Just Business

Neverdawn

19/02/2018

Autoproduction

Les groupes de Heavy Thrash sont rares. Comprenez par ceci, les bons groupes de Heavy Thrash sont rares. Même à l’époque où ces deux styles représentaient une part importante de la production Hard ricaine, dénicher la perle au milieu du parc à huitres tenait de la gageure, et seule une poignée d’ensembles se sont extirpés du lot. MEGADETH évidemment, qui en représente en quelque sorte une quintessence, METAL CHURCH éventuellement, quoiqu’on puisse plus facilement les ranger dans la case Heavy que dans le créneau Thrash, les PANIC dans une moindre mesure, et quelques autres dont on peut éliminer les SANCTUARY, trop lyriques et complexes pour être francs. De nos jours, la caste des artistes se revendiquant de cette affiliation est réduite à la portion congrue, le style étant de plus en plus difficile à pratiquer, et il est de moins en moins facile de dénicher un combo capable de nous enthousiasmer de ses rythmiques Heavy, tout en nous pilonnant de ses riffs Thrash. Alors, que faire ? Abandonner la quête, ou compter sur le hasard des sorties pour nous permettre de nous sevrer de puissance et de vitesse ? Optons pour la seconde solution, puisque ce fameux hasard fait souvent bien les choses, et nous offre au gré de ses caprices quelques découvertes qui valent la patience que nous avons investie.

Ainsi, les NEVERDAWN et leur patronyme qui sent bon le NEVERMORE viennent d’émerger de nulle part, et nous livrent avec leur premier album Just Business, un manifeste d’honnêteté Metal fort appréciable, sinon inoubliable. Venant de Colombus, Ohio, ce quatuor formé à l’orée de l’année 2016 n’a pas hésité à travailler son grand soir pour plonger directement dans le grand bain d’un longue-durée, évitant les cases démo et EP, certainement sûrs d’avoir trouvé leur propre son et leur propre inspiration. Et après presque une heure en leur compagnie, je ne peux que valider ce choix, en émettant toutefois quelques réserves. Si le propos générique est assez puissant pour séduire, l’inspiration manque parfois de nuance et de pluralité pour contenter les esthètes les plus exigeants. On le sait, depuis l’émergence d’ANNIHILATOR, la donne a changé, et les critères de sélection sont devenus plus élevés, rendant la tâche plus ardue pour se faire remarquer des meilleurs. Mais en substance, et en faisant preuve d’un peu de compassion, ce premier LP est particulièrement bien agencé, et propose une quantité de morceaux suffisamment rageurs pour mériter votre intérêt.

Fondé en avril 2016 par RJ Gilliland (guitare) et Tristan Woodruff (guitare/chant), NEVERDAWN se propose donc de nous faire humer de nouveau le parfum délicieux des aventures décibelliques des années 80, via quelques références assumées. Ces influences sont clairement nommées, des inévitables METALLICA, MEGADETH, et IRON MAIDEN, en passant par les non moins notables VOLBEAT, GODSMACK, SLAYER ou AVENGED SEVENFOLD, histoire de replacer la tradition dans un contexte plus moderne, et permettent de baliser un terrain bien dégagé. S’il est évident, et ce dès les premières minutes que les américains sont beaucoup plus portés sur la souplesse d’un Heavy mélodique et racé que sur la violence d’un Thrash bien tassé, leurs impulsions sont suffisamment énergiques pour séduire les fans d’une agressivité mesurée. Avec un line-up complété de l’adjonction du jeune cogneur Ethan Ritenour (quinze ans au moment de son recrutement), et du bassiste Julian Chandler, le groupe a enfin trouvé une stabilité lui permettant de composer de jolis hymnes au Heavy oublié, qui paie parfois son tribut en espèce sonantes et discordantes, se rapprochant dangereusement de sa muse Mustaine, à l’occasion de quelques concessions harmoniques révélatrices (« Drifter », qu’on aurait pu retrouver sur Youthanasia sans que cela ne pose le moindre problème de cohésion). Les morceaux sont tous soutenus par un thème porteur, parfois délibérément placé dans l’ombre des géants (impossible de ne pas trouver une analogie flagrante entre « Sons Of War » et le chef d’œuvre de Waters Never, Neverland), mais souvent handicapés par une tendance à la modération qui vient quelque peu frustrer le besoin d’explosion. On aimerait vraiment que les musiciens se lâchent un peu plus, et accélèrent ce mid tempo qui plombe toutes leurs compos, sans vraiment pouvoir leur faire de reproche d’un point de vue musical. Les guitares sont volubiles mais pas bavardes, les soli travaillés, la rythmique stable et pertinente, mais le chant un peu geignard et faible bride souvent le tout l’empêchant de fait de décoller vers une euphorie qu’on les pressent capables de déclencher. Pourtant parfois, la tendance s’inverse, et le Thrash reprend plus ou moins ses droits, suggérant une admiration non feinte pour le duo de frères ennemis MEGADETH/METALLICA (« No Love Lost »), alors que les optiques les plus progressives ne peuvent se retenir d’hybrider les deux légendes sus nommées pour les confronter à un METAL CHURCH enfin retrouvé (« Line In The Sand », qui peut aussi bien se souvenir d’ICED EARTH que de HEATHEN). C’est d’ailleurs dans ces marques d’ambition que le quatuor trouve enfin le bon ton, tant leur modus operandi évolutif leur permet de marquer leur territoire, sinuant au gré de mélodies imposées par une rythmique enfin plus concentrée.

Et si l’ouverture tonitruante de « Blinded » se montre aussi efficace qu’une bonne claque d’OVERKILL (avec cette grosse basse claquante et ronflante), si le riff maousse de « Just Business » est aussi persuasif que les attaques les plus vicieuses de Dave Mustaine, la première partie d’album peine à flotter en dehors des eaux du classicisme forcé, et ne nous convainc pas totalement du potentiel d’un groupe encore un peu tendre. Mais on se laisse amadouer par cette valse-hésitation entre férocité et accessibilité, qu’un titre aussi syncopé que « Freight Train » traduit avec habileté, proposant enfin une digression sur la linéarité revendiquée. On sent bien que l’étincelle déclenchant l’explosion n’est qu’à une portée de souffre près, mais on attend encore un peu plus de maturité pour hisser les NEVERDAWN au rang d’espoir à suivre, sans pour autant les condamner à une seconde division pas forcément méritée. Il conviendra quand même à l’avenir de se détacher de ces influences un peu trop embarrassantes, pour faire preuve d’un peu plus de culot et d’audace, histoire de présenter une copie qui ne sent pas trop le regard de biais sur celle du voisin. Mais en attendant la suite des évènements, Just Business n’en reste pas moins un témoignage d’intérêt, celui d’une nouvelle génération qui préfère jouer la modulation. Une affaire qui est tout sauf du business (but business is good), et qui démontre que le Heavy puissant et conquérant a encore de belles nuits devant lui, bien plus fascinantes que les jours proposés par des thrasheurs qui se contentent de paraphraser.


Titres de l'album:

  1. Blinded
  2. Just Business
  3. Failsafe
  4. Cut & Run
  5. Drifter
  6. Sons Of War
  7. No LOve Lost
  8. Line In The Sand
  9. Freight Train
  10. Moving Forward

Site officiel


par mortne2001 le 13/03/2018 à 14:01
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