The Hammer Doctrine prônait une technique simple : assommer l’auditeur avec des rythmiques nucléaires, lui faire entrer des idées malsaines dans le crâne à la masse, et le trancher à vif avec les riffs les plus aiguisés. Le convertir au satanisme de pacotille avec des hymnes simples et instantanés, et lui offrir le pouvoir le plus absolu du Metal : la vitalité de la méchanceté.

Mais il n’y a rien de méchant finalement chez les polonais. Leur musique a beau être aussi violente qu’une crise de colère de Tom Angelripper en découvrant Pleasure to Kill, elle n’en reste pas moins bon enfant et salement attendrissante. Spectacle de clowns sur la piste du Metal extrême le moins sérieux du marché, Into Certain Death est le plus bel hommage non déguisé à l’extrême des années 80, lorsque le genre commençait à pousser les vieux meubles en formica pour se faire de la place, défiant les modérés sur le terrain de la gaudriole assourdissante. On se souvient de l’effet produit par le premier VENOM sur les organismes un peu fragiles, personne n’a pu oublier que Reign in Blood a traumatisé des générations entières, et il est inutile de nier qu’Obssessed by Cruelty a mangé chaud dans les colonnes de magazines. Et en dix morceaux, et quarante-six minutes de barouf, RAGEHAMMER tente à tout prix de ressusciter la défunte chronique d’Enfer Magazine, « Et pourtant ils tournent », pour pouvoir y figurer aux côtés de ses héros éternels. Un seul mot d’ordre, l’intensité. L’album dégage un délicieux parfum nostalgique, mais sait s’adapter à son époque via l’ambition d’une production claire aux détails prononcés. Ainsi, la méchante basse de Corpsebutcher cogne plus fort et plus brillant que celle du Necrobutcher de Deathcrush, et tourbillonne avec beaucoup plus d’énergie et de brio que celle de Cronos. La guitare de Bestial Avenger, beaucoup plus carrée que celle de Destructor de SODOM passe en revue le bréviaire des riffs les plus evil, et pendant ce temps-là, la batterie de Mortar et le chant de Heretik Hellstörm sont en parfaite adéquation dans l’excès. Encore plus fou et improbable que leur premier LP, Into Certain Death est un long poème écrit en l’honneur de l’horreur des années 80, tout en admettant quelques clins d’œil à l’abomination des nineties. Carré, précis, suintant de stupre, ce second chapitre de l’odyssée sanglante des polonais est un plaisir même pas coupable, et certainement l’œuvre old-school du mois.

En acceptant le fait que les riffs se ressemblent tous, que Hellstörm hurle comme un damné pendant quarante-cinq minutes, on rentre totalement dans le jeu, qui se termine par une conclusion gargantuesque de près de neuf minutes. « Prophet of Genocide part II (Mother Winter Eternal) » est un peu le genre d’épilogue à la MAIDEN détourné par BATHORY, et prouve que les musiciens en ont plus dans la caboche que le VENOM d’At War with Satan. Gentiment cruels, sympathiquement repoussants, les RAGEHAMMER nous trimbalent dans leur voyage temporel, pour nous ramener dans le tunnel de la peur de notre adolescence. Alors certes, on voit aujourd’hui que les monstres sont en carton, que les pignons manquent d’huile et que toiles d’araignée sont en feutrine. Mais avec un peu d’imagination, on s’y croirait encore. Et ça, ça n’a pas de prix.                                

                                                

Titres de l’album:

01. Beneath the Red Suns

02. We are the Hammer

03. Jesus Goat

04. Peace

05. Na Pewną Śmierć

06. 616. TerrorKorps

07. Fear Toxin

08. Omega Red

09. Dragon City

10. Prophet of Genocide part II (Mother Winter Eternal)


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par mortne2001 le 14/07/2021 à 17:46
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