Je n’ai pas toujours été tendre avec les brésiliennes. J’avais même froidement assassiné leur troisième album à l’époque, n’y voyant qu’une pâle tentative de recréer l’ambiance Death/Thrash de l’Amérique du sud des nineties, le talent en moins et la sauvagerie stérile. Et si Perpetual Chaos avait quelque peu redressé la barre placée très basse, le succès de masse me paraissait une récompense imméritée pour un orchestre certes sauvage, mais linéaire, prévisible, et finalement, pas si méchant qu’il n’en avait l’air. Alors, de fait, pourquoi insister me direz-vous ? Simplement parce que le potentiel de NERVOSA autorisait tous les espoirs, une fois les esprits repris et la méchanceté traduite dans un vocabulaire moins simpliste.
NERVOSA est connu pour ses changements d’humeur fréquents. Le groupe a connu des modifications de line-up persistants, incessants et handicapants, laissant souvent Prika Amaral seule à la barre comme un amiral, et Jailbreak ne fait aucunement exception à la règle. Avec un équipage une fois de plus renouvelé de fond en comble, le navire continue sa traversée mouvementée, évitant les ports d’attache pour ne pas devenir sédentaire et perdre de son indépendance.
Trois nouvelles pour une cinquième étape franchie dans la douleur, avec l’arrivée de Helena Kotina à la guitare, de Hel Pyre à la basse et de Michaela Naydenova à la batterie. Et comme un signal fort envoyé aux fans, une Prika qui assume enfin totalement son rôle de leader, s’emparant pour la première fois du chant pour devenir la frontwoman qu’elle a toujours été. Et le résultat s’en ressent, cruellement. Mais dans le bon sens. Car pour une fois, NERVOSA a produit l’album qu’on espérait depuis longtemps, un massacre organisé, une boucherie personnalisée, toujours entre Thrash en effet bœuf et Death chevalin, pour une viande tendre, au goût prononcé, et qui génère une sensation de satiété que l’on n’avait jamais éprouvée jusqu’à lors.
Entre un ARCH ENEMY moins prétentieux et nos propres WITCHES passablement agacées, NERVOSA tient la corde, compacte ses arguments et fonce dans le tas, non sans avoir élaboré un plan précis et détaillé. En premier lieu, accordons à la voix de Prika une force indéniable et une puissance de tous les diables, la guitariste chanteuse se travestissant en fille illégitime d’Alexi Laiho et Sibylle Colin-Tocquaine. Avec telle femme en porte-parole, NERVOSA décolle enfin et nous présente un festival d’abordage sans pitié ni prisonniers, via un Thrash/Death toujours aussi violent, mais beaucoup plus créatif et intuitif.
Entre le Brésil, l’Italie, la Grèce et l’Espagne, Jailbreak est une évasion internationale qui laisse des séquelles graves sur l’inattention des geôliers, certainement dépités de n’avoir pas pu garder telles prisonnières dans leur cellule.
Mélodies, énervement atomique, emballement rythmique, pour un résumé de trois ou quatre décennies d’extrême, bien plus efficace que toutes les synthèses proposées antérieurement. La franchise de certains morceaux n’est pas sans évoquer la cruauté de nos chers HOLY MOSES époque Finished with the Dogs (« Jailbreak », plus allemand qu’irlandais, et plutôt Punk que THIN LIZZY), et la force de frappe ne tire plus dans le vide, visant avec minutie le fort des doutes qui finit par s’effondrer sous les coups de massue assénés.
Je ne cacherai pas que découvrir cette version de NERVOSA m’a fait un plaisir fou. Même si quelques hésitations et répétitions subsistent encore, elles n’en sont pas moins minoritaires dans ce torrent de barbarie digne d’un déluge divin, et l’énergie développée par Prika trouve enfin son apogée dans une inspiration plus personnelle et pugnace, comme si la guitariste/chanteuse s’assumait enfin sans complexe, et surtout, sans chercher à se mesurer aux légendes et autres références du cru.
Jailbreak est donc la réussite qu’on attendait depuis des années. Depuis les débuts du groupe d’ailleurs, avant qu’il ne se fasse avaler par la hype, qui a pesé un peu trop lourd sur les épaules des musiciennes. Et si le tracklisting est encore un peu trop généreux, générant des redites parfois embarrassantes, la majorité des chansons sont efficaces, précises, droites et honnêtes, loin du tape-à-l’oreille que l’on a dû subir jusqu’à présent. Il est même possible, en faisant preuve d’un peu d’imagination, de concevoir le NERVOSA 2023 comme le descendant direct des DETENTE, tant la provocation Punk transcende des structures Thrash usuelles.
« Behind the Wall », ultra syncopé, nous vrille les neurones plus efficacement qu’un Mille hurlant « Pleasure to Kiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiill », et globalement, le feeling anarchique balaie tout sur son passage, comme un manifeste de bestialité intelligente, mais sans concessions. « Kill or Die », simpliste mais terrassant, « Suffocare » et son habile jeu de mot sur fond de Thrash/Death aux gros os, « Gates to the Fall » et son ambiance pesante et suffocante, les éléments à charge sont nombreux, et le procès se transforme vite en liesse populaire.
Le quatuor se permet même deux featurings fameux, avec en premier lieu un Gary Holt déchainé venu prêter guitare forte sur l’insistant « When the Truth Is a Lie », et Lena Scissorhands, la rousse incendiaire mettant son gosier râpeux au service du mortel « Superstition Failed ».
Tout ceci confère à cet album des airs de fête célébrée en l’honneur d’un parcours qui a connu quelques ratés, mais qui aujourd’hui accepte les quelques erreurs du passé pour aller de l’avant. Mais jamais le groupe mené par Prika n’avait sonné aussi impressionnant et distrayant, et il est assez facile d’accorder le statut de meilleur album que semble accepter d’endosser Jailbreak.
On n’ose imaginer la tuerie live qui va s’ensuivre, si le groupe a les moyens de tourner, en ayant franchement hâte d’être le témoin d’un massacre en concert lors des festivals 2024.
Titres de l’album:
01. Endless Ambition
02. Suffocare
03. Ungrateful
04. Seed of Death
05. Jailbreak
06. Sacrifice
07. Behind the Wall
08. Kill or Die
09. When the Truth Is a Lie
10. Superstition Failed
11. Gates to the Fall
12. Elements of Sin
13. Nail the Coffin
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