Kairos

Calamity

10/05/2019

Autoproduction

Il est amusant parfois de retrouver des groupes dont on a croisé le chemin quelques années auparavant. Ainsi, je chroniquais en 2015 le premier album des CALAMITY, combo de fiers à bras que j’introduisais de cette façon (oui, je repique cette courte bio puisque j’en ai le droit) :

« Selon leur bio, les choses ont commencé en 2010 par la création d'un groupe de reprises SILENT SCREAMS, certainement inspiré par la chanson homonyme des mentors SLAYER. Ceci menant à cela, le cover band devint band à part entière et se renomma HUSH, jusqu'au départ de son co-fondateur et chanteur Gabriel Quiñones. Suite à cette démission, un dernier ajustement eut lieu pour achever la métamorphose en CALAMITY, qui en quelques années s'était orienté vers un Thrash puissant et Heavy correspondant mieux à ses aspirations. C'est donc à cette formation que nous avons affaire aujourd'hui (Berny Santos - guitare/chant, Gonzalo Ortiz - guitare rythmique, Fernando Rivera - basse et Eduardo Acevedo - batterie), et après un premier EP paru en 2014, Let Em'Burn!, voici donc le quartette fraîchement flanqué d'un nouveau répertoire longue durée, et bien décidé à conquérir le monde de ses guitares pas si franches qu'elles n'en ont l'air. »

Le LP en question était donc le premier long de ce quartet au line-up inchangé en 2019, s’appelait Imminent Disaster, mais était tout sauf un désastre. J’avais vu chez ces originaires de Caguas une façon très intelligente de contourner la problématique nostalgique en insufflant une sérieuse dose de modernité groove à leur Thrash, et quatre ans plus tard, sans verser dans le dithyrambe, mon avis n’a non seulement pas changé, mais il s’en trouve conforté. Si le premier long des CALAMITY montrait encore des signes de jeunesse flagrants, Kairos les balaie du revers de manche avec ses certitudes agressives et son assurance mélodique. L’équilibre n’a donc pas été rompu, et le charme opère toujours, le quatuor trouvant même le moyen de faire fructifier ses idées en les développant de façon exponentielle. Et avec neuf morceaux pour presque cinquante minutes de musique, le cadre est assez large pour vous permettre de les apprécier. Il est en effet assez rare de tomber sur des musiciens qui ne manquent pas d’ambition, et qui en ont les moyens, et dès écoute des deux premiers morceaux, la sentence tombe, et irrévocable : Kairos est une réussite et un vrai bol d’air frais dans la remise cloisonnée du Thrash old-school à l’air vicié. Non que les bases de l’inspiration aient changé, mais le groupe les a transcendées pour trouver sa véritable identité, se permettant même de signer un premier titre en espagnol, à l’accroche tout bonnement irrésistible. C’est ainsi que « Guerreros » se paie le luxe de réconcilier la basse Hardcore d’OVERKILL et le groove du SEPULTURA le plus tribal, sans oublier des accélérations fatales à l’allemande, pour cinq minutes de bonheur auditif violent.

On se fait donc bousculer, mais pour la bonne cause et dans la bonne humeur. En s’accrochant à des patterns typiquement Mosh, les CALAMITY assurent une souplesse terrible à leurs titres, qui se présentent du coup comme de véritables chansons et non de simples tranches de bestialité vintage. En témoigne le terrassant et foudroyant « Still We Live », qui réconcilie le Happy Metal du HELLOWEEN de la grande époque et le radicalisme d’un ACCUSER en pleine crise de foi, avec double grosse caisse à fond les ballons et harmonies Power Metal de saison. Sur le papier, tout ça peut paraître disparate, mais entre les oreilles, ça nous éclate, et prend des airs de tube de l’impossible, à cheval entre le Core New-yorkais et le Heavy-Speed berlinois des années 80. En optant pour une version progressive, Kairos se démarque brillamment de la production anonyme contemporaine, et refuse le carcan de la nostalgie bête et indisciplinée. On apprécie ces inserts en tierces, ces soudaines cassures pour temporiser qui ne font pas faiblir la cadence, ces soli rougeoyants et pertinents, et cette ambiance positive qui nous éloigne des turpitudes habituelles et prévisibles du Thrash. En louvoyant entre les tendances, les quatre instrumentistes nous offrent un spectre très large, et synthétisent MAIDEN, NUCLEAR ASSAULT, MUNICIPAL WASTE, METALLICA, BLIND GUARDIAN, sans trahir une cause ni choisir un camp, autre que le leur. Et dans une époque gangrénée par le formalisme, ce culot fait un bien fou.

D’autant que les riffs sont tous puissants et convaincants. Le chant assez particulier de Berny Santos pourra troubler les amateurs de gravité au gros grain, son timbre se rapprochant parfois des modulations alternatives des nineties (c’est frappant sur « The Truth », d’ailleurs illustré d’une vidéo), mais cette différence la fait justement, et s’accorde avec le parti-pris général de l’album. Aussi direct et efficace qu’il n’est sinueux et alambiqué, Kairos prône la diversité, et se la joue même Heavy mélodique nostalgique du METALLICA de l’âge d’or, pour un morceau éponyme qui impose même un beat dansant sur un refrain confondant de mélodie. La niaiserie harmonique est évitée grâce à une puissance générique sans failles, et on pense parfois à une version très typée d’un MEGADETH exilé en Amérique du Sud, avec des instincts moins sardoniques. Traditionnel sans l’être, ce combo atypique se permet à peu près tout ce qu’il veut et réussit le pari de tirer le Thrash moderne vers le haut en le regardant de biais. Acrobatique pour le moins, mais admirable, spécialement lorsqu’on nous prend par les sentiments évolutifs, via un « The Change » qui en effet, semble l’approuver. TESTAMENT n’est pas loin, HEATHEN non plus, et le résultat est bluffant d’aplomb, aboutissant presque à un Proto-Power-Thrash de première catégorie, assez unique dans les faits, mais très persuasif dans le fond. Arrangements ludiques mais qui tombent toujours à point, opposition entre vélocité et assise mélodique, tout en admettant des tendances à la virulence avec régularité (« Overuled », l’un des plus francs du lot).

Guitares acoustiques délicieuses et délicates pour Power ballad en demi-teinte (« El Vacio », le spectre de « Fade to Black » n’est jamais très loin), pour final saccadé à outrance et méchamment débridé (« The Handlebar »), et CALAMITY, toujours en autoproduction de se faire un nom, de ceux qu’on lit en lettres de néon sur les façades des plus grandes salles. Plus qu’une confirmation, ce second LP est une consécration, et l’assurance d’un avenir en béton pour un groupe qui réfute pas mal de théories de non évolution.  

 

Titres de l'album :

                         1.Killer Vibes

                         2.Guerreros

                         3.Still We Live

                         4.The Truth

                         5.Kairos

                         6.The Change

                         7.Overruled

                         8.El Vacío

                         9.The Handlebar

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par mortne2001 le 17/06/2019 à 16:42
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Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête. 

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