Voici encore une preuve tangible que le Black Metal n’admet aucune limite d’inspiration et d’anti-musicalité. Nous connaissions tous la propension du style à exagérer ses côtés les plus sombres et bruitistes, mais il est toujours rassurant de savoir que certains artistes continuent de faire tomber les barrières de la normalité. Si la plupart des groupes du cru se divisent entre plusieurs catégories, les puristes raw d’un côté, les plus complaisants et raisonnables de l’autre, les progressifs, les nihilistes, les cacophonistes acharnés, il existe encore un créneau occupé par quelques rebelles qui ne se retrouvent pas dans ces étiquettes, et qui préfèrent modeler leur monde à l’image de leur créativité. C’est ainsi qu’en 2016 fut mis sur le marché un album étrange, fruit d’une psyché torturée, s’étant baptisé Kadingir. On retrouvait derrière cette œuvre un certain Lalartu, seule tête pensante de TITAAN, au sujet duquel peu d’informations filtraient. Tellement peu qu’en fait, il n’y en avait pas du tout, personne n’étant capable d’identifier le bonhomme, ni de savoir de quel pays il enregistrait ses exactions. Alerté par un mail détaillé d’Aeternitas Tenebrarum Musicae Fundamentum (ATMF pour les intimes), je notais sur mes tablettes sombres la sortie d’un second méfait, qu’on me présentait alors comme encore moins compromis que le premier. Et en effet, si Kadingir jouait encore la forme plus ou moins consensuelle (seize morceaux pour une heure de musique), Itima abandonne tout classicisme pour se vautrer dans l’expérimentation la plus absolue, avec quarante-six minutes de chaos pour…une seule pièce de musique. Musique, car l’art de cet artiste non identifiable est indéniable, et bien loin des turpitudes Noisy habituelles à ce genre de concept. Et en lâchant Itima, Lalartu nous prouve s’il en était besoin que le Black Metal est encore le seul genre à faire preuve de culot, sans sacrifier la qualité à la provocation.
Un morceau, quarante-six minutes, on serait tenté de se souvenir de la douleur émanant d’ABRUPTUM et de tous les projets misanthropes du BM de ces trente dernières années. Pourtant, il n’en est rien, et ce second album est aussi libre qu’il n’est agencé et logique, avec ses différentes parties et ses atmosphères délétères, qui s’emboitent et se complètent comme l’humanité avance vers sa fin inéluctable. Aussi seul aux commandes qu’il ne l’est au sein de son autre projet DIĜIR GIDIM, Lalartu avance à vue, mais anticipe chacun de ses pas, mesure ses progressions, et continue d’explorer et exploiter la face la plus avant-gardiste du BM contemporain, se rapprochant des DODECAHEDRON, WOLVES IN THE THRONE ROOM, DEATHSPELL OMEGA, tout en gardant son libre arbitre et son indépendance farouche. En tablant sur une violence omniprésente renforcée par de interventions Ambient tout à fait malsaines, en jouant sur l’alternance de chaos et de fausse quiétude glauque, le mystérieux musicien tisse une toile dans laquelle l’auditeur vient s’engluer de lui-même, se débattant dans ces fils collants pour tenter de s’extirper d’un piège musical cauchemardesque. Très cohérent dans son déroulé, le musicien autodiscipliné nous offre donc une pièce musicale tenant du théâtre de l’absurde et de l’horreur, sorte de songe sombre mis en musique, utilisant toutes les possibilités d’un style extrême qui n’en manque pas. Nous passons donc sans transition d’un BM âpre et dur, vraiment noir, aux blasts sans équivoque, à des transitions mélodiques minimalistes, le tout enrobé d’un dramatisme de circonstance avec percussions éparses, cris empilés en couches vocales, et guitare qui tient plus le rôle d’un second poste rythmique que d’une source mélodique de premier plan.
Le travail est dense, et le résultat étrange. Il fascine évidemment, par cette succession de chapitres qui s’écoutent comme on lit des aventures absconses, mais malgré la durée conséquente de cette piste unique, le temps passe très vite. Tout simplement parce que l’ordonnateur de ce projet a refusé la facilité des répétitions irritantes pour composer sa musique comme un opéra maudit, rejoignant ARCTURUS et EMPEROR dans la démesure, sans leur emprunter quoi que ce soit de symptomatique. On pense à la nouvelle vague de BM contemporaine underground de l’est, mais à vrai dire, on finit rapidement par ne plus penser qu’à cette musique envoutante, aussi assourdissante qu’elle n’est cathartique. Les intermèdes éthérés, judicieusement placés permettent de relâcher la pression, et de soulager les tympans de l’auditeur, sans permettre à son âme de se purifier. La régularité des attaques est aussi d’importance, comme un mantra Noisy brisant le silence de sa véhémence, le musicien se montrant particulièrement convaincant au moment de prêter allégeance au BM le plus rapide, le plus abrasif et le plus ténébreux possible. Itima est donc le genre d’album dans lequel on s’immerge, et qu’on n’écoute pas d’une oreille distraite. Il nécessite une attention particulière, et peut-être un peu de patience aussi, mais cette patience est régulièrement récompensée par des segments mélodiques enivrants (cette cassure acoustique à trente minutes sur fond de percussions économiques est sublime), et des progressions incroyablement créatives. Ainsi, l’unique composition, à prendre globalement permet aussi de s’attacher à des détails plus précis, ce qui ne fait que renforcer son impact, et augmenter son intérêt. Je le reconnais, les fans de BM traditionnel auront du mal à s’attacher à ce concept qui se veut plus extrême que foncièrement Black (bien que l’affiliation ne puisse pas être remise en cause), mais ceux qui aiment leur musique aventureuse et provocante reconnaîtront l’immense talent d’un musicien hors du commun, capable de produire un morceau de plus de quarante-cinq minutes sans jamais lasser.
TITAAN est un nom qui pour le moment ne se pose que sur quelques lèvres, mais avec Itima, gageons que cet inconnu qui souhaite le rester deviendra vite une référence du BM expérimental, mais trop intelligent pour se réserver à une élite bruitiste et peu conciliante.
Titres de l’album :
01. Itima
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