Quand on est un fan de Death Metal de la première heure, il y a des gimmicks qu’on ne peut plus se sortir de la tête. Des petits détails qui ont fait la trademark du genre, et qui aujourd’hui encore résonnent dans nos pauvres cerveaux chamboulés. John Tardy dégueulant « Slowly We Rot », Glen Benton couinant « Dead by Dawn » de sa voix de sorcière possédée sur le bûcher, la caisse claire de « Cromlech » par DARKTHRONE, et le séminal hurlement « Scream, bloody, goooooooooooooooooooooore !!! » de notre regretté Chuck. J’ajouterai à cette liste un accent particulier, venu de la perfide Albion. Un réflexe presque automatique lorsqu’on prononce le nom de ce groupe qui a un jour posé sur la table l’incontournable : « Cancer fuckin’ cancer ! ». Je veux bien sûr parler de CANCER, cette énorme responsabilité qui repose aujourd’hui sur les épaules solides de son leader, John Walker, guitariste/chanteur depuis les débuts, et partageant la scène aujourd’hui avec de jeunes loups aux dents très longues.
CANCER a eu un parcours pour le moins erratique. Deux hiatus de quelques années, et des albums parus au petit bonheur la chance, le dernier, Shadow Gripped accusant déjà sept années en cave. Il était donc grand temps de lui donner un successeur afin qu’il jouisse d’un repos bien mérité, et une fois encore, John a fait le tri dans son orchestre pour débaucher trois nouveaux comparses. Daniel Maganto (basse, ETERNAL STORM, LIQUID GRAVEYARD, SACTHU, ex-TEETHING, ex-UNDER VULTURES, ex-OUTER HEAVEN), Gabriel Valcázar (batterie, BIZARRE, DISSOCIA, WORMED, ex-BLACK DESERT, ex-METAL AGAINST CORONAVIRUS, ERNIA, ex-APOSENTO, ex-6TEPS, ex-INVISIBLE SYMMETRY, ex-TEMPO PHONIA) et Robert Navajas (guitare, ex-DIE II REBORN, ex-MAD-ERA, ex-SOUTHGATE) se sont donc regroupés autour de leur nouveau patron ces deux dernières années, et je dois reconnaître que ce cher John a fait le bon choix.
Le backing-band est solide comme le roc, et le meneur de troupe toujours aussi motivé. On reconnaît évidemment la patte CANCER, celle qui métastase tes cellules plus rapidement qu’un virus inconnu, ce son hybride qui sent bon l’Angleterre adaptée aux standards de qualité américains, et surtout, cette énergie incroyable qui n’a pas forcément besoin de vitesse pour s’exprimer à plein régime. Lourd, insistant, le Death Metal enregistré sur Inverted World est à l’image de sa pochette. En contreplongée, morbide à souhait, et teinté de couleurs fanées et d’un rouge sang séché.
Les quelques doutes subsistant éventuellement sont immédiatement balayés par l’efficacité et la franchise de « Enter the Gates », titre d’entame comme on en rêve dans nos plus beaux cauchemars. Le groove est là, bien poisseux, l’attitude est ferme, et la poigne solide. En cinq minutes, CANCER nous laisse à penser qu’il n’est parti que la veille, tant notre mémoire se souvient des traces sonores précédentes. Enorme riff redondant qui pioche dans les coffres du passé, production sévère qui ménage les graves et tasse un peu les aigus, dynamique incroyable pour un souffle morbide à la frontière d’une rencontre entre CELTIC FROST et BENEDICTION. La colle prend immédiatement, et comme du papier tue-mouches, nous englue dans sa méchanceté sans que nous ne nous débattions pour nous en extirper. Quel bonheur de mourir dans la souffrance la plus absolue, du moment que la bande-son de nos adieux est composée par ce groupe à part, parfois oublié des podiums mais qui mérite pourtant sa place dans le top 10 des Death acts les plus nauséabonds.
Nauséabond, mais sans forcer. Inverted World ne fait que s’adapter à son époque, et nous brosse un portrait sans vitriol d’un monde à l’agonie, celui que nous décrivent les musiciens de Floride depuis les années 80. Avec un sens de l’efficacité sans pareil, CANCER pond une dizaines d’hymnes à la cruauté et à la lucidité, sans jamais négliger le facteur contagieux. L’up tempo de « Bodies » est une petite merveille du genre, qui fonctionne grâce à l’implication de musiciens entièrement voués à leur art post-mortem, et qui se sentent bien dans leurs cercueils.
Les mélodies biscornues et vicieuses, le timbre de voix si râpeux de Walker, qui s’il n’est pas un texas ranger sait comment faire respecter sa loi. Les commandements sont simples : actualiser le Death de papa pour l’intégrer aux coutumes de la nouvelle génération, celle-là même qui s’obstine à recycler les idées de tonton pour faire croire qu’elles sont originales.
Pour être un peu trivial, je soulignerai que j’ai pris un pied d’enfer à déguster cet album. Son amertume, sa puissance en gorge et sa capacité à transformer un estomac en fournaise m’ont mis de fort bonne humeur, et après quelques écoutes attentives, j’ai pu me lâcher, certain du caractère exceptionnel de cette cuvée. « Test Site », vilain comme la perruque de Bernard Darniche, « Amputate » affutant les instruments pour l’ablation d’un ou plusieurs membres, « When Killing Isn’t Murder », pièce de choix dans une galerie de portraits déformés, le tracklisting est classique, mais d’une jouissance infinie.
Oui, la mort peut faire plaisir. On peut se laisser glisser le long de la pente du sadisme et regarder le monde à l’envers, pour voir s’il a quand même une sale gueule. Et vu la tronche de ces dix titres, le constat est sans appel : d’un côté comme de l’autre, l’humanité fait grise mine et commence déjà se décomposer.
Je pense sincèrement que CANCER fait plus qu’honorer son rang. Il cherche toujours à se renouveler sans se trahir, pour rester la tête hors de l’eau du déluge old-school. Ce qui nous entraîne sur des pistes embrumées, comme celle qui aboutit au mystique et délétère « Jesus for Eugenics », ou celle qui explose au son de l’énorme basse de « Corrosive ».
Travail de passionné, ce septième album profite du repos de Dieu pour louer ses propres saints. Ceux de glace, les glin-glin, le Saint-Albray et beaucoup d’autres qui sentent plus ou moins mauvais. Mais vous le savez, et je le répète quand même, pour être sûr que le message passe :
CANCER fuckin’ cancer !
Titres de l’album :
01. Enter the Gates
02. Until the Died
03. Inverted World
04. Bodies
05. Test Site
06. Amputate
07. When Killing Isn’t Murder
08. Covert Operations
09. Jesus for Eugenics
10. Corrosive
Un report ? Je crois que j’y reviendrai l’an prochain mais deux jours afin de mieux profiter. J’en connais qui ont du moins apprécier le camping avec l’orage du dernier soir
16/05/2025, 06:52
Avec Massacra legacy, ça commence nettement à avoir plus de gueule ! Reste à voir la suite des annonces. Mais je crois que je vais plus préférer le Westill le mois suivant au même endroit cette année, déjà Elder et Wytch Hazel de confi(...)
13/05/2025, 07:48
Mea culpa....J'avais pas vu la news en première page - j'ai été directement te répondre.
12/05/2025, 14:33
S'il est du même acabit que le The Cthulhian Pulse: Call From The Dead City sorti en 2020, Mountains of Madness risque d'être un allday listening pour moi.J'ai hâte, bordel !
12/05/2025, 13:44
J'étais passé totalement à côté de cette petite pépite de Death Suédois!Vieux moutard que jamais!Puteraeon glisse de belles ambiances lovecraftiennes sur cet album et les arrangements apportent un plus à l'ensemble.
12/05/2025, 13:42
Necro est sympa, avec de bons passages groovy et d'autres où le groupe envoie du bois.Pas sûr de l'écouter durablement, d'autant plus que le prochain Puteraeon sort le 30 avril prochain.
12/05/2025, 13:40
Sentiment mitigé pour ma part Le chant de Johan Lindqvist n'atteint pas un pouïème de ce qu(...)
12/05/2025, 13:38
Au vu de la dernière vidéo-ITW en date du gonze sur ce site, pour ce qui est de "feu sacré", il a toujours l'air de l'avoir le mec.Je pars donc confiant.
08/05/2025, 09:17
@ MobidOM :oui, pas faux pour la "captation d'héritage" ! :-/ En même temps, s'il a encore le feu sacré et propose un truc pas trop moisi... De toute façon la critique sera sans pitié si le truc ne tient pas la(...)
07/05/2025, 11:52
Ah ce fameux BRUTAL TOUR avec Loudblast / MASSACRA / No Return et Crusher en 95 ! LA PUTAIN de bonne époque
07/05/2025, 11:04
@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)
06/05/2025, 20:29
"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)
06/05/2025, 20:28
Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.
06/05/2025, 19:29
Vénérant ces albums et n'ayant jamais vu la vraie incarnation de Massacra, hors de question de louper ça (si ça passe à portée de paluche, pas à Pétaouchnok). Un peu comme un "Death To All"...
06/05/2025, 17:11