Jupiter

Vitne

20/06/2017

Autoproduction

Il y a les artistes qui font du négoce, et d’autres qui envisagent l’expression comme catharsis d’une ferveur qui les dévore. Une caste à part de musiciens (ou autres) qui ne jurent que par la passion, et qui n’ont cure de ce que le marché peut leur offrir. Des musiciens qui pensent plutôt à ce qu’ils peuvent offrir au monde, et plus humblement, à leurs fans. C’est souvent vers eux que je me tourne lorsque j’ai envie d’entendre une musique honnête, fondamentalement personnelle, parfois maladroite, mais toujours sincère. Et VITNE, ou Joseph Kimbrell, comme vous préfèrerez l’appeler, fait partie de cette catégorie de sculpteurs d’émotions qui ont façonné leur univers à leur image. J’ai croisé sa route à l’occasion de son LP Neon, publié en décembre 2013, puis de nouveau un an et demi plus tard, lorsqu’il a publié sa suite en format EP, Endless Blue. Je suis ressorti de l’écoute et de la chronique qui s’ensuivit un large sourire aux lèvres, affirmant même qu’il était le genre d’homme à « rendre le monde plus beau ».

Deux ans plus tard, je n’ai pas changé d’avis. Et au moment de vous parler de son dernier né, Jupiter, je me sens une fois de plus en plein centre d’une zone de confort qu’il a contribué à créer de son inspiration versatile et de ses compositions intimes.

Dans un élan d’enthousiasme, je pourrais le comparer à un autre esprit libre, Devin Townsend, à cause de cette façon de n’envisager la musique que sous son angle le plus affranchi de toute contrainte et de toute limite de style. Bien évidemment, les deux ont leurs propres frontières et leurs propres influences, et un talent qui leur est propre, mais leur deux galaxies pourraient très bien cohabiter, à partir du moment où seul votre cœur décide des collusions possibles entre eux. Mais après tout, pourquoi comparer ? Joseph est VITNE, Devin est Ziltoïd ou toute autre créature, et c’est très bien comme ça.

Avec Jupiter, Joseph a mis les choses au point dès le départ, en le déclarant son album le plus Heavy. Impossible de le contredire, tant les riffs qui le composent sautent aux oreilles de leur hargne, mais pour autant, on retrouve les harmonies typiques du bonhomme, qui une fois encore à laissé dériver son inspiration sur les courants qu’il affectionne, sans se soucier des querelles de clocher. On retrouve donc une fois de plus ces accents étranges inspirés du Visual Key nippon, ces digressions Post-Rock hautement mélodiques, ces refrains qui s’incrustent dans la mémoire, et cette absence de limitation qui transforment une fois de plus sa création en objet unique, que lui seul peut revendiquer.

Mixé et masterisé par Rolf Munkes, Joseph lui-même, Kevin Carafa ou Johan Vegna, Jupiter est une odyssée homérique dans un univers parallèle, coloré, chaud et chamarré, dans lequel le Hard-Rock le plus traditionnel cohabite avec l’acoustique épurée, le Rock japonais, et même l’alternatif léger, dans une folle farandole qui occulte la triste réalité d’une morne routine que nous endurons tous. Joseph n’a rien perdu de son don pour nous faire oublier nos tracas, en nous offrant une petite demi-heure de musique bricolée à la maison, qui sonne pourtant bien plus professionnelle que des œuvres qui s’en targuent avec morgue. Des hésitations à me croire sur parole ?

Je ne vous le demande pas, mais écoutez cet album. Ses morceaux sont les meilleurs agents de com’ dont il peut avoir besoin. Et après la courte et apaisante intro au piano « Mirror », vous verrez vos perspectives changer, et votre regard s’ouvrir, tandis que les battements de votre cœur vont soudainement ralentir pour s’adapter à la quiétude ambiante.

Je parlais de Devin tout à l’heure, mais il est certain que les premières mesures en arpèges de « Masquerade » évoquent sa silhouette musicale, tout autant que le Rock alternatif des 90’s, qui n’avait pas encore oublié de conjuguer la puissance du futur aux harmonies du présent. Belle entrée en matière qui révèle une production clean et ample, permettant aux soli du guitariste de briller au firmament.

On retrouve d’ailleurs au casting du LP Vitne, évidemment, au chant, chœurs, à la guitare, la basse, la flûte, mais aussi au synthé et au piano, Julian Angel à la lead, Nigel Rios à la batterie, ainsi que Max Saidi au même poste sur le titre « Edge ».

Comme d’habitude, Joseph s’en tire admirablement bien à chaque poste occupé, et distille des riffs simples et accrocheurs, travaillant ses refrains comme des accroche-cœurs et préférant la sobriété à la démonstration gratuite et boursouflée.

« Lion » reste sur le même créneau Heavy, et s’agrippe à un mid tempo martelé, pendant que les couches de chant s’empilent, alors que « Make Believe » s’autorise un beat plus élastique et quelques percussions atypiques. Mais quelle que soit le vecteur d’approche, le résultat est toujours le même et l’euphorie d’un Rock entrainant l’emporte, privilégiant l’efficacité à la diversion.

Ce qui n’empêche nullement l’artiste de nous contenter des courts intermèdes acoustiques dont il est coutumier, distillant des harmonies superbes et zen comme sur les cinquante secondes du cristallin « Are You Real ? », qui lui permet de superposer un chant médium et des arpèges sereins.

La pause détente et introspection continue d’ailleurs sur le magnifique « Under The Moonlight », aussi empreint d’épure à la Townsend que de Folk de tradition aux accents délicatement nippons. C’est certainement le domaine dans lequel Joseph se montre le plus à nu et à l’aise, en réduisant l’orchestration au minimum, sans oublier de parsemer son instrumental d’arrangements de flûte et de claviers discrets.

Mais « Jupiter », le title-track nous ramène en terrain plus bétonné, et nous fait dévaler à bonne allure l’autoroute du Hard-Rock le plus échauffé, proche d’une nationale AOR aux abords accidentés, histoire de rouler bon train pour finir par le dépasser.

« Edge » est la surprise du chef, qui brise le moule et nous offre une friandise épicée, dansante et colorée, comme un dessert alternatif servi brulant et glacé.  

« Far Away » renoue avec la tendresse, et se perd dans les méandres d’un rêve éveillé, qui évite soigneusement tous les clichés oniriques romantiques éculés. Une fois de plus, les multiples couches de voix s’entremêlent avec délicatesse, alors que le final explose soudain dans un crescendo imprévu qui nous ramène à la réalité vécue.

« Say Goodbye » offre le meilleur des réveils avec ses allusions à la vague Néo Punk des SUM41, FENIX TX et autres NEW FOUND GLORY, et on se relève de cette écoute du bon pied, prêt à affronter n’importe quelle journée.    

VITNE avec Jupiter prouve qu’il vit sur une autre planète, sur laquelle des valeurs comme l’honnêteté et la sincérité ont valeur de dogme. C’est un disque profondément humain, avec ses qualités et défauts, qui ne cherche pas la perfection, mais l’émotion. Et qui nous touche, une fois encore. Une leçon de diversité qui ne souhaite pas en donner.

Plus simplement, une musique à l’image de son créateur, attachante, vivante et délicieusement introspective et exubérante.


Titres de l'album:

  1. Mirror
  2. Masquerade
  3. Lion
  4. Make Believe
  5. Are You Real?
  6. Under The Moonlight
  7. Jupiter
  8. Edge
  9. Far Away
  10. Say Goodbye

Site officiel


par mortne2001 le 11/07/2017 à 17:50
80 %    1353
Derniers articles

Chaulnes MÉTAL-FEST 2025

Simony 27/04/2025

Live Report

Star Rider/Blaze Bayley

mortne2001 24/04/2025

Live Report

LOUDBLAST : 40 ans de carrière !

Jus de cadavre 20/04/2025

Vidéos

Big Brave + MJ Guider

RBD 12/04/2025

Live Report

Becoming Led Zeppelin

mortne2001 09/04/2025

Live Report

Klone

RBD 08/04/2025

Live Report

Dr. Feelgood

mortne2001 29/03/2025

Live Report

1000Mods + Frenzee

RBD 24/03/2025

Live Report

Datcha Mandala

mortne2001 22/03/2025

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
DPD

Reste Peste Noire qui chante en français.

01/05/2025, 23:53

DPD

Oui les subventions il suffit d'un pas qu'ils perçoivent de travers (ce qui n'est pas forcément le cas dans une scène) et t'es hors système. C'est un immense problème, peu importe ou l'on se situe économiquement, dans le syst(...)

01/05/2025, 23:51

Jus de cadavre

Je suis sur le dernier de mon côté, Malignant Worthlessness, sorti cette année. Du tout bon, même si il n'y a plus l'effet découverte "c'est qui ces tarés !?"

01/05/2025, 22:41

RBD

Tout le monde voyait bien ces difficultés dans l’activité de la salle depuis la pandémie, et j’étais au courant par plusieurs biais des soucis d’un autre ordre. Les lecteurs de Metalnews savent bien que je suis un habitué des lieux depuis vingt(...)

01/05/2025, 21:22

DPD

Je sais bien que je tourne en rond mais le principale problème c'est le manque de renouvellement du public, autant j'ai maudit ces courant type metalcore/deathcore, ils apportaient un nouveau public. Je suis trentenaire et parfois je me sens jeune dans un concert black/death meta(...)

01/05/2025, 19:06

totoro

Le nouveau line-up est top ! Mais le morceau ne me fait pas grimper au rideau... Finalement j'aime Suicidal quand c'est plus Metal que Punk, avec les solis magiques de Rocky George. Bref, je suis un nostalgique, et même si je serai intéressé pour revoir le groupe sur(...)

01/05/2025, 17:54

Bl00db4th

Qui écoute encore cet album en 2025? Groupe que je découvre que maintenant... Quel album ! Tourne en boucle

01/05/2025, 16:57

Simony

Bah c'est très moderne en effet et malheureusement, je ne sais pas si le public de ce style en core est très assidu aux festivals. Au-delà du fait que le niveau de popularité des groupes soit un ton en dessous par rapport au passé glorieux du festival. Mais(...)

01/05/2025, 09:15

Simony

Il y a vraiment un problème de la place de la culture dans notre société...

01/05/2025, 09:11

fecal prout

@LeMoustre : ok boomer

01/05/2025, 06:58

LeMoustre

C'est a chier l'affiche

30/04/2025, 18:41

Whiskey

C'est clair que ça fait mal au cul de voir la prog' du festival depuis quelques années... faut pas s'étonner hélas que le public se fasse de moins en moins nombreux, alors qu'avant le Covid l'affiche avait chaque année de la gueule !

29/04/2025, 13:37

Humungus

Hâte ! Hâte !

29/04/2025, 11:03

Buck Dancer

Première écoute décevante, la seconde plus convaincante. Malgré tout un peu déçu après le très bon World Gone Mad

29/04/2025, 08:26

DPD

Bordel on l'avait tellement bien,on s'est pas remdi compte.

29/04/2025, 02:34

DPD

Et pitié plus jamais de thrash//bllack/death à la con, choisit ton camp camarade !.

29/04/2025, 02:27

DPD

Je veux une scène vivante et organique voilà tout. Je constate une baisse en qualité, la scène metal ressemble de plus en plus à un musé. Mon expérience c'est que tu as un bon groupe sur 4 dans une soirée live maintenant. Il y a pas si (...)

29/04/2025, 02:24

Ivan Grozny

Petit chenapan j’aurais bien aimé voir ça.

28/04/2025, 23:37

Sphincter Desecrator

@DPD:Pour finir, là où je pense te rejoindre (je suis presque quinqua, pourtant), c'est que je trouve insupportable les anciens qui prennent les jeunes de haut en leur disant que ce qu'ils font ne sera jamais au niveau de ce qu'ils ont connu.

28/04/2025, 19:40

Sphincter Desecrator

@DPD: que METALLLICA n'apporte plus rien à la scène depuis 30 ans, je pense que ça fait plus ou moins consensus. Mais je ne vois pas ce que LORNA SHORE apporte non plus.Ceci étant dit, qu'est-ce qu'un "jeune" de la scène. Moins de 40(...)

28/04/2025, 19:37