Il y a trois ans, j’avais fait la connaissance d’un groupe dont les membres se connaissaient depuis 20 ans, et qui avaient patiemment attendu la bonne conjoncture pour faire de la musique ensemble. Une situation pour le moins originale, tout comme la musique qui en découla, et qu’une intro de chronique ludique permit d’appréhender dans toute son imprécision. En 2017, les THYRANT m’avaient donc cueilli à froid de leur mélange entre NWOBHM, Thrash, Death, et autres sous-genres mixés à la perfection, et c’est donc avec un indéniable plaisir que je les retrouve aujourd’hui, trois ans plus tard, armés d’un second LP…un peu plus facilement cernable que le premier. Encore une fois, les espagnols ont joué la carte de la diversité, mais surtout de la qualité, leur Crossover n’ayant que peu d’équivalent sur la scène actuelle. Katabasis et ses huit longues pistes se propose donc de suivre celle tracée par What We Left Behind, en accentuant encore plus les aspects les plus variés pour mieux emporter l’auditeur dans une quête de l’impossible : celle d’un Heavy Metal affranchi de toute contrainte et refusant les liens pouvant l’attacher à la normalité d’une quelconque étiquette. Le groupe est toujours articulé autour des mêmes musiciens, à une exception près, soit J.Merida et Miguel Navarro (guitares), Rubens Oliver (basse) et Miguel Vegas (batterie), aujourd’hui secondés au micro par le nouveau venu Ocram, remplaçant de Daniel Perez. Mais ce changement de chanteur n’a pas altéré la soif des instrumentistes, et si les chansons sonnent parfois plus conventionnelles que leurs aînées, l’optique n’a pas terriblement dévié de la philosophie d’origine, et le groupe ressemble toujours plus ou moins à ce mélange MAIDEN/CARCASS, en simplifiant les choses à l’extrême.
Enregistré, produit et mixé au studio Artesonao Studio par Martin Furia, masterisé par Dan Swanö au studio Unisound, doté d’un artwork réalisé par La Luna en un Hilo, et d’une photographie de José Antonio Ruiz Molina, Katabasis est donc une solide affaire de pluralité musicale, et s’articule autour de quatre chapitres développés, enrobés d’intermèdes plus brefs et mélodiques. Et loin de servir de simple décorum d’arrangements, ces trois interludes courts remplissent à merveille leur rôle de bouffée d’air frais, les longs titres proposant un maximum d’idées brutales. Le groupe a d’ailleurs commencé son second périple par un prologue de près de neuf minutes, qui jette les bases de la suite : d’énormes guitares aux riffs précis, un chant sourd très connoté Death Metal, une rythmique plurielle, pour des constructions évolutives qui ne sont pas sans rappeler l’OPETH de début de carrière. « Face the Thyrant » nous dispense donc d’échauffement, en lâchant un énorme lick dès sa première seconde. Le décor est planté, l’ambiance est sombre mais l’air harmonieux, et les espagnols placent immédiatement leurs pions, cette fois plus situés à la lisière d’un Death progressif envoutant et puissant. Peu versés dans la démonstration technique, les originaires de Malaga préfèrent adopter une éthique seventies, et avancer à vue, avec des passages en son et chant clair à la PINK FLOYD, soit la quintessence d’un Metal brutal de l’école late nineties. D‘où cette comparaison assez opportune avec OPETH, qui ne suffit évidemment pas à baliser le terrain, le reste de l’espace étant couvert par les influences de CARCASS, GOJIRA et même AT THE GATES, soit les mêmes qui régissaient déjà What We Left Behind. Mais la différence entre les deux albums est notable, notamment dans la cohésion d’ensemble, puisqu’on retrouve pas mal de plans qui se répercutent d’un morceau à l’autre, comme un miroir ou un passage temporel.
Mais la cohésion et les astuces ne suffisent pas à faire un bon album, ni les bonnes références et la pluralité ouverte. Ce qu’il faut pour accrocher d’auditeur, ce sont de bons morceaux, et ceux de Katabasis ne manquent pas le coche. En prenant grand soin de ne jamais enchaîner deux longs segments, le quintet assure ses arrières et aère son propos, tout en renforçant ses aspects les plus bruts. C’est ainsi que « Dunes of Desolation » se détache de la mélodie ouverte pour se rapprocher d’un Death plus radical mais abordable, avec en exergue cette dualité de guitares qui se complètent à merveille, et qui rappelle parfois les joutes entre Chuck Schuldiner et James Murphy. Le premier véritable interlude, « Chapter I: Shipwreck » développe une harmonie acoustique très apaisée, qui n’est pas sans évoquer les inserts de TESTAMENT, et permet un glissement vers le long « Black Oceans » en bonne préparation. Nous y retrouvons d’ailleurs cette grosse basse bien ronde qui ondule en arrière-plan, et cette emphase presque Doom sur les passages les plus Heavy, mais le propos ne s’embourbe jamais dans les marais de la pesanteur, préférant aménager des cassures pour mieux laisser respirer les idées. Le chant, nouvel élément à prendre en compte pourra sembler un peu linéaire dans son raclage de gorge au prime abord, mais s’adapte très bien au parti-pris instrumental. « Black Oceans » permet donc de réconcilier les fans de NEUROSIS, de TROUBLE, CANDLEMASS, OPETH, KATATONIA, PARADISE LOST, mais ne trahit pas pour autant les opinions de THYRANT. Pas plus que « Ephemeral Lighthouse », qui prend le contrepied total en laissant la batterie nous marteler d’un tempo énervé. Beaucoup de modulations donc, même si la difficulté de définition du premier album semble avoir laissé la place à des certitudes plus marquées. On apprécie toujours autant ces alternances de violence et de subtilité harmonique, ces reprises avec un chant grondant vraiment impressionnant, et cette puissance globale qui décoiffe les plus hardis.
Certes, j’en conviens, les riffs reviennent souvent dans le giron d’un Heavy classique, mais le concept est plus sûr de lui, et cherche moins la porte de sortie à l’aveugle. Pour certains, le groupe aura perdu de son charme versatile, mais pour les autres, il aura gagné en cohérence brutale. Et avec un long épilogue de la qualité de « Katabasis/Chapter IV: Catharsis », qui laisse une longue intro mélodique enchaîner avec une nouvelle poussée Doom, Katabasis présente une copie de travail très aboutie, et une suite qui ouvre des perspectives plus qu’intéressantes. Sans vraiment changer leur personnalité, les membres de THYRANT évoluent à leur rythme, que d’aucuns jugeront désormais bien lent, mais qui permet d’apprécier une nouvelle facette de ce métissage savoureux. Un disque cohérent de bout en bout, moins surprenant, mais pas moins attachant pour autant. La signature des grands créateurs.
Titres de l’album:
01. Face the Thyrant
02. Dunes of Desolation
03. Chapter I: Shipwreck
04. Black Oceans
05. Chapter II: Hopeless
06. Ephemeral Lighthouse
07. Chapter III: Descent
08. Katabasis/Chapter IV: Catharsis
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