It All Began With Loneliness

The Anchoret

23/06/2023

Willowtip Records

Nouveau projet mené tambour battant par James Knoerl (batterie, DEATH'S EMINENCE, LIKE FLIES, THUN, ABIOTIC (live), AVIATIONS, BLUMEN, BRAND OF SACRIFICE, GARGOYL, WITH A SMILE, ex-EVOKING WINDS, ex-THE FACELESS (live), ex-THREAT SIGNAL (live)) et Sylvain Auclair (chant, HEAVEN'S CRY, ex-UTOPY, ex-WIDESIDE), THE ANCHORET n’est pas qu’un groupe de Metal progressif de plus. Non, les deux têtes pensantes l’ont voulu beaucoup plus ouvert, confrontant les flutes et le mellotron aux accents d’un Metal extrême qui l’est vraiment, pour produire un son différent de ceux des références les plus connues du milieu.

Cette différence est affirmée dès « A Dead Man », deuxième de couverture d’une richesse incroyable, et qui place d’emblée le projet sous le signe de la perfection, mais aussi de la liberté de ton. Immédiatement, nous sommes saisis par le jeu incroyable de James Knoerl, qui ose placer des blasts dans un contexte Progressif classique, tandis que son complice plaque des lignes de chant simples et pures sur une texture complexe, en écheveau de sons qui se télescopent et d’influences qui se fondent les unes dans les autres.

Autour des deux hommes, un trio pour le moins capable. Andy Tillison aux claviers, Eduard Levitsky à la basse et Leo Estalles à la guitare, pour un long voyage aux tonalités parfois orientales, souvent alternatives, dans un désir de fournir une carte d’embarquement à PORCUPINE TREE, OPETH, DREAM THEATER et même SPOCK’S BEARD.

Cette énergie incroyable se manifeste même lors des passages les plus calmes. Le quintet joue serré, mais laisse de l’air aux parties les plus mélodiques, et alterne avec flair l’intensité et l’ouverture, un peu comme si CYNIC s’appropriait le répertoire de YES en suivant des partitions de MOTORPSYCHO. Le métissage est donc de mise, mais la cohérence reste l’obsession majeure. Car la diversité peut vite se transformer en porte ouverte à tous les excès de bricolage, ce qui, à terme, peut transformer un excellent album de Progressif en auberge espagnole pas vraiment sélective.

Cohérence, mais beauté, et poésie.

Le travail des musiciens est à ce point remarquable qu’on finit par fermer les yeux pour tenter d’imaginer une histoire et un décor idoines, pour s’évader d’une réalité bien trop triste. « Until the Sun Illuminates » ose un sax s’époumonant sur un instrumental que Métropolis 2000 proposait sur sa fin, et si les points communs entre les deux formations sont nombreux, elles ne peuvent pas pour autant être vraiment comparées. Beaucoup plus perméable au Post Metal que ne l’a jamais été la formation de John Petrucci, THE ANCHORET se fait jonction entre les époques, allusif aux nineties, mais directement inspiré par les années 70, lorsque le genre était au pinacle de sa gloire.         

Intrigué par cette pochette étrange, qui semble symboliser une fuite indispensable, l’auditeur s’immergera sans peine dans cette histoire d’introspection, aux nombreux chœurs riches et denses, et aux évolutions naturelles pleines de grâce. On a même de temps à autres le sentiment de suivre une histoire qui emprunte des chemins de traverse et des ruelles sombres, posant les jalons d’une sous-intrigue parallèle, qui au bout du compte s’intègre à la narration principale. C’est le cas du fulgurant et magnifique « Someone Listening », imbrication subtile et fragile comme du cristal, et qui pourtant s’appuie sur un jeu de guitare agressif et une batterie en constant mouvement.

Etant totalement fan du genre, et spécialement de ses représentants les plus intrépides, j’ai été conquis par ce long disque aux ambiances veloutées et/ou puissantes. Si le fil d’Ariane est facilement visible, les surprises ne manquent pas, mais c’est évidemment le côté sensible et humain de l’affaire qui fait son charme, la perfection instrumentale le disputant à la sincérité musicale.

Et ce saxo…Omniprésent du début à la fin de l’album, il lui donne une tonalité eighties très prononcée, comme une bande-originale de dérive nocturne et de rencontres entre divers personnages abimés par la vie, partageant leur solitude le temps d’une discussion. Lieu de rencontre improbable, abribus perdu dans la ville, It All Began With Loneliness est une sorte de série noire ou de drame joué live en studio, peaufiné à l’extrême, mais ni aseptisé ni édulcoré.    

La longueur du projet respecte le cahier des charges du Progressif traditionnel, et la diversité d’approche permet une écoute précise, à la recherche du moindre détail important. L’intro de « Buried » par exemple, entre Metal extrême et Progressif agressif, les assonances et dissonances du long et envoutant « All Turns to Clay » qui une fois encore se la joue TOOL en version moins contemplative et nombriliste, l’efficacité trouble de « Unafraid » qui emploie toujours ces chœurs déviants à plein régime, comme pour célébrer une messe intime et fantomatique dans une église fatiguée aux bancs usés par le temps.

On remarque d’ailleurs à peine une ou deux silhouettes sur ces mêmes bancs, deux silhouettes floues et humides qui se tiennent la tête, et qui parlent en silence. Deux êtres qui ont fait le choix de l’isolation, au risque de le regretter au moment de trouver une âme sœur pour briser le désespoir. Cette âme sœur peut être cette beauté trouble et musicale qui nous oblige presque à l’introspection, ou ces à-coups rythmiques qui accélèrent les évènements et forcent à choisir.

Et choisir d’écouter ce disque est un réflexe naturel. Une survie artistique obligatoire, une richesse collective au service d’individualités passionnées. Il n’est jamais trop tard pour trouver un sens à son existence. THE ANCHORET peut vous y aider, en toute humilité.

   


Titres de l’album:

01. An Office For...  

02. A Dead Man       

03. Until the Sun Illuminates

04. Someone Listening         

05. Forsaken  

06. Buried      

07. All Turns to Clay 

08. Unafraid  

09. Stay


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